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sexta-feira, 8 de julho de 2011

Le Spiritisme dans l’Eglise-Léon Chevreuil

 

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Le Spiritisme dans l’Eglise

Léon Chevreuil

Josué, fils de Nun, dit : - Mon Seigneur empêche-les !

Et Moïse répondit : - Es-tu jaloux pour moi ?

Plût à Dieu que tout le peuple de l’Eternel fût prophète,

et que l’Eternel mit son esprit sur eux !

Nombres, xi, 28, 29.

Préface de la nouvelle édition

O Christ, je ne suis pas de ceux que la prière

Dans tes temples muets amène à pas tremblants ;

Je ne suis pas de ceux qui vont à ton calvaire

En se frappant le cœur baiser tes pieds sanglants ;

Et je reste debout sous les sacrés portiques

Quand ton peuple fidèle autour des noirs arceaux

Se courbe en murmurant sous le vent des cantiques

Comme au souffle du nord un peuple de roseaux.

A. de Musset.

Oui ! Je demeure incrédule devant les belles légendes mais je crois toujours à la parole du Christ parce qu'elle est éternelle. J'y crois parce qu'elle est belle, ce qui est déjà une raison suffisante, mais j'y crois surtout parce qu'elle satisfait la justice, le cœur et la raison. Une science nouvelle s'est formée sur la constatation de faits indépendants de toute doctrine enseignée et qui nous permet d'y croire.

Lorsque j'écrivis le Spiritisme dans l'Église, je n'avais pas d'autre intention que de faire voir sous son vrai jour une vérité mal comprise et de faire appel d’une injuste condamnation prononcée par les docteurs de la loi. On ne peut damner le Spiritisme, ni au nom de la science, ni au nom de la Religion. Il est inséparable de la foi chrétienne, puisque vous êtes obligés d'admettre la résurrection du Christ, avec toutes ses conséquences. La matérialisation est une des preuves que le Spiritisme invoque en faveur de la survie.

Or, quelque, croyance que l’on professe sur la nature de Jésus-Christ, il est un homme qui a vécu sur la terre ; s’il s’est matérialisé momentanément c’est que la matérialisation n'est pas un fait incompatible avec la physiologie d'un homme, même décédé ; car le Christ ne s'est jamais écarté des lois que la nature nous impose. Et je prétends démontrer ici qu'il n’y a pas de faits spirites qui ne se retrouvent, souvent fort exagérés, dans les Annales religieuses, dans les vies des saints, dans les journaux les plus Orthodoxes de l’Église Romaine.

L'intervention de l’Esprit, ou des Esprits, n’est pas un fait surnaturel, on la rencontre partout dans les livres sacrés, chez les Pères de l’Église dans les procès de canonisation. C’est ce que n’ont pas voulu admettre les critiques exigeants qui ont parlé de mon premier livre. Ils l’ont dénoncé comme un tissu d’absurdités spirites, j'avais pourtant eu soin de ne citer que des documents extraits de leur littérature classique. Lorsque nous rappelons la verge fleurie d’Aaron, la voyance de Joseph qui devine au moyen de son gobelet, les visions symboliques, les apparitions de la Bible, les guérisons miraculeuses, les apports, la rupture des liens, sont-ce là des absurdités spirites ?

Les Spirites ont été bafoués, insultés, ridiculisés, lorsqu’ils affirmaient la télépathie, la vue sans le secours des yeux, l’action à distance, on y croit à présent parce que les appareils matériels ont rendu tout cela perceptible à nos sens, mais que faisaient les savants prétendus positivistes pendant qu’on accablait les Spirites ? Ils faisaient de la science à rebours et empoisonnaient l’opinion avec des aphorismes aujourd’hui ridicules mais qui ont encore cours auprès de certains badauds. On se souvient « Plus de cerveau, plus de pensées, il n’y a de réel que ce l’on peut voir, entendre, ou toucher ; pour des raisons de nous connues, toute transmission est impossible sans un conducteur matériel » ; la télépathie ? « Il faut être stupide et ignorant pour croire que la pensée pourrait traverser les murs ! On n'a pas trouvé l'âme sous le scalpel ; et la pensée simple sécrétion comme la bile et l'urine... ! » Que reste-t-il de toutes ces âneries ? Rien, rien, absolument rien. Et que reste-t-il des affirmations des Spirites ? Tout, tout, absolument tout. Aujourd'hui tout peut marcher sans fil, on peut voir, on peut entendre à distance, la pensée peut traverser les murs, atteindre les avions dans le ciel et rejoindre les navires en mer... Sans doute les Spirites n'en ont pas le mérite, mais cela prouve tout au moins que celui qui affirme une chose vue, est plus sûr de lui que le savant qui nie le mouvement de table parce que la loi de Newton s'y oppose.

Les Spirites ont encore le mérite d'avoir donné naissance à la Métapsychique, ils auront celui d'apporter un soutien à la Tradition, à la Révélation ; de les réduire à des proportions plus modestes, tout en leur rendant un crédit qu'elles avaient un peu perdu.

Le Spiritisme peut être religieux mais il doit se tenir tout à fait en dehors des religions et des traditions, puisque sa seule raison d'être est de remplacer la foi aveugle par la certitude expérimentale qui avait fait la force des Apôtres. Nous ne pouvons rien fonder sur la tradition, celle de l'Ancien Testament est impie. Elle est d'origine païenne, venant d'Abraham qui apportait en Egypte le culte des dieux d'Asie, c'est-à-dire la pratique du sacrifice humain. C'est ce Dieu d’Abraham qu'adopta, Moïse, tous les premiers-nés des hommes et des animaux devaient lui appartenir. On ose à peine relire ces versets monstrueux de l'Exode (Ch. xxxii, v. 27, 28, 29). Moïse a osé mettre ces paroles dans la bouche de Dieu parce qu'en ces temps de barbarie, il n'y avait pas d'autres dieux que ceux qu'avaient imaginés les hommes. La moindre manifestation de nature psychique était supposée de source surnaturelle à tel point que la Bible attribue toute manifestation visuelle, additive, etc. à une présence réelle. « J'ai vu Dieu, s'écrie Agar dans le désert alors qu'elle ne fit qu'entendre une voix. Ce n’était pas un ange qui a lutté contre Jacob c’était Dieu en personne, et il pouvait se rendre visible. Nous lisons (Genèse, Art. xviii) : « Le Seigneur apparut à Abraham car voici, trois jeunes hommes parurent, près de lui... », etc. et c’étaient les anges de Sodome ; mais pourquoi étaient-ils trois ? Cela n’embarrasse nullement la critique religieuse. « Oh ! C’est très facile, s'écrie un pieux historien, le chevalier Gougenot des Mousseaux, pour qui sait les voies de Dieu dans ses rapports avec l’humanité. » Mais je veux qu’un des plus puissants docteurs de l’Église, je veux que saint Augustin lui-même la bouche pour vous instruire. Les trois personnages étaient les trois personnes de la Trinité sainte ! Mais ces trois personnes résidaient en trois anges chargés de les représenter[1]. »

D’où il faut conclure que voilà un beau cas de matérialisation spirite : La Sainte Trinité matérialisée sous la forme de trois anges est venue manger un veau devant la tente d’Abraham à l’ombre d’un grand arbre !

Et arrêtons-nous là, car il serait vraiment trop scabreux de suivre la Trinité sainte jusqu’à Sodome. Ce n’est pas pour ironiser que nous rappelons ces choses. Ce qu’il y a de sérieux dans ce dernier exemple, c’est de voir que, même à une époque de haute culture philosophique, un prince de l’Église ait pu divaguer à ce point. Quelle confiance pourrons-nous avoir désormais dans uns tradition, exagérément déformée par de tels commentateurs ? Sans doute Moïse a été l’homme de son temps ! L’animateur d’un peuple appelé à une grande mission, et nous ne devons pas le juger avec notre mentalité du xxe siècle. Il occupe une si grande place dans l’Histoire que nous en sommes encore suggestionnés, quand on parle de lui on ne voit plus que la figure grandiose consacrée par la légende traditionnelle ; l’imposant Michel-Ange m’apparaît seul. Mais dès qu’on prétend régler ma conduite actuelle d'après les ordonnances de ce grand législateur, oh ! Alors le sang m’aveugle, le sang de ces milliers de taureaux en si bonne odeur devant l'Éternel me brouille la vue et si je devais tenir compte des défenses, je devrais aussi tenir compte des ordonnances et offrir à Dieu les premiers-nés tant des hommes que des bêtes. Moïse n’avait-il pas écrit : « Consacrez aujourd’hui vos mains à l’Éternel, chacun de vous-même en tuant son fils et son frère, afin qu’aujourd’hui vous attiriez sur vous la bénédiction. » (Exode, Chap. xxii v. 29). Le péché d’Israël, selon Moïse, n’était pas de sacrifier sur les autels, c’était de porter l’offrande à des dieux étrangers, ce n’était pas de verser le sang c’était d’épargner la victime. « Si un homme égorge un agneau ou une chèvre sans en faire l’offrande à l’Éternel, cet homme sera retranché du milieu de son peuple ». (Lévitiques Chap. xvii v. 4, 9.) Ou encore : « Nul interdit, dévoué par interdit, d’entre les hommes, ne se rachètera, mais on le fera mourir. »

Il est clair qu'une préoccupation politique pouvait seule suggérer des sévérités de cette nature et qu'il serait par trop impie d'y ajouter la complicité de Dieu. La méthode typtologique employée dans ces consultations des faux dieux ne différait pas beaucoup de celles du tabernacle, les autels étaient nombreux en Israël, on redoutait la concurrence et c'est pourquoi Moïse les accablait de ses malédictions.

L'Éternel leur parlait ainsi : « Quand ton frère, fils de ta mère, ou ton fils, ou ta fille, ou ta femme bien-aimée, ou ton intime ami que tu chéris comme ton âme, te voudra séduire en te disant en secret : Allons et servons d'autres dieux... n'aies point de complaisance pour lui, ne l'écoute point ; que ton œil aussi ne l'épargne point et ne sois point touché de compassion, mais tu ne manqueras point de le faire mourir ; ta main sera la première sur lui pour le faire mourir et ensuite la main de tout le peuple, et tu l'assommeras de pierres et il mourra. Quand tu entendras que dans l'une des villes que l'Éternel ton Dieu te donne pour y habiter, on dira : ...allons et servons d'autres dieux... tu ne manqueras pas de faire passer les habitants de cette ville au fil de l'épée, et tu la détruiras à la façon de l'interdit, avec tout ce qui y sera faisant passer même les bêtes au fil de l'épée, et tu brûleras entièrement cette ville et tout son butin devant l'Éternel ton Dieu, afin qu'elle soit toujours un monceau de ruines et qu'on ne la rebâtisse plus...» (Deutéronome, ch. xiii).

D'autre part l'Éternel est indurent pour ceux font passer leurs enfants par le feu, pourvu que ce soit à son autel. Voici comment il s'exprime par la bouche de Jérémie (Ch. viii, v. 30) : « Les enfants de Juda ont fait ce qui m'est désagréable... et ils ont bâti des hauts lieux pour brûler leurs fils et leurs filles au feu, ce que je n'avais point commandé. » Admirons cet euphémisme ; sur son autel cela lui est simplement désagréable et encore c'est parce qu'il ne l'avait point commandé, parce qu'en d'autres circonstances il le commandait. Mais pourquoi ces anathèmes contre ceux qu'une simple curiosité amenait à consulter le dieu voisin ? On a pris soin de nous le faire savoir..., « c'était de peur qu'élevant tes yeux vers les cieux et qu'ayant vu le Soleil, la Lune et les étoiles, toute l’armée des cieux, tu ne sois poussé à te prosterner devant eux », etc. Nous pouvons dire aux âmes charitables qui redoutent pour les Spirites les malédictions du Deutéronome, que ce danger la n’existe plus de nos jours. Nous n’adorons pas le soleil et la lune.

Certaines personnes ne veulent rien connaître en dehors du Ciel et de l’Enfer, ce qui ne vient pas des anges vient du démon ; elle exige que tout ce qui vient de l’au-delà soit divin et elles n’admettent pas la vulgarité des correspondances psychiques. Elles ignorent ce que Dieu ordonna par la bouche des prophètes et elles restent les fidèles alliées de ce Dieu qui a rendu les hommes féroces, qui inspire au saint homme Elie l’idée de faire égorger 450 prophètes dans le lit du torrent. Nul n’a fait verser plus de sang que l’Éternel ; aucune autre religion n’a inscrit dans ses lois l’ordre de massacrer bêtes et gens, femmes, enfants et vieillards, de façon à ce que pas un seul n’échappe.

C’était la loi dont Moïse était l’auteur et qu’il mettait lui-même en pratique, car après la grande défaite des Madianites il se mit fort en colère contre les capitaines et les chefs de milliers. « N’avez-vous pas laissé vivre toutes les femmes ? Tuez donc maintenant tous les males d’entres les petits-enfants, et tuez toutes les femmes. » (Nombre xxxi v. 15-17). Mais il se garde d’oublier le service rituel et obligatoire, après avoir fait le dénombrement du butin Moïse tient un compte exact de ce qui doit revenir à chacun, et le sacrificateur Eléazar reçoit la part prélevée qu’il doit sacrifier à l’Éternel, tant des personnes que des bœufs, des ânes, des Brebis et de tout le bétail. Moïse et Eléazar, dit la Bible, firent comme l’Éternel avait commandé... Saül, d’autre part s’attira la malédiction de Samuel lorsque, se félicitant d’avoir bien servi l’Éternel à la suite d’une grande victoire, le prophète bêler quelques brebis : Tu n’as donc pas tout tué ? Et Samuel fut inflexible, il abandonna le maudit. »

Je ne crois pas qu’il soit utile de s’attarder plus longtemps à l’examen des textes qui prouvent suffisamment que la religion de Moïse n’était que le prolongement du culte des Dieu d’Asie, qu’Abraham avait introduit en Egypte. A côté de ces lois inhumaines nous voyons une quantité de manifestations d’Esprits dont les livres saints sont remplis et qu’il est impossible de ne pas rapprocher des faits aujourd’hui mieux connus de la métapsychie ; ce qui nous permet, d’après les interprétations qui caractérisent chaque époque, de diviser le Spiritisme en trois périodes :

Première période : Biblique.

Deuxième période : Christique.

Troisième période : Scientifique.

Nous repoussons définitivement l'idée du Dieu unique, omnipotent, absolu, s'objectivant par des manifestations particulières en faveur d'un individu ou d'une nation. Entre Dieu et l'homme existe tout un monde, et après avoir perdu toute confiance dans la Tradition, c'est dans la Révélation que nous allons chercher la vérité. C'est avec la révélation Christique que le Spiritisme entre dans la seconde période. Là nous n'aurons plus peur de consulter les esprits. Les possibilités de la nature sont toujours les mêmes, on peut toujours proposer des hypothèses, mais l'homme, quoiqu'il fasse se trouve toujours en face du miracle ; miracle de notre ignorance, miracle des religions, miracle de la science, tout est mystère, mais sans prétendre pénétrer les mystères... l'observation des faits nous enseignera toujours quelque chose. Du fait que le grand roi Salomon, qui avait reçu toutes les faveurs du ciel ne résistait pas à la tentation de consulter le dieu des Sidonites, des Moabites ou des Mamonites, je conclus qu'entre leurs oracles et ceux de l'Éternel, il n'y avait pas de sensibles différences ; depuis la séparation des dix tribus jusqu’à la destruction du temple, la malédiction des prophètes s'était beaucoup radoucie, et la consultation des esprits était devenue de pratique courante. Et jusqu'à la venue du Christ les anges n'ont pas cessé de se manifester. Mais nous ne voyons plus de ces exagérations monstrueuses. Les miracles ne dépassent plus la mesure de l'homme, ils se mettent à notre portée, car ce n'est plus Dieu qui viole ses propres lois, toutes les correspondances entre le ciel et la terre se font par l'intermédiaire des Esprits, car tout est esprit, Dieu est esprit, l'Unique ; les démons sont des esprits, les anges sont des esprits ; il n'y a que l'esprit de l'homme, quand il se manifeste en-dehors de son corps, qu'on semble ne pas vouloir connaître, c'est pourtant celui qui nous est le plus accessible. C'est celui qui apparaît le plus souvent dans le Nouvel Evangile, c'est que la grande révélation est proche. C'est un ange qui annonce à Zacharie la prochaine naissance de, Jean-Baptiste malgré l'âge avancé d'Elisabeth, mais l'ange le rendit muet parce que le vieillard avait douté de sa parole. Voilà une véritable manifestation spirite et tout ce que nous verrons dans les Évangiles et les actes des Apôtres sont des faits historiques qui s'adaptent dans la perfection à toute phénoménologie Spirite. On ne nous dit pas si l’ange qui vint saluer Marie était visible ou invisible, mais dans l’un ou l’autre cas, si ce n’est pas là une manifestation Spirite, le Spiritisme serait un mot vide de sens ; mais loin d’être un mot il est une révélation qui, sous cette forme, marquera la plus belle époque du Spiritisme.

Vers le quatrième siècle il commence à dégénérer et il devait subir une éclipse, nous verrons pourquoi. Mais voici un fait unique dans l’Histoire, nous sommes au siècle d’Auguste, la Gaule vient d’être soumise, les héritiers de César ne songent plus qu'à s’entredéchirer, c'est la fin de la République, le vieux monde se désagrège, la Judée ainsi que toutes les provinces placées sous le protectorat romain. C'est en ces temps de décadence, à une époque corrompue, sous le règne de Tibère, Hérode étant encore roi de Juda, que paraît un homme qui, en quelques années, va changer la face du monde. Il y a là quelque chose de vraiment surhumain, c'est l’envoyé de Dieu. Il est pauvre, de famille pauvre, il n’y a rien en lui qui le mette au-dessus des Hommes. Mathieu ne nous cite de lui que des guérisons ou des paraboles. C'est son seul moyen d'action sur des hommes incapables de le comprendre lorsqu'il parle au figuré ; lorsqu’il leur dit : « J’ai à manger d’une viande que vous ne connaissez pas », ses disciples disent l’un à l’autre : « Qu’est-ce qu’il veut dire, quelqu’un lui a-t-il apporté à manger ? »Ils ne comprennent pas ce que c’est que le pain du Ciel, ils croient que c’est la manne que Moïse a fait pleuvoir sur eux dans le désert. Ce qui frappe le peuple, c’est le don de voyance qu’on appelait alors la prophétie. « Je vois seigneur que vous êtes un prophète », s’écrie la Samaritaine. Est-il besoin de rappeler les manifestations des anges qui ont accompagné sa naissance, qui ont conversé avec Joseph, qui ont parlé aux bergers, qui ont créé une lumière dans la nuit, fait entendre les voix dans l’espace, ont révélé les intentions d’Hérode ? Notons encore la voix qui fut rendue à Zacharie pour entonner le cantique d’action de grâce au moment de la naissance. Toutes ces actions ont été réalisées par des Esprits dans un moment où le Christ n’était pas en âge d’agir par lui-même. Il faut vraiment être aveugle pour ne pas voir le fait spirite à la base de la révélation chrétienne.

Nous ne demandons rien à la mystique. Ce que nous demandons au Spiritisme ce sont les faits qui nous ont permis de croire aux récits des Apôtres, les faits seuls ont opéré les conversions, ce sont eux qui ont obligé les témoins à dire : « Cet homme est vraiment le fils de Dieu. » C’est pour cela que le Spiritisme tient à constater, ne fût-ce qu’empiriquement, les apparitions, les matérialisations, les voix directes, etc…

C’est à nous d’observer, de comprendre et d’interpréter ; et nous comprenons déjà la descente de l’Esprit dans la matière, c’est l’humilité tout entière qui est comprise dans le mystère de l’Incarnation ; car Dieu le Père n’a pas engendré le fils au moment de la conception. Jésus-Christ, comme tout Esprit, existait dans l’invisible avant qu’il soit fait chair et comme pour accomplir sa mission parmi les hommes il a pris le chemin des hommes, il est passé par les exigences de la loi commune, même physiologiquement, il s’est incarné dans le sein d’une femme, il y est resté les neuf mois nécessaires à la formation des organes. Il a été un homme comme nous, puis il est retourné vers son Père et notre Père, nous enseignant ainsi la voie que nous avions à suivre. Et puis il est reparu, il s’est rematérialisé dans des conditions que l’expérimentation Spirite a démontré possibles.

On ignore généralement la durée exceptionnelle de ces manifestations. Le Christ est resté avec les Apôtres durant quarante jours. Il apparut encore en une seule fois à plus de cinq cent personnes dont plusieurs étaient encore vivantes au temps de Saint-Paul (Chap. xv, v. 6).

En somme depuis Jean-Baptiste jusqu’au Pères de l’Eglise, en passant par les Apôtres, nous rencontrons partout la manifestation spirite dans toute sa pureté. Le nouveau spiritualisme appelé aujourd’hui à opérer une révolution dans les esprits est de nature identique aux manifestations qui ont accompagné l’ère chrétienne depuis son origine. Le témoignage de Saint-Paul est irrécusable ; dans ses chapitres 13 et 14, il reconnaît tous les phénomènes : « Celui qui prophétise est préférable à celui qui parle les langues étrangères… qu’il n’y en ait que deux ou trois qui parlent et que les autres en jugent… vous pouvez tous prophétiser l’un après l’autre », etc., etc… les Pères de l’Eglise ne sont pas moins édifiants. Ils évoquent les morts sur les tombes, obtiennent des manifestations dans leurs chambres fermées. Tertullien écrit : « Nous avons parmi nous une sœur qui reçoit des révélations. » Saint Jean Chrysostome se félicite des conversations que les moines de son temps entretenaient avec les Apôtres et les Saints.

Cette pratique de la médiumnité dans les premières assemblées chrétiennes, ce don prophétique… cette clairvoyance manifestée par l’écriture ou par la parole faisait l’admiration de toutes les Eglises d’Orient. Après la résurrection, c’est le règne de l’Esprit qui commence, ce n’est plus Dieu qui menace, ce sont ses messagers qui se mettent à la portée des hommes, non plus par des miracles, mais par la parole, car ce son des voix directes qui donne des instructions à Philippe, à Anasias, qui ordonne à Corneille de se rendre chez Simon et qui avertissent Saint-Pierre : « Voici trois hommes qui te demandent. » En passant par l’histoire des saints martyrs et des anachorètes, nous pourrions citer des faits Spirites jusqu’au Concile de Nicée, mais il faut s’arrêter là car la pauvre nature humaine tend toujours à exagérer les faits et l’histoire du Spiritisme va subir une éclipse. L’exaltation mystique ne pouvait plus se contenter du Spiritisme de bon aloi forcé de recourir à des manifestations d’Esprits plus ou moins élevées ; un nommé Montan s’imagina être en relation directe avec le Saint-Esprit, c’était bien plus séduisant, il eut beaucoup de disciples. Mais les erreurs et les banalités qui s’expliquaient naturellement venant d’Esprits qui ne dépassaient pas la mesure de l’homme ne pouvaient plus se soutenir devant la raison du moment que c’était Dieu en personne qui dictait la communication. Et puis, tandis que le Spiritisme Christique reposait uniquement sur le fait de la résurrection que les Apôtres se contentaient d’annoncer au monde – (si le Christ n’est pas ressuscité notre prédication est vaine, Paul, Ch. xv) – la doctrine de Montan devenait un culte. L’Eglise s’empressa de le condamner, ais pas plus que la malédiction des prophètes n’avait empêché la consultation des oracles en Israël, pas plus l’interdiction de l’Eglise n’empêcha la pratique nouvelle des Montanistes.

Seulement le mal était fait. L’Eglise qui avait toujours pratiqué l’évocation des morts, qui approuvait l’usage d’aller prier la nuit sur les tombes, n’admit plus que les miracles dont elle se réservait le monopole ; ce qui ne venait plus de Dieu venait du diable, dès lors le Spiritisme dut se cacher, il connut la persécution, il eut ses saints et ses martyrs, combien de saintes furent enfermées dans leurs couvents, à cause de leur médiumnité qui les faisait passer pour des possédées. Parmi les saints nous pouvons citer François d’Assise, Catherine de Sienne, Marie d’Agreda, Thérèse d’Avila et, parmi les martyrs notre Sainte Jeanne d’Arc. C’est à partir du troisième ou quatrième siècle que commença l’évolution qui devait peu à peu nous amener à la troisième période, celle de la Métapsychie qui, quoi qu’on en pense, est née du Spiritisme qui n’a pas dit son dernier mot. Ce sera la gloire d’Allan Kardec d’avoir eu le courage, comme autrefois les Apôtres, d’annoncer au monde la révélation nouvelle, bien qu’il sentit que l’heure n’était pas encore venue, mais il voyait dans l’avenir et il affirmait à ses disciples : « Le Spiritisme sera scientifique ou il ne sera pas ! »

Mars 1937


Introduction

Un des symptômes les plus curieux de notre époque est assurément la marche de la Science vers des conceptions nouvelles qui paraissent devoir renverser le matérialisme ; des ouvrages récemment parus, tels que le Traité de Métapsychique de M. Richet[2], les trois livres, de Flammarion sur la mort[3], d'autres publiés un peu partout dans le monde, sous la signature des autorités les plus connues et les plus respectées, nous prouvent que nous sommes à la veille de découvrir, un nouveau monde, le seul réel, le monde invisible.

La conclusion qui s'impose c'est que la matière n'est plus rien ; l'univers est un dynamisme régi par l'idée, l'âme est une substance impondérable associée à un corps transcendant. Ces vérités ne sont pas faciles à faire admettre, longtemps encore elles seront combattues ; mais il est extraordinaire que ceux qui croient à l'existence de l'âme redoutent de les voir entrer dans le domaine de la science et nous voulons prévenir les théologiens sur la voie fausse où ils s'engagent.

Le présent livre ne fera que confirmer ce que beaucoup de catholiques pensent déjà dans leur for intérieur, que les miracles attribués aux saints sont susceptibles d'explications rationnelles et qu'ils n'ont jamais dérogé aux lois de la nature. Dans un temps où nos connaissances étaient moins avancées, les hommes ont cru au miracle toutes les fois que les forces psychiques se sont manifestées à eux, en produisant des effets qu'ils ne pouvaient pas comprendre, et l'Eglise a partagé cette erreur qui n'avait, alors aucun inconvénient, puisqu'elle ne faisait qu'édifier les fidèles. Cette erreur ne tenant plus, aujourd'hui, il faut replacer la vérité dans un cadre nouveau.

Les adversaires du Spiritisme voudraient le faire passer pour une religion. Il suffit de leur répondre que les religions ont toujours été dogmatiques, ce que ne sera jamais le Spiritisme qui est une science en formation, qui n'a pas de culte, qui n'a rien d'immuable, mais qui prétend seulement, trouver dans l'observation des faits la justification d'un idéal religieux dont les hommes n'ont jamais pu s'affranchir.

Il y a donc une interprétation rationnelle du miracle et nous allons la chercher dans une connaissance nouvelle qui est en train de révolutionner le monde savant, dans l'étude de la métapsychie.

Il y a eu dans tous les temps, et dans tous les milieux, des hommes doués de pouvoirs étranges et des phénomènes qui, rapportés par tous les historiens, constituent l’histoire du merveilleux. Je m'attacherai à démontrer que ces faits ont toujours présenté le même caractère et que ce qui se produit aujourd'hui ressemble à ce qui se produisait autrefois.

Regardons seulement la vie des saints depuis les plus modernes en remontant aux plus anciens ; nous reconstituerons, en son entier, cette belle chaîne mystique où s'enchâssent toutes les pertes de la médiumnité. Nous pouvons remonter plus haut, vers les Pères de l’Eglise, vers les solitaires d'Égypte, ce seront toujours les mêmes phénomènes de voix, d'apparitions à distance, de lecture de pensée, de voyance, d'écriture, de médiumnité parlante et auditive, qui se retrouvent mieux observés, mais non mieux expliqués, dans les œuvres de nos psychologues Ch. Richet, Lombroso, Morselli, De Rochas, Dr Gelay, Dr Osty, Magnin, etc.

Même similitude chez les païens, dans les oracles, etc. La primitive Eglise n'a fait que christianiser les miracles païens, puis la doctrine platonicienne et la doctrine chrétienne sont venues vers le milieu du iii siècle se fondre en un seul grand fleuve qui vivifie l'ère nouvelle.

Retournons à la source première du christianisme, nous verrons que Saint Paul, dans son chapitre XIV de la première épître aux Corinthiens, énumère différentes sortes de médiumnités en s'étendant sur leur imperfection. Les phénomènes spirites remplissent la vie du Christ et des apôtres, mais les miracles de Jésus étaient attribués à Belzébuth et le maître nous a prévenu que ses disciples ne seraient pas mieux traités que lui-même. Jamais prophétie ne fut mieux accomplie.

Les faits spirites sont une de ces manifestations tangibles qui ne diffèrent en rien des faits, soit mystiques, soit historiques, qui se retrouvent à toutes1es époques, et dont l'interprétation seule a changé. Là, où les peuples en enfance voyaient un fait divin, nous voyons aujourd'hui un fait humain, c'est-à-dire l'action psychique d'une force longtemps ignorée, mais qui établit une relation entre l'esprit et la matière ; cette force, peut être maniée par des agents occultes mais intelligents. L’impuissance même où nous nous trouvons de répéter à volonté, certains phénomènes tendrait à prouver l'indépendance de la cause agissante.

Nous croyons, certes, aux phénomènes affirmés par nombre de témoins respectables et, par nous-mêmes, nous en avons vu assez pour donner notre consentement à la possibilité du miracle, mais de celui-là seulement qui n’est pas incompatible avec les lois constantes de la nature et qui est justifié avec raison suffisante.

Un matérialisme stupide est venu nous affirmer qu’il n’y avait que des lois physiques dans le monde, et qu’une action de l’âme serait un fait surnaturel. Le fait spirite vient se mettre en travers de cette affirmation. Appuyons-nous donc sur cette science nouvelle qui démontre qu'il y a des forces psychiques, que tout homme possède des facultés psychiques, et que l'action des Esprits sur la matière n'est pas, comme ils le prétendent, un miracle.

Nul ne peut entrer en communication avec ce qu'il y a de supérieur dans l'au-delà, que par l'énergie de son travail et la pureté de ses intentions dans la recherche. C'est par soi-même, par ses propres efforts, qu'il faut tenter cette ascension difficile. C'est à peine si nous atteignons le pied de l'échelle où, loin des sommets symboliques entrevus par Jacob, on devine les messagers divins qui résident dans les hauteurs inaccessibles aux habitants de la matière.

Nous n'attendons donc pas que se produisent, devant nous, de ces faits exceptionnels, dont la cause nous échappe, et dont on ne nous a transmis la narration, ou le témoignage, que, précisément, parce qu'ils étaient exceptionnels. Ne croyez pas d'ailleurs qu'un fait vous ouvrirait les yeux à la vérité ; les miracles des saints, furent toujours attribués au démon par les témoins immédiats, c'est à tel point que ce ne sont pas leurs miracles qui ont démontré leur sainteté, mais c'est leur sainteté qui fit accepter le miracle[4].

Les phénomènes que nous voyons rapportés dans l'histoire des saints relèvent de facultés psychiques aujourd'hui connues ; ceux qui se produisent après leur mort sont des manifestations d'esprits, ce sont des phénomènes spirites, et ils ne sont pas dus à l'action personnelle d'un Dieu suspendant, momentanément ; l'effet de ces propres lois ; comme quelques théologiens voudraient encore nous le faire croire.

La question de savoir si c'est Dieu ou le diable qui soulève un objet sans contact n'est pas de notre ressort. Nous nous contentons de connaître le processus physiologique et psychique de la manifestation, nous arriverons ainsi à prouver la possibilité de quelques faits dont l'Eglise se réclame. Il nous suffira d'extraire de l'histoire des saints tout ce qui se rapporte à la manifestation des esprits pour que le spiritisme apparaisse. Le plus ou moins d'authenticité des faits n'a ici aucune importance ; il suffit que l’Eglise les ait admis sans protester pour que toute conscience soit en repos.

L.G.


CHAPITRE PREMIER – L’heure trouble

L'Eglise catholique, force organisée, monument érigé depuis des siècles, était un centre de ralliement tout indiqué pour ceux qui, sentant le besoin d'une régénération morale, aspiraient à une direction meilleure, pour l'heure trouble où nous sommes.

Le sentiment religieux, qui n'est jamais tout à fait mort au cœur de l'homme, aurait pu se réchauffer à ce foyer, si l'humanité y avait trouvé les éléments de vie et de vérité que chaque conscience est en droit d'exiger, et sans lesquels aucune n'est libre de se donner.

On aurait pu, au sortir du cataclysme mondial, rallier tous les penseurs autour de cet enseignement évangélique qui, dans tous les temps et dans tous les milieux, a reçu l’approbation des hommes de bonne volonté : car il n’y a pas de matérialisme ni de libre penseur qui n’en loue, tout au moins, l’esprit et la grandeur.

Le moment paraissait favorable pour y attirer les masses, il suffisait, pour cela, d'entrouvrir les portes de l'édifice, mais le geste attendu ne s'est pas produit ; aucun appel ne s'est fait entendre, aucune autorité morale ne s'est interposée entre nos consciences affolées et les bourreaux de l'humanité. Aujourd'hui les générations nouvelles préfèrent dormir sur leurs ruines plutôt que de chercher une sécurité relative dans le vieil abri du passé. Cependant la religion, organisme vivant, doit être impérissable ; comme l'âme, elle doit survivre à la mort du corps dans lequel elle s'incarne. Les formes particulières de la religion ne sont que les corps organisés de ses vies successives ; quand l'esprit n'y est plus le corps meurt. Il n'y a pas d'organisme qui survive à la morsure du temps.

Le corps actuel du Christianisme a reçu de graves blessures le jour où, sous le manteau du Saint-Esprit, on jeta l'anathème à une vérité astronomique qui devait triompher du dogme ; il est devenu anémique en devenant exclusivement Romain ; la doctrine étant universelle, un corps romain ne pouvait pas contenir l'âme de Jésus-Christ, enfin l’Eglise a reçu un coup mortel le jour où un homme, parodiant le mot de

Louis XIV, osa dire : La tradition c'est moi ! Un seul homme n'est pas l'Église, ce mot signifie l'assemblée, il désigne l'âme collective de la religion.

Il est bien extraordinaire qu'on n'ait pas compris que la lettre tue, qu'un corps ne peut pas vivre sans mouvement et qu'il fallait pour assurer la circulation du sang assouplir les dogmes. La religion n'a nul besoin de s'enfermer dans des définitions étroites, la science se tiendra toujours à côté d'elle pour l'éclairer, ce n'est pas le dogme qui éclaire la science, c'est à la science de confirmer la foi, car vous devez tenir pour certain que la science ne viendra jamais contredire ce que Jésus voulut enseigner.

Il est donc étonnant que l'Église, ou ceux qui la dirigent, n'aient pas compris que le mouvement spirite apportait avec lui un élément de vie auprès de tant de consciences mortes. Ceux qui combattent ce mouvement présentent le Spiritisme comme une religion, mais il est surtout une science, et c'est une force de rénovation que le fait spirite apporte en venant expliquer le miracle et revivifier ceux de la primitive Eglise qui axaient déjà tant perdu de leur ancien crédit.

Le Spiritisme est l'ensemble de la doctrine (théorie, faits et conséquences) qui admet la survivance de l'âme, ou partie spirituelle de l'homme, son évolution à travers le temps et l'espace et la possibilité que les âmes de défunts (les esprits) aient le moyen de communiquer avec les vivants. Cette définition est celle du professeur Morselli, chef de l'école, positiviste et matérialiste convaincu. On chercherait vainement dans cette définition quelque chose que l'Eglise put trouver répréhensible.

Il semble pourtant que les représentants du clergé s'efforcent de présenter le Spiritisme comme une religion, afin de le vouer à l'anathème. Mais, en réalité, le Spiritisme est une science qui fera son chemin dans le domaine de l'invisible comme la physique est en train de faire le sien dans le monde des forces impondérables. Relisez la définition ci-dessus et vous verrez que la question, ainsi posée, ne s'écarte pas de la science expérimentale.

Que les puissances religieuses y prennent garde, l'Eglise ne vit pas d'anathèmes, elle en meurt. Nous le constatons journellement. Ecoutez, je vous prie, ce cri de détresse d'un ardent catholique resté fidèle au joug de Rome : « Il y a eu, dans le personnel des facultés de théologie, des savants sincères et fidèles à la méthode ; mais la guerre qu'on leur fait, tantôt sourde et tantôt ouverte, lasse les vocations ; ils disparaîtront. Les prêtres qui étudieront dans vingt ans seront des entomologistes ou des mathématiciens, ils feront n'importe quoi, tout, excepté de la Science religieuse. J'en ai connu, un qui cherchait le mouvement perpétuel et ce n'était pas un sot, il s'en fallait[5]. »

En effet, nous en avons été témoins ; si des missionnaires peuvent encore prêcher en Chine ou au Japon, aux peuples enfants de l'Afrique centrale, il ne leur est plus possible de porter là bonne parole aux Parisiens. Si je vous exposais toutes les sévérités contenues dans l’Encyclique contre le Modernisme, vous auriez de la peine à me croire. Mais rappelez-vous le lamentable échec de tous les hommes de talent, assez forts pour se faire écouter dans tous les milieux et qui avaient entrepris de s'adresser au peuple ; tous ces nobles efforts ont été brisés par l’intransigeance romaine. Académiciens…, on imposait silence aux éminences vertes ; prêtres, élus à la députation..., on les menaçait d'interdit ; tribuns influents..., ils devaient licencier leurs troupes enrôlées sans la bannière de la Religion ; prêtres et journalistes..., La Justice Sociale, La vie Catholique ont été supprimées par ordre ; il en est d'autres à qui on interdisait d'écrire ; historiens..., on les mettait à l'Index, professeurs à l'Institut Catholique..., ils étaient excommuniés. Religio depopulata ! ! !

Âmes pieuses qui gémissez sur le malheur des temps, pleurez sur vous-mêmes, car vous auriez pu travailler à la régénération morale et vous ne l'avez pas fait parce que vous tremblez devant les anathèmes ; chez vous la servile obéissance à remplacé la foi, vous ne connaissiez plus que la contrainte et vous n'avez pas appelé à votre secours notre sainte Jeanne d'Arc. Celle-là ignorait la casuistique, elle ne savait pas lire, et elle a été quelque chose de plus que la libératrice de la France, elle a été la libératrice de nos consciences ; elle avait contre elle, dans sa forme la plus orthodoxe, la formidable puissance de toutes les coalitions ecclésiastiques et sa foi n'a jamais fléchi.

Ne laissons pas fléchir un idéal que la conscience éclaire ; et si aucune autorité morale ne peut plus jouer son rôle dans la régénération attendue, invoquons une puissance nouvelle, essayons de créer ce que j'appellerai la foi expérimentale.

C'est maintenant la Science qui approfondit les mystères ; celui qui redouterait ses investigations n'aurait point la foi.

Le Spiritisme éclaire quelques-uns des problèmes qui touchent à la religion, on aurait tort de ne pas le reconnaître. L'Eglise dogmatise et nous ordonne de croire ; le Spiritisme démontre et il nous offre les moyens de croire. L'Eglise enseigne la survie, le Spiritisme la prouve. Il faut accueillir comme une révélation l'entrée dans la science de cette vérité primordiale de la foi chrétienne.

Je sais que tout le monde ne voit pas d'un œil favorable les efforts tentés en vue de donner, aux vérités religieuses, une base rationnelle ; certaines personnes craindront toujours qu'on touche à leur religion, on entretient en elles cette crainte chimérique que le Spiritisme vienne à créer un nouveau culte. Elles n'en comprennent pas le côté scientifique, elles redoutent ce qui est naturel, il leur faut de l'incompréhensible ; comme si ce qui devient compréhensible cessait d'être divin, ou comme s'il y avait, dans la nature, quelque chose en dehors de Dieu, violant ses lois.

L'Eglise se réclame du miracle, mais le Spiritisme l'accrédite et il le lave des accusations d'imposture, en montrant que les légendes le plus démesurément grossies avaient, à l'origine, des faits réels pour base. Théoriquement ils n'étaient pas impossibles.

On nous dira encore que le Spiritisme manque de prestige, mais ce genre de recherche expérimentale nous apporte, en temps utile, non pas une foi nouvelle, mais une nouvelle manière d'acquérir la foi. A ceux qui reprochent aux expériences leur apparence futile, ou même ridicule, nous pouvons répondre que, pour un observateur, il n'y a pas de faits ridicules. Les cuisses de grenouilles et la marmite de Papin ont été des objets ridicules, ils ont manqué de prestige, ils contenaient en germe les applications de la science moderne, qui sont grandioses. Le Spiritisme porte en lui quelque chose de plus grandiose encore, la preuve de l'âme, de son indépendance et de sa survivance.

Le temps n'est plus où l'Eglise pouvait revendiquer la science pour elle seule. La science est devenue aujourd'hui trop vaste pour constituer un monopole, et on ne nous contestera pas le droit de vulgariser, à côté de la science matérialiste, une science capable de devenir un adjuvant de la foi.

Les théologiens n'ont jamais pu nous dire sous quelle forme serait possible une vie spirituelle, il appartiendra au spiritisme d'éclairer ce mystère de la biologie et de la physiologie des corps invisibles qui, se révélant dans les corps vivants, nous assurent des possibilités qui s'offriront à l'âme lorsqu'elle sera sortie de son corps.

Il n'y a pas de foi possible sans croyance à l'avenir, sans espoir de survie. Il faut prouver la survie, tout est là ; si elle fait ce nouveau pas, la science aura sauvé la religion.

La foi a toujours eu des faits pour base. La foi des hébreux reposait sur la clairvoyance de ses prophètes, la foi des premiers chrétiens reposait sur les faits de l'évangile et sur les faits contenus dans les actes des apôtres qui avaient, eux-mêmes, reçu la preuve expérimentale. Marie-Madeleine avait vu la première matérialisation de Jésus. Matérialisation incomplète, le noli me tangere nous révèle la fragilité de cette formation encore inconsistante, aussi les disciples refusèrent-ils d'y croire et l'attribuèrent à une rêverie. Mais, le soir même, deux disciples virent Jésus ; il se dématérialisa devant eux ; mais eux non plus ne furent point crus. C'est alors qu'il apparut aux onze qui ne le connurent point non plus, mais qui se dirent les uns aux autres : Ce n'est qu'un esprit. Mais Jésus, pour leur prouver qu'il y avait autre chose que l'esprit, leur demanda à manger et il mangea.

Thomas fit une expérience beaucoup plus concluante puisqu'il mit son doigt dans les plaies et qu'ainsi il toucha les preuves d'identité. Enfin le phénomène acquit une telle intensité qu'il se reproduisit un grand nombre de fois.

Comme ils devaient être forts, ces témoins de la primitive Eglise, dont la foi était basée sur des expériences aussi récentes. Ces faits peuvent avoir été miraculeux par leur intensité, nous accordons au phénomène toute origine qu'il vous plaira de lui attribuer, mais nous ne croyons pas que cela s'écarte des lois naturelles. Nous ne croyons pas commettre une impiété en affirmant que Dieu ne se manifeste jamais en dehors des possibilités de la nature. La nature, simple émanation de la Volonté divine, offre toute possibilité à l'action divine. Jésus n'a pas violé les lois de la nature pour descendre parmi nous ; il a emprunté les voies que la condition terrestre impose aux enfants des hommes, il s'est incarné dans le sein d'une femme, il y a subi les conditions du temps et de l'espace, et nous croyons aussi que sa résurrection a suivi un processus naturel qui n'est pas en opposition avec les lois. Nous qui connaissons le corps psychique, nous qui, comme saint Thomas, avons vu et touché la chair dont il est capable de se revêtir sous nos yeux, nous croyons qu'entre phénomènes de la même nature il n'y a qu'une différence d'intensité.

Disons donc avec Myers, le grand spiritualiste de la Société pour les Recherches Psychiques : « Maintenant le miracle devient compréhensible. L'affirmation centrale du christianisme reçoit ainsi une confirmation éclatante. Si nos propres amis, des hommes comme nous autres, peuvent parfois revenir nous parler d’amour et d'espérance, un esprit plus puissant peut bien avoir été à même de se servir des lois éternelles avec une puissance supérieure. »

Les premiers chrétiens n'avaient certainement aucun scrupule concernant la communication avec les esprits ; dans la pratique elle apparaît constante sans qu'il soit facile d'établir par quel moyen pouvait se faire cette communication. Saint Jean Chrysostôme en vantait ainsi les avantages : « Le moine, écrivait-il, est bien plus heureux qu'un prince, le moine a un commerce continuel avec les prophètes et les apôtres, tandis que les princes n'ont, pour compagnie, que des courtisans et des soldats. »

Eh bien ! nous aussi nous avons bien le droit de continuer cette tradition et d'entretenir un commerce semblable avec ceux qui sont encore assez près de nous dans l'au-delà. L'Eglise dont les archives sont remplies de documents analogues, dont les procès de canonisation attestent tant de manifestations semblables à celles que les spirites recueillent au chevet des mourants, doit accepter les unes et les autres comme se confirmant mutuellement. Que si on me dit que ces faits, jugés miraculeux, sont le privilège de la sainteté, je répondrai que personne ne peut dire qui est saint ; que l'Eglise, elle-même, n'émet un jugement qu'au bout de longues années et qu'elle n'a jamais empêché les historiens pieux de nous rapporter de très intéressantes manifestations des âmes du purgatoire dont la sainteté était bien improbable.

Jusqu'ici, donc, l'accord est parfait. La dissidence commence avec les théologiens qui mettent la confusion partout ; ceux-ci veulent que la nature offre un champ commun d'activité à toutes les manifestations ; c'est ce qu'exige la logique et c'est ce que confirme l'expérience ; seulement ils veulent que ce champ commun serve alternativement à Dieu et au diable.

Sans avoir l'honneur de connaître ce personnage fantastique qui, sur ce terrain commun semble bien plus puissant que Dieu, nous ferons observer que cette distinction est inutile. La cause immédiate du phénomène devant être attribuée à une action organique des décédés, le miracle n'a pas Dieu pour agent immédiat, mais les Saints se manifestent comme ils le peuvent et dans la mesure que la loi leur permet. Si le démon faisait des miracles il serait bien bête ; mais il est si malin que je serais plutôt tenté de croire qu’il a compris où les théologiens nous mènent et qu'il leur prête son assistance.

Croyant posséder la vérité, les théologiens ne la cherchent plus. Ce qu'ils cherchent c'est à savoir comment un fait devra s’accommoder à une vérité qu’ils détiennent par faveur divine.

Lors donc qu'ils ont constaté un fait qui s'adapte mal à cette vérité immuable, ils ont une conclusion certaine : si ce fait s'élève contre la doctrine il est l'œuvre du diable ; ainsi aucun démenti n'est à craindre. Ce n'est jamais la doctrine qui est en faute, c'est toujours le phénomène qui est fallacieux ; ce sera donc un prestige du démon.

Là est la base de toute distinction pour la mystique qui prétend classer les faits en faisant la part de Dieu et la part du diable. Nous démontrerons qu'il n'y a là qu'une naïveté, une fausse conception de la Nature et que ce malentendu est facile à dissiper.

Une difficulté plus sérieuse se rencontre dans le fait qu'on a introduit dans la doctrine des définitions dont on pouvait fort bien se passer, qu'on les a introduites dans le dogme bien qu'elle n'appartinssent pas à la tradition, qu'elles n'eussent aucun rapport avec la foi, mais elles y ont été introduites dans le but de renforcer le pouvoir temporel, à une époque où les autorités ne croyaient pas pouvoir suivre une autre politique que celle de la domination des consciences.

Après s'être appuyé sur la révélation pour nier la mécanique céleste, après avoir invoqué sa mission de fidèle gardienne pour condamner Roger Bacon, Newton: Jeanne d'Arc, etc…, l'Eglise d'aujourd'hui jette l'anathème sur les esprits d'élite qui sont les meilleurs représentants de la pensée chrétienne ; une fois de plus ce sera la Science qui sauvera le peu de foi qui nous reste et que le cléricalisme met en si grand péril.

Ce n'est que dans le libre effort que nous pouvons évoluer, c'est librement que nous devons accéder aux vérités éternelles. La Vérité n'appartient ni à une époque, ni à une nation, ni à un parti, ni à une secte religieuse, elle est à la disposition de qui saura la conquérir. La Science s'élève vers elle autant que la Mystique, car elle est la loi qu'il faut s'assimiler et à laquelle pas un iota ne sera changé dans le cours des siècles, la loi d'un Dieu éternel étant forcément immuable.

Dans l'antiquité une élite, seule, représentait en même temps la science et la religion et devait maintenir ce double pouvoir entre ses mains parce que des peuples incultes étaient incapables de comprendre, et c'était avec raison que la science était tenue secrète. Les vérités religieuses, transmises ou révélées, constituaient des mystères que, pour l'usage du peuple, on représentait sous des symboles matériels, c'était le voile du temple. Un autre symbole était le feu sacré, figurant l’essence même de ces vérités spirituelles dont les vestales devaient entretenir la flamme toujours prête à s'étendre, et les prêtres savaient bien qu'il fallait s'attendre un jour ou l'autre à ne plus veiller que des cendres.

Il faut le constater aujourd'hui ; une pieuse vestale, dans un âge avancé, a voulu que personne ne puisse ressaisir la torche qui lui tombait des mains ; la flamme s'est éteinte et la vestale laïque a voulu lui succéder. Mais la foi lui manquant, elle a cru que tout était fini, elle ne s'est pas contentée de disperser le vieux bois, elle s'en est servi pour brûler l'autel.

Voilà la vérité profonde que cachait le symbole du feu sacré que nous a transmis l'antiquité et dont Vesta, déesse protectrice de la flamme spirituelle, devait assurer la durée. L'autel avec le feu c'était la religion avec l'esprit qui la vivifie. Le bois symbolisait seulement la forme que chaque religion adapte à l'âme et à la mentalité des peuples pour soutenir un idéal qui sera toujours le même.

On ne ressuscite pas les choses mortes ; à un enseignement périmé il faut une adaptation nouvelle, il faut de la pierre neuve pour relever les ruines, pour rallumer le feu il faut du bois nouveau.

Il appartient à la science nouvelle de redresser les erreurs d'un matérialisme qui s'égare à la recherche de problème qu'il n'éclaircira pas sans cela. C'est le monde spirituel qui est le monde normal, originel, préexistant à toute forme organique et c'est de l'étude du spiritisme que nous tirons cette affirmation qui confondra les sceptiques et qui, seule, sera capable de ramener les populations au sentiment du devoir et de la morale pratique.

La destinée des peuples comme celle des individus est liée à une meilleure compréhension des lois. Actuellement la matière nous cache les lointains de la vie, si le néant était au bout l'humanité n'aurait plus d'avenir, ce serait le culte du moi qui serait la seule religion ; il n'y aurait rien de bien rien de mal, il n'y aurait de vrai que l'égoïsme, la jouissance de l'heure présente qui serait, pour chaque individu, le commencement et la fin de tout.

Mais si, connaissant les lois, nous retrouvons les traces de notre passé et de nos évolutions dans les existences antérieures, si une éclaircie dans le ciel nous laisse voir les étoiles, il faut en profiter pour relever le point et continuer notre marche vers l'avenir ; c'est à quoi pourra tendre le spiritisme.


CHAPITRE II – Dans le passé

Il est bien certain que la Bible est remplie de faits spiritiformes ; il est incontestable que la lévitation d'objets, connue dans l'antiquité, a été exploitée dans les temples, notamment dans celui de Thèbes, par les prêtres égyptiens qui, comme Moïse, étaient en conversation constante avec la divinité.

L’Egypte fut le berceau de Moïse ; son peuple, en quittant le Delta était complètement égyptiannisé. On conçoit qu'après un séjour de quatre cents ans les descendants de Joseph parlaient la langue et pratiquaient le culte des Pharaons.

Aujourd'hui que les Egyptologues ont reconstitué l'Egypte ancienne, ils nous disent que les prêtres consultaient une petite statuette en bois qui répondait aux questions en oscillant sur sa base. Très vraisemblablement elle répondait par oui ou par non et nous et voilà bien près de la pratique des tables tournantes.

Moïse, qui emprunta tout à l'Égypte, avait cependant interdit de faire des images taillées, parce qu'il savait quels abus, au point de vue magique, en avait fait le peuple égyptien. Il voulait appuyer son autorité sur des révélations religieuses dont lui seul, dans le mystère du temple, connaîtrait le secret. C'est ce qu'il fit en interdisant les images taillées et, pour consulter l'Éternel, il substitua, à la statuette d'Ammon, qui rendait des oracles, une petite table posée sur l'arche et que la Bible désigne sous le nom de propitiatoire. C'était de là que le Dieu invisible manifestait sa présence. C'est, je crois, la seule modification apportée par Moïse, aux formes extérieures du culte égyptien. Le tabernacle, dont il élabora les plans sur le mont Sinaï, est entièrement copié sur le modèle de Thèbes, avec cette différence que c'est un temple portatif. Le Saint des Saints, qui est le lieu de la consultation mystérieuse est identique à celui qui existait dans le temple thébain. On l'appelait aussi l'oracle, et Moïse y mit son arche, comme le faisaient avant lui les prêtres égyptiens.

Tout temple égyptien avait son arche, petite nef, ainsi baptisée, qui portait le nom de naos, sorte de tabernacle où était renfermée la statuette prophétique. Il faut bien avouer que, si ce fut l'Éternel qui dicta ces dispositions, il s'appliqua à copier le culte d'Ammon.

Le naos de Jéhovah, dit Lenormant, avait environ 1 m. 75 de long sur 0,80 de haut et de large. Les deux figures emblématiques qui enveloppaient l'arche de leurs ailes étendues et que la Bible nomme des chérubins devait être, d'après leur nom qui signifie taureaux, et d'après les passages qui leur prêtent une face humaine et des ailes, de ces taureaux ailés dont on a trouvé des images gigantesques à la porte de tous les temples d'Assyrie ; nous en avons, au Louvre quelques spécimens.

C'est sous cette forme emblématique que, dans certains versets de la Bible, l'Éternel menace de tourner sa corne contre son peuple. Le veau d'or n'était pas, comme on pourrait le croire, une idole ; c'était un symbole de la puissance de Jéhovah. Le taureau ailé symbolisait la force créatrice ; sous cette figure, Israël n'adorait pas un autre Dieu que Jéhovah, sa seule faute était d'avoir fait une image taillée. Ce que la loi avait formellement interdit.

C'est en vertu de cette interdiction absolue qu'il ne pouvait pas y avoir de représentation de la divinité ; il n'y avait pas de statuette dans l'arche, mais l'Éternel dit à Moïse : tu y mettras le témoignage que je te donnerai et je me trouverai là avec toi, et je te dirai, de dessus le propitiatoire, d'entre les deux chérubins, toutes les choses que je te commanderai pour les enfants d'Israël (Ex. xxv., 22).

Nous ne pouvons pas oublier que le propitiatoire était une petite table et qu'elle était placée là où, dans le temple de Thèbes, était placée la statuette prophétique.

Bien plus, le Saint des Saints est un véritable cabinet de consultation, puisque cette petite table y rendait des oracles, que le peuple devait venir, là, écouter la parole du grand prêtre et que tous les mâles d'Israël devaient y comparaître trois fois par an, devant le dominateur (Ex. xxxiv, 23.)

Il peut paraître monstrueux de faire un rapprochement entre les révélations du temple et le petit phénomène de typtologie connue de notre époque ; mais les plus grandes choses peuvent se cacher derrière les plus petites et les potentialités latentes qui résident derrière ce fait méprisé, et dont la pratique est tombée dans l'oubli, pouvaient être mises en valeur par des esprits supérieurs initiés aux mystères de l'au-delà. Qui vous dit que des âmes saintes, en union mystique avec des puissances très supérieures, ne pourraient pas reprendre le chaînon brisé et relever l'auguste édifice par qui la terre touche aux cieux.

Le caractère médianimique de ces consultations devient encore plus probable par le fait de l'obscurité, c'est dans l'obscurité que se trouvait le Saint des Saints. C'est dans l'obscurité que Dieu parle au Sinaï et Salomon nous dira, plus tard, que Dieu habite dans l'obscurité.

On est bien obligé de constater que ces dispositions ne sont pas sans rapport avec celles des consultations occultes, et la forme sous laquelle on obtenait ces réponses nous offre encore une nouvelle similitude. Quand il s'agit d'élire un roi par consultation de l'Eternel, on procède par élimination ; chaque tribu est présentée devant l'Oracle et, finalement, celle de Benjamin fut saisie, on procède par la même voie, en interrogeant selon les familles, et la famille de Matri fut saisie, puis enfin Saül fils de Kis.

Mais l'oracle du tabernacle ne fut pas la seule voix qui se faisait entendre ; Moïse connut à fond tous les mystères du magnétisme et de la voyance qui étaient pratiqués chez les Egyptiens ; et, à côté de l'oracle, il eut des prophètes et des prophétesses, il eut des voyants et des voyantes.

Là est l'origine de la prophétie chez les Hébreux. Les prophéties sont tellement obscures qu'à toute époque de l'histoire il s'est trouvé des exégètes pour en faire une adaptation aux grands événements contemporains ; et nous avons, encore aujourd'hui, des illuminés qui s'efforcent de voir, dans la grande guerre, la réalisation des prédictions bibliques.

La Bible emprunte souvent le langage figuré de la poésie lyrique. Quand elle nous dit que l'Éternel apparut à Abraham ce n'est là qu'une simple métaphore, en réalité le patriarche n'eut affaire qu'à des intermédiaires, puisqu'il ne vit que trois jeunes hommes. Dans maints passages on fait la même remarque que l'intervention de l'Éternel n'implique pas du tout sa présence réelle. Les linguistes nous apprennent que la vraie signification du mot prophète, en hébreu, est analogue à celle du vates latin. C'est donc l'inspiration poétique où, si l'on veut, l'intuition perçue par enthousiasme, ou dans le trouble mental dont fut saisi Daniel. Cela peut s'appliquer aussi à l'état de transe et lorsque Moïse s'adresse à un peuple chez qui l'instruction n'existe pas, pour qui tous commentaires seraient inutiles, il leur dit simplement : Dieu vous ordonne ceci par ma bouche. C est ainsi que les historiens écrivirent naturellement : Dieu dit à Moïse.

Cette interprétation se trouve dans la Bible elle-même au chapitre xxiii, v. 20, de l'Exode, qui dit que Moïse ne voyait pas Dieu, sinon par derrière où dans une nuée..., il mettait un voile, il s'enfonçait dans la nuée du temple, dans l'obscurité ou Dieu était.

Il nous est facile d'interpréter ce lyrisme des historiens sacrés à la lumière de la métapsychie nouvelle ; tout en acceptant l'authenticité des phénomènes bibliques il faut bien avouer que, sur la forme du phénomène nous en sommes réduits à l'hypothèse. Sous ces voiles et sous ces nuées nous n'avons jamais la description d'un fait ; on se demande quel pouvait être le processus de la révélation ; dès qu'un détail apparaît c'est une déception, le fait se trouve amoindri.

Comment Dieu parlait-il ? Quel fut le mode de communication ? Ici nous voyons qu'on lui demande un signe, et Dieu laisse tomber la rosée sur la toison de Gédéon : c'est bien faible pour un oracle divin ; là, nous voyons qu'on procède par élimination, voilà les faits exaltés par la littérature antique. N'oublions pas que certains de ces oracles rappellent, par leur cruauté, ceux des dieux d'Asie ; il est bien difficile de croire qu'il n'y avait pas là quelque communauté d'origine, un recours à une force spirituelle, à des facultés psychiques dont Moïse dut se servir pour diriger les peuples et les amener à une conception meilleure de la divinité.

Cette force, connue de l'antiquité, pouvait s'employer au service du bien ou du mal, c'est avec raison que la loi édictait des peines sévères contre les Hébreux qui n'avaient pas encore renoncé aux pratiques occultes, mais les exorcismes de Jésus, ses guérisons et ses miracles relèvent d'une science métapsychique portée à sa plus haute puissance, théoriquement, ils ne seraient pas surhumains ; puisqu'ils seraient l’apanage de quiconque croit en lui, comme il nous l'a déclaré.

Que le maniement des forces psychiques exige l’intervention des anges ou des esprits, c'est absolument la même chose au point de vue de l'interprétation rationnelle. Au livre des Chroniques (II, 18, 20), l'Eternel fait appel aux esprits pour tromper Achab afin qu'il périsse. Et un esprit se dévoua et se présenta, volontairement, pour être un esprit menteur dans la bouche du prophète, ce qui est évidemment du plus pur spiritisme.

C'est encore l'oracle, c'est-à-dire les esprits, qui désigne un simple ouvrier, Bethsabiel, pour le travail du tabernacle ; et lui enseigne tout ce qui se peut inventer en or, en argent, en airain, dans la sculpture des pierres et la menuiserie (Ex. 36).

Plus tard l'Eglise accueillera ces gracieuses légendes où de petites saintes, guidées par les anges, apprennent à broder, à tricoter, à faire de la dentelle, ou se mettent à lire et écrire, on ne sait comment, sous l'influence de leur sainte patronne.

Un des rares épisodes de la Bible qui nous laisse entrevoir la forme de la révélation divine est celui de Joseph qui prophétisait au moyen de la coupe où il buvait.

Nous ne voyons pas en quoi le merveilleux d'autrefois aurait pu différer du merveilleux que nous connaissons.

Ce qui crée un malentendu entre les spirites et les théologiens c'est que ces derniers ne semblent pas vouloir admettre que l'on reprenne l'examen des faits à un autre point de vue que le leur, c'est-à-dire en en tirant simplement les déductions qu'il comportent.

Le catholique habitué à se reposer sur l'autorité et à s'en tenir à la révélation enseignée est porté à croire que le spirite vénère les esprits, qu'il est prostré devant le mystère comme lui-même est prosterné devant le miracle. Là où il n’y a qu'un sujet d'étude, il voit un culte rendu aux esprits, parce que lui-même ne conçoit pas autrement la dévotion qu'il manifeste envers les Saints. Il ne voit pas l'importance des documents que peu à peu nous amassons ; des matériaux disparates, qui, bientôt, vont servir à l'érection du monument spiritualiste, leur semblent ridicules, parce qu'ils n'ont pas le prestige des cérémonies religieuses ; volontiers ils voudraient nous représenter comme, des magiciens à qui le diable se manifeste à volonté.

Cependant nos auteurs ne citent que des cas exceptionnels, exceptionnellement bien contrôlés ; ils enseignent que le phénomène n'est jamais à notre disposition, et Dieu sait quelle patience et quelle persévérance il faut apporter à ce genre d'observation ; mais le dévot ne conçoit pas autre chose que la majesté du phénomène divin, son imagination est sur le Sinaï ; parlez-lui de Moïse qui avait le pouvoir d'évoquer Dieu, à jour et à heure fixe, dans le mystère du tabernacle, où chaque mâle devait comparaître devant le dominateur ; voilà le fait divin à côté duquel le Spiritisme manquera toujours de prestige.

Seulement le Spiritisme a pour lui l'avantage de ne pas s'entourer de mystère, depuis près d'un siècle il a convié tous les savants à examiner ses phénomènes et il a réussi à se couvrir de témoignages imposants. Voilà la supériorité du fait présent sur celui du passé qui n'a plus droit qu'à notre respect.

Les formes physiques de la médiumnité, sont particulièrement utiles à cultiver, parce qu'elles frappent les incrédules ; c'est ainsi qu'aux premiers temps du Christianisme les païens étaient frappés à la vue des liens défaits, des prisons ouvertes, des idoles qu'un souffle renversait, des cloches qui sonnaient toutes seules, des lumières, des musiques célestes, etc.

Les Spirites étudient tout cela sans soulever la question d'origine. Si une petite force psychique peut produire certains effets en séance spirite, des effets, de même nature, mais beaucoup plus puissants et d'une signification plus élevée peuvent avoir été obtenus, dans le passé, sans qu'il y ait lieu de supposer que la nature de la force manifestée ait été différente.

Que l'Eglise attribue à Dieu des miracles considérables, nous n'y contredirons pas ; ce que nous affirmons c'est que Dieu trouve, dans ses propres lois, les ressources suffisantes à produire ce qui vous paraît être un miracle. Nous prions les croyants de ne pas s'offusquer d'une interprétation rationaliste d'aucun phénomène parce que toutes les possibilités sont dans la nature.

Le miracle, tel que vous l'entendez, consiste à employer les forces de la nature dans une mesure qui dépasse le pouvoir des hommes. Ainsi nous avons vu une petite force psychique soulever un objet léger, et même une lourde table et un piano, mais si la maison de Nazareth a voyagé trois fois à travers les airs, nous n'empêchons pas l'Eglise de l'affirmer et, même, nous lui apportons la confirmation empirique de la possibilité théorique d'un pareil prodige que nous n'affirmons pas, mais dont nous lui laissons la responsabilité. La grande supériorité de l'affirmation spirite consiste dans ce fait qu'elle s'appuie sur des témoignages présents dont la valeur nous est connue, et sur des faits dont l'expérimentation est accessible. Le miracle est inaccessible, mais nous ne rejetons pas la valeur du témoignage ancien. Nous laissons à l'Eglise le soin de mener ses enquêtes et de s'appuyer sur les témoignages qu'elle juge irrécusables. Seulement on nous dit que l'édifice catholique est construit sur le miracle, signe certain de l'intervention divine. Nous aimons mieux dire qu'il est un signe, de l'intervention de l'au-delà, mais nous ne voyons pas en quoi il apporterait une preuve quelconque en faveur d'une proposition de foi ; il faudrait, pour cela, que nous fussions capables de mesurer la force employée et de dire à partir de quelle mesure l'intervention de Dieu est devenue nécessaire. Car le miracle, selon quelques-uns est le signe certain qui trahit l'intervention personnelle de la toute puissance divine[6].

C'est ici que la question se pose : où est le miracle ? Citez-moi un miracle incontestable sur lequel la foi pourra se fonder, c'est-à-dire, où l'intervention personnelle de la toute puissance divine soit reconnaissable. Dieu est-il venu avec un pot à eau arroser, en personne, la toison de Gédéon ? Ce mode de consultation diffère-t-il de la médiumnité ? Les miracles que l'on nous donne comme tels sont toujours des actions exercées sur la matière, des révélations reçues par la médiumnité visuelle, auditive, intuitive, etc. On en trouve de fallacieux autour des saints comme des prophètes ; le contenu des révélations n'est pas toujours édifiant et si nous devons attendre le jugement de l'Eglise pour qu'un fait soit reconnu miraculeux, ce n'est plus le miracle qui appuie la foi, c'est au nom de la foi que nous acceptons le miracle.

Mais encore une fois où est-il ce miracle probant ? Où est-il ce miracle historique qui prouve que les propositions de notre foi aient réellement Dieu pour auteur ? Est-ce celui de saint Grégoire déplaçant des montagnes, celui de saint Martin tenant conversation avec ceux qui reposent sous la pierre tombale ; est-ce la maison de la Vierge transportée par les anges ; sont-ce les lévitations des saints ? Mais je n'ai qu'à ouvrir le traité de mystique du chanoine Ribet pour y lire que tout cela peut être imité par le démon. Même saint Denis portant sa tête entre ses mains est un phénomène qui n'excéderait pas les pouvoirs du diable ; comment voulez, après cela, que nous puissions reconnaître la caractéristique du miracle divin.

Comment juger un passé que nous ne voyons plus qu'à travers les représentations toujours embellies de l'art et de la littérature ; il sera évidemment bien difficile de lui trouver quelque rapport avec le phénomène spirite qui ne se présente pas encore sous son véritable jour. Celui qui fait œuvre de dénigrement n'aura pas de peines à citer des messages ridicules, du côté spirite, ce serait aussi facile que de juger la valeur des prophéties sur des citations d'Osée et d'Ezéchiel, à qui l'Eternel donnait ordre, à l'un de faire des enfants à une prostituée, à l'autre de manger ce que vous savez ; mais à la lumière de nos sciences métapsychiques nous comprenons qu'il n'y eut 1à, que des images symboliques que l'on aurait tort d'interpréter dans le sens grossier qui nous scandalise.

Les mauvaises communications spirites n'en gagent que ceux qui s'y laissent prendre, aucune autorité ne les couvre, tandis que l'Eglise couvre de la sienne des révélations qui ne sont que des dictées médianimiques enregistrées à une époque où ce phénomène était encore inconnu.

Le Spiritisme ne couvre rien. Il enseigne qu'il ne faut tenir aucun compte de ce qui paraît simplement douteux et ne retenir que ce qui paraît digne d'examen. C'est en faisant cette sélection qu'il a constitué un ensemble de doctrines consolantes qui nous permet de concevoir un Dieu juste et bon et de comprendre notre destinée avec la sanction de nos actes sans le faire intervenir comme un éternel bourreau.

Nos recherches métapsychiques ne s'appliquent pas à la haute mystique, mais à l'étude plus terre à terre de ce qui nous touche immédiatement. Elles ne blessent pas la religion, elles éclairent les vérités enseignées par le Christ en solutionnant les difficultés que la mentalité du passé ne pouvait pas comprendre. Nos communicants avouent la faiblesse et la futilité apparente de nos manifestations matérielles, mais ils nous donnent une réponse satisfaisante quand ils disent qu'elles servent à constituer des preuves indépendantes de la spéculation philosophique, qu'elles rendent l'âme, ou du moins son substatum invisible, perceptible à nos sens, qu'elles sont, pour les incrédules, des expériences susceptibles d'être contrôlées, et ils justifient cette faiblesse par le fait que leurs moyens sont limités aux facultés de notre propre organisme.

Ils disent encore que l'intervention de forces intelligentes, de puissances spirituelles, est utile et souvent indispensable à la production de ces petits phénomènes, mais que les esprits évolués ne prêtent pas leur collaboration à de simples curieux, ni à des sceptiques pour qui tous les phénomènes sont nuls du moment qu'ils n'y découvrent pas la fraude qu'ils avaient l'intention d'y découvrir.

Ils nous apprennent que leur volonté et leur pensée peuvent actionner la matière subtile extériorisée de nos organes. D'autre part les esprits faibles ou ignorants, ne savent point s'expliquer quand ils se communiquent. Généralement ils se présentent sans comprendre ce qui leur arrive ; ils étaient dans le noir, ils ont vu une lumière et ils ont été poussés à penser dans cette lumière. C'est sous l'apparence de lumière que les esprits voient nos organes internes. Cette lumière peut aussi être perçue par les voyants, elle est perçue au moment de la mort et aussi dans le stade qui précède le phénomène de la matérialisation.

Quant à la doctrine, les esprits nous prêchent le culte du libre arbitre et nous pénètrent du sentiment de notre responsabilité et de la conséquence de tous nos actes. Mais ils nous disent aussi qu'il n'y a aucun mérite à accepter un enseignement avec une foi aveugle ; à abdiquer, au nom de l'obéissance, nos lumières personnelles. Ceci n'est pas du goût des théologiens, mais il est bien facile de leur répondre que si Jeanne d'Arc s'était laissée mener par les théologiens, elle n'aurait jamais été canonisée.

Le principe est que la vie débute dans la faiblesse et dans l'ignorance, mais que le chemin à parcourir est le même pour tous, la marche, au cours des vies successives, paraît différente pour chacun. Nos guides, ou anges gardiens, peuvent exercer sur nous leur influence mais notre volonté personnelle est susceptible d'augmenter ou de diminuer les effets de cette influence, un effort est nécessaire au progrès.

La vie nous tient et nous ne pouvons pas nous en échapper, nous ne pouvons pas rentrer dans le néant, mais nous devons marcher avec confiance sur la route qui se présente à nous, certains que, si nous cherchons dans la sincérité de notre cœur ce qui est bien, ce qui est juste, ce qui est vrai, Dieu est au bout.


CHAPITRE III – Le nouveau spiritualisme

Les phénomènes étudiés par quelques savants, ont donné naissance à la métapsychie, science nouvelle venant confirmer les faits sur lesquels le nouveau spiritualisme s'est fondé. Ce qui appartenait exclusivement aux prêtres entrera bientôt dans le domaine de la science et c'est là, aux yeux des religions, le crime du spiritisme. Cela viendrait troubler le sommeil du vieux monde ; c'est pourquoi ces faits sont niés par tous les moyens qu'on emploie d'ordinaire à la défense des mauvaises causes.

La tactique est de nier les faits malgré l'évidence ; de les dénaturer, de les ridiculiser. Et nous assistons à ce spectacle étrange de voir les défenseurs des vieilles croyances pactiser avec les matérialistes pour, d'un commun effort, fermer toute issue à la propagation des vérités nouvelles.

Mais les spirites ont aussi cette consolation d'avoir pu faire appel à la bonne foi de leurs adversaires, ils se sont fait un rempart du témoignage de nombre de savants qui refusent de pactiser avec le mensonge.

Les W. Crookes, Dr Gibier, Lombroso et après eux, les Flammarion, Ch. Richet, et Dr Geley..., etc. sont en train de construire sur le roc l'édifice de l'avenir.

Mais le public ne lit guère les œuvres de science, il s'en rapporte à ce que disent les journaux et il ne sait pas à quel point on l'abuse.

On a fait un succès à une certaine campagne de presse publiée sur ce thème : « Les morts vivent-ils « 'On a donné à cette campagne le titre d'enquête pour arriver à cette conclusion que le spiritisme était désavoué par les savants et que les faits n'ont pas encore été étudiés scientifiquement.

Il était impossible d'imprimer une plus grossière erreur, car une pléiade de savants, dont la conscience est inattaquable, a depuis de longues années, fait tout ce qui était nécessaire pour authentiquer indiscutablement les phénomènes.

L'enquête, de son côté, a fait le nécessaire pour dénaturer la pensée des hommes de science, déclarant, pour William Crookes, qu'il avait perdu pied, et pour les autres qu'ils n'arrivaient qu'à des conclusions négatives. Une pluie de démentis s'est abattue sur ces rapports qui interprétaient si mal la pensée des interviewés, que les termes en étaient inacceptables ; Flammarion, entre autres, répondait : « L'un de nous deux a dû rêver et je pense que ce n'est pas moi. Et ainsi de tous. La pensée de M. Ch. Richet n'a pas été fidèlement rendue et on s'est contenté, comme conclusion, d'annoncer au public que M. Richet n'était pas spirite, grande découverte ! Est-ce ignorance ? Est-ce naïveté ? Nous ne voulons pas envisager la troisième hypothèse.

Eh bien ! C’est le fait, avant tout, qu'il faut défendre, parce que c'est sur les faits que se construira le nouvel édifice. Et, pour connaître la pensée de M. Richet, il n'était pas besoin de l'interviewer, il suffisait de lire ses écrits et on aurait pu constater qu'il y affirme à chaque instant sa certitude absolue et sans réserve de la réalité des phénomènes médiumniques, depuis la lucidité jusqu'à l’ectoplasmie, (lisez : matérialisations).

Un autre adversaire, le père Mainage, semble admettre de temps en temps la réalité des faits, mais le témoignage des savants le gêne, et il emploie toutes les ressources de sa dialectique à amoindrir les résultats de leurs études. D'abord la fraude lui fournit un sujet des plus faciles, car les esprits simples ne comprennent généralement pas que mille fraudes n'infirment en rien les constatations certaines ; mais ce qu'on omet de dire, trop souvent, c'est que les fraudes les mieux avérées, celles qui sont authentiques et incontestables, ont été découvertes et dénoncées par des spirites. D'autre part, on a mis en circulation des histoires de fraudes qui n'existaient que dans la suspicion d'examinateurs ignorants et imbus de préjugés. Sans compter les mensonges complaisants qu'il est si difficile de démentir.

Devant la netteté des affirmations de certains savants nous sommes un peu étonnés de lire dans le P. Mainage :

« Le nom de Florence Cook est indissolublement lié à celui de William Crookes, l’illustre physicien anglais. Le nom d'Eusapia Paladino s'auréole d'une pléiade de célébrités connues…, le nom d’Aïsha, le médium de la villa Carmen, prés d'Alger, voisine avec celui de M. Ch. Richet. Le nom de D. D. Home est couvert par le patronage de lord Dunraven, de lord Lindsay…., etc. Comment refuser créance a des expériences en quelque sorte brevetées et patentées par des personnages aussi sérieux, aussi consciencieux ? »

« Présenté sous cette forme absolue, l'argument serait sans réplique. Malheureusement le problème comporte une nuance. Car il s'agit de savoir, au net, si ces honorables témoins sont ou seraient prêts à contresigner l'ensemble des phénomènes attribués aux médiums qu'ils ont eu l'occasion d'étudier par eux-mêmes. Or ce blanc seing universel ils ne l'ont pas donné...[7] » Ainsi parle le père Mainage. Mais lisons les témoignages qu'ils ont donnés. Voici par exemple :

William Crookes. « Quelque épreuve que j'aie proposée, elle a accepté de s'y soumettre (il s'agit de Mlle Cook) avec la meilleure bonne volonté ; sa parole est franche et va droit au but, et je n'ai jamais rien vu qui pût en rien ressembler à la plus légère apparence du désir de tromper. Lorsqu'il s'agit de D. D. Home, « mes notes, dit-il, constituent une rédaction soignée de faits que je tiens être d'une énorme importance pour la science. Leur publication montrera, en tous cas, que je n'ai pas changé d'opinion. Après une révision calme des rapports écrits par moi, il y a une vingtaine d'années, je ne trouve rien à rétracter ni à modifier. Je n'ai trouvé aucune fissure dans les expériences faites alors, ni dans les déductions basées sur elles. »

Et il ajoute qu'il a souvent découvert les fraudes des médiums ; mais, en ce qui concerne D. D. Home il n'a jamais découvert aucune tricherie, ni même aucune personne alléguant la tricherie[8].

Toujours les savants sont prêts à contresigner l'ensemble des phénomènes qu'ils ont eu l'occasion d'étudier, j'en pourrais faire bien d'autres citations mais cela nous entraînerait trop loin. Le récent Traité de Métapsychique de M. Ch. Richet est une nouvelle affirmation, sans aucune espèce de réserves, de tous les faits ; les expériences récentes de l'Institut métapsychique, avec moulages et photographies, sont des preuves palpables, irréfutables et persistantes de la réalité des faits ; il ne faut donc pas dire que ces messieurs ne sont pas nets dans leur affirmation.

La netteté de leurs témoignages est donc un argument sans réplique ; à tel point que ce sont des professeurs de physiologie, des neurologistes, des matérialistes endurcis et des anti-spirites convaincus qui donnent aux phénomènes une certitude qu`ils n'auraient pas s'il n'y avait que nous pour les affirmer. Ces faits prouvent beaucoup de choses, Ils ont une importance qu'on ne saurait exagérer, et ils offrent une base certaine à la discussion.

Devant ces faits on se demande s'ils sont suffisant à étayer les convictions spirites et d'abord : il y a-t-il des esprits ? Oui, il y a des esprits. Dans tous les temps les manifestations d'outre-tombe ont été présentées aux populations crédules comme une confirmation des religions existantes. Le spiritisme se présente tout autrement, il ne poursuit qu'un seul but : prouver qu'il y a des esprits. C'est une vérité qu'aucun théologien ne pourra lui contester et, à l'heure trouble où nous sommes, il n'y a que les faits qui puissent lutter contre le scepticisme. L'esprit pense en dehors du cerveau, voilà pour les matérialistes.

Et aux théologiens nous disons : les esprits sont les âmes des hommes sorties de leur corps charnel, restant unies aux corps périsprital. L'esprit que nous étudions est l'esprit humain, les faits que nous affirmons sont identiques à ceux que vous affirmez vous-mêmes, ils réhabilitent le miracle et les pieuses légendes, en montrant qu'elles ne sont point dépourvues de quelque fondement. Mais nous n'avons pas besoin du surnaturel, Dieu ayant mis toute possibilité dans la nature. Une connaissance meilleure vous apprendra que la colombe peut sortir de l'arche, et que l'esprit de l'homme peut quitter sa maison. Les premiers magnétiseurs avaient fait cette découverte, elle ne fut pas bien accueillie parce que les facultés transcendantes étaient alors regardées comme le privilège de la sainteté. Il n'en est rien, tout s'explique rationnellement.

Les esprits ne sont pas des êtres à part dans la nature, leurs facultés transcendantes ne sont pas surnaturelles, elles ne sont qu'une extension de nos pouvoirs normaux.

Au XIXe siècle l'action à distance, la télégraphie sans fil et la dissociation de la matière étaient des faits qu'il fallait condamner sans examen, parce que surnaturels. Aujourd'hui, pour nos savants modernes, cela est devenu un champ d'exploration nouveau ; pour nous, c'est l'au-delà.

Cet au-delà n'est qu'une nouvelle manière d'être, un mode vibratoire nouveau. Il comble une lacune réclamée par la science avant qu'elle puisse croire à une possibilité de vie dans l'invisible.

On a découvert ce nouveau monde ; cependant il y a encore des hommes qui hésitent, des hommes dont toutes les idées sur la matière ont été changées par la force des choses, et qui, malgré cela, ne veulent pas changer d'opinion sur son compte parce qu'ils considèrent l'esprit comme une superstition.

Pour faire évoluer ces hommes, qui ont cependant le culte de la vérité, il faut leur faire toucher de force, la séparation de l'âme et du corps ; il faut leur isoler l'esprit comme on isole un gaz d'une combinaison, et c'est ce qu'avaient su faire quelques-uns des premiers magnétiseurs. Par là, ils avaient travaillé pour le spiritualisme mieux que les théologiens de tous les temps.

La métapsychie embrasse deux ordres de faits : les manifestations purement psychiques, et les actions de l'esprit sur la matière. Les manifestations psychiques, sous forme télépathique, se traduisent en transmissions de pensée, d'images, de mouvements ; l'histoire des saints en est remplie ; les actions de l'esprit sur la matière seront bientôt du domaine de la physique, et il faudra changer notre conception du miracle. Le miracle est celui de notre ignorance. Le spiritisme se garde de nier l'action possible d'une puissance supérieure qui échappe à notre observation, mais, devant les faits qu'il est possible d'étudier, il exerce son sens critique ; il ne craint pas d'agrandir l'œuvre de Dieu, il croit que tout mystère peut être approfondi et qu'il n'y a pas de vérités cachées qui ne puissent, un jour, être révélées.

La pauvre petite âme humaine se croit arrivée aux sommets de la création, alors qu'elle n'est même pas sur le seuil de la connaissance. Comme le sculpteur de la fable elle s'est fabriquée son dieu et elle a voulu qu'il eut, en sa main, un tonnerre ; après avoir bien tremblé devant lui, elle se moque, maintenant, de sa frayeur, et elle brise la divinité dont elle n'a connu que l'aspect matériel. Pauvre petite âme humaine, c'est en vain que le grand Initié est venu te montrer l’Esprit, tu as cru qu'il venait offrir du sang au divin bourreau créé par ton imagination ; et, dans sa mission, tu n'as vu que le sacrifice humain des divinités antiques. Pauvre petite âme humaine tu trembles encore devant l'inconnu, tu trembles de trouver en toi-même la vérité parce que tu n'as pas la foi dans la raison que Dieu t'a donnée. Tu ne te connais pas toi-même et, dans la crainte de dérober le feu du ciel, tu n'oses pas regarder le simple rayon qui t'éclaire.

Jésus a-t-il dit qu'il fallait procéder par contrainte, broyer les hérétiques sous la force des armes, traiter l'erreur par la flamme des bûchers ? Voilà pourtant ce qui a été le dogme pour les partisans du pouvoir temporel et, aujourd'hui encore, pour quelques âmes timides, le plus grand des péchés serait d'adorer un autre dieu que le Pape.

Nous ne pouvons cependant pas concevoir la divinité à la façon d'un souverain, confiant son royaume à des gouverneurs de provinces qui régleraient la vie des mondes en se dessaisissant lui-même de ses propres attributs, au point de déléguer, à des représentants sur chaque planète, les pouvoirs et la justice suprêmes dont il se désintéresserait, abandonnant le sort de ses créatures au caprice d'un homme, et cela pour l'éternité !

Nous avons de Dieu une idée plus haute ; il est l'Esprit, il est la Lumière, il est la Vie. Il échappe à notre compréhension, mais il est Celui qui est, de qui tout émane et, par conséquent, tout ce qui vit est un esprit.

La création revêt trois formes : le monde divin, le monde spirituel, le monde matériel.

Dieu est inaccessible, entre lui et nous il y a le monde spirituel, c'est-à-dire la chaîne des esprits plus ou moins évolués. L'Ancien Testament ne nous montre jamais autre chose que des messagers célestes, c'est-à-dire des esprits. L’Evangile nous présente les apôtres comme les médiums du Christ, c'est-à-dire liés à l’esprit du Christ, les premiers chrétiens ne sont que des médiums plus médiocres.

L'homme habite encore le monde de la matière, c'est celui qui se prête le mieux à nos études et c'est sur lui que nous pouvons expérimenter le plus facilement.

L'homme est un esprit incarné. Son essence primordiale émane donc du monde invisible des esprits ; sa genèse est toute spirituelle, mais c'est son esprit qui réveille la vie en l'associant aux organes. Parmi les hommes nous voyons qu'il y en a de bons et de mauvais, la mort ne les change pas : telle est la clef du mystère (non omnes immutabimur, dit St Paul), il y a des esprits désincarnés, bons et mauvais, et point n'est besoin de recourir aux démons pour expliquer l'impuissance et la futilité de certaines communications.

Nos correspondances avec l'invisible sont à la hauteur de notre propre évolution, mais tous nos sentiments, toutes nos facultés intellectuelles puisent leur force et leur qualité dans cette correspondance. Les anciens avaient leurs génies familiers, les catholiques ont leurs anges gardiens, les spirites ont leurs guides et ces entités mystérieuses se manifestent toujours dans la médiumnité, dans les états d'extase et dans les expériences magnétiques. Les uns ont des esprits protecteurs, d'autres ont des esprits mauvais, chacun selon l'ambiance qu'il attire à lui par ses efforts vers le bien, ou par le manque de volonté qui le laisse retomber dans le mal. Mais point n'est besoin de recourir au diable ; il y a des attardés, mais tous les hommes sont appelés à devenir quelque chose comme des anges.

Après la mort nous nous retrouvons, comme ici-bas, de pauvres créatures qui cherchent leur voie dans le labyrinthe où les uns s'enfoncent et se perdent dans l'obscurité, pendant que d'autres entrevoient la lumière.

Mais dans les premiers temps qui suivent le décès, nous n'avons pas tout à fait rompu les amarres, les affections qui nous attachent à la terre permettent quelquefois de jeter un pont entre le monde visible et l'invisible. C'est ce qui donne lieu aux phénomènes multiples si souvent observés avant et après la mort.

L'expérience nous apprend que la mort ne nous fait pas faire de progrès immédiats ; l'âme attardée ne reçoit pas spontanément l'intelligence ou le sentiment qui lui font défaut, l'être grossier reste grossier et il y a de bien mauvaises sociétés dans l'au-delà. Mais il y a aussi de grandes lumières pour celui qui est capable de communion spirituelle.

Ce mystère devient compréhensible avec la télépathie ; à ce point de vue l'étude s'en impose, car elle est la faculté qui crée une possibilité de relation entre les esprits.

Dans notre monde terrestre les effets de la télépathie sont assez imparfaits, mais ils peuvent prendre de l'extension et, sans prétendre assimiler les révélations des saints aux communications spirites, nous pouvons croire que le processus employé est le même dans les deux cas. Si l'union mystique est réalisable elle consiste en un certain état de rapport télépathique qui est le même que celui qui se pourrait nouer entre un esprit vulgaire et les grossiers personnages de l'au-delà. On télépathise avec le mal autant et plus qu'avec le bien.

Ayez des amis dans l'au-delà et vous communiquerez avec eux au sortir de cette vie. La révélation qui vous attend est celle que vous pourrez lire, comme à livre ouvert, dans les cœurs et les intelligences qui seront à l'unisson des vôtres ; pour le reste il y aura bien des livres fermés.

Quoique la télépathie soit relativement assez pauvre quand elle s'adresse à l'esprit que la matière alourdit, quoiqu'on rencontre bien des obstacles, le spiritisme étudie cette faculté merveilleuse sous toutes ses formes phénoménales, pour en goûter les saveurs et pour en écarter les dangers[9].

Pour que cette télépathie puisse nous atteindre sous quelque forme visible il faut nécessairement que les esprits aient quelque moyen d'action sur la matière. Ce moyen leur est fourni par la substance même du médium, car un esprit peut agir sur la substance organique, l'homme incarné en est un exemple. L'esprit désincarné pourra donc agir sur l'être vivant sans qu'il y ait là rien de surnaturel. Sans le secours de cette substance vivante, l'esprit ne pourrait pas exercer son action dans la matière, il fallait donc, au corps humain, quelque chose comme un noyau spirituel dans lequel s'incorpore l'esprit, ou l'âme, dont la matière n'est que l'enveloppe apparente. C'est pourquoi la révélation spirite nous enseigne l'existence du Périsprit, corps invisible obéissant aux suggestions de la volonté et ayant assez d'affinités avec la matière pour l'entraîner avec lui.

Görres l'avait compris quand il dit, dans sa Mystique, qu'il est obligé de reconnaître, dans l'homme, un élément organique qui n'est ni matière ni esprit, mais qui permet les rapports mutuels avec la vie organique et avec les âmes des défunts. C'est bien là le rôle que nous assignons au Périsprit, et c'est cet élément mystérieux qu'on étudie maintenant dans les laboratoires et que le clergé devrait saluer comme une grande victoire spiritualiste, puisque, par l'étude des extériorisations extériorisations de la motricité, extériorisation de la sensibilité nous prouvons que les sens sont indépendants de la matière et que l'âme captive peut s'échapper de sa prison, ou y rentrer, grâce à cette extériorisation partielle ou totale du corps spirituel.

Saint Paul en avait fait l'expérience, certains théologiens l'avaient compris, mais le Spiritisme en a fait la preuve devant le monde savant, et le monde savant s'est réveillé de sa torpeur. Est-ce que ce résultat était à dédaigner ?


CHAPITRE IV – Les Esprits agissent sur la matière

Non seulement il y a des Esprits, mais l’homme possède un esprit extériorisable. Voilà ce qui est devenu une vérité scientifique ; et, si l'on rapproche cette acquisition nouvelle du grand enseignement de la philosophie antique l'Âme n'est jamais nue, on comprendra que l'âme, pur esprit, ne s'extériorise pas toute seule et qu'elle est toujours accompagnée du corps invisible qui, étant substantiel, a une densité et possède une force spécifique, laquelle peut être employée à mouvoir les corps.

Voilà ce que le Spiritisme a mis en évidence en prouvant que l'action corporelle peut s'étendre bien au-delà des limites de sa visibilité.

Aujourd'hui les adversaires du spiritisme vous diront encore que le fait des demoiselles Fox, en 1 848, ne méritait pas de susciter autant d'émotion. Ceux qui parlent ainsi n'ont rien compris au problème ; ils sont les héritiers directs des farceurs qui se moquaient de la danse des grenouilles. Les sœurs Fox auront été, pour les sciences psychiques, ce que les cuisses de grenouilles sont à l'électricité. Elles se sont révélées comme de puissants médiums et elles ont prouvé l'action de l'esprit sur la matière. De plus, soumises à l'observation d'un physicien de génie, elles ont été le point de départ des découvertes de Sir William Crookes sur les états radiants de la matière.

Ce phénomène n'était pas nouveau, il était négligé ; mais réapparaissant à une époque où ce genre d'expérimentation était, non seulement délaissé, mais méprisé par la Science, il était appelé à révolutionner le monde ; et voici bientôt près d'un siècle que le monde est bouleversé par ces manifestations.

Quand il eut analysé les faits et adopté une classification, W. Crookes écrivit[10] : « En ma présence plusieurs phénomènes se sont produits en même temps, et le médium ne les connaissait pas tous. Il m'est arrivé de voir Mlle Fox écrire automatiquement une communication pour un des assistants, pendant qu'une autre communication, sur un autre sujet, lui était donnée pour une autre personne, au moyen de l'alphabet et par coups frappés, et pendant tout ce temps, le médium causait avec une troisième personne, sans le moindre embarras, sur un sujet tout à fait différent des deux autres. »

Citons encore ceci : - « Nous reçûmes bientôt un message alphabétique, nous engageant à éteindre le gaz ; nous l'éteignîmes ; nous nous trouvâmes dans une obscurité complète et, pendant tout le temps qu'elle dura, je tins dans une des miennes les deux mains de Mlle Fox. Presque aussitôt une communication nous fut donnée en ces termes : « Nous allons vous produire une manifestation qui vous donnera la preuve de notre pouvoir », et, presque immédiatement après, nous entendîmes tous le tintement d'une clochette, non pas stationnaire, mais qui allait et venait de tous côtés dans la chambre ; tantôt près du mur, une autre fois dans un coin éloigné de l'appartement ; tantôt me touchant la tête, puis frappant sur le plancher. Après avoir ainsi sonné dans la chambre pendant au moins cinq minutes, cette sonnette tomba sur la table tout près de mes mains.

« Pendant tout le temps que ce phénomène dura, personne ne bougea et les mains de Mlle Fox demeurèrent parfaitement tranquilles. Je pensais que ce ne pouvait pas être ma petite clochette qui sonnait, car je l'avais laissée dans ma bibliothèque. (Peu de temps avant que Mlle Fox n'arrivât, j'avais eu besoin d'un livre qui se trouvait au coin d'une étagère ; la sonnette était sur le livre et je l'avais mise de côté pour le prendre. Ce petit incident m'assurait que la sonnette était bien dans la bibliothèque. Le gaz éclairait vivement le corridor sur lequel donnait la porte de la salle à manger, de telle sorte que cette porte ne pouvait pas s'ouvrir sans laisser la lumière pénétrer dans la pièce où nous nous trouvions. Du reste, pour l'ouvrir, il n'y avait qu'une clef et je l'avais dans ma poche. »

L'expérience a été répétée si souvent que les faits ne sont plus niables. Depuis peu, le fait de mouvement sans contact et de maniement d'objets par un agent invisible a été étudié sérieusement, il est entré dans une phase nouvelle, le processus nous est connu. C'est la substance même du médium qui s'extériorise, en prenant des formes en rapport avec l'effet qu'on veut produire.

Un physicien de Belfast, le professeur Crawfort a établi que la transmission du mouvement se faisait au moyen d'une substance palpable, filamenteuse, formant levier et obéissant à des directions intelligentes. Il a réussi à la rendre visible à l'œil au moyen de poudres colorantes, il a pu la photographier. Un numéro du Psychic Research Quaterly, octobre 1920, en a publié huit épreuves.

Ces faits ont fait l'objet d'une conférence en Sorbonne, dans la salle du laboratoire de M. d'Arsonval. Crawford constata que, pour mener à bien ces expériences, il était indispensable de s'assurer la collaboration des entités directrices qui appartiennent au monde invisible, comme cela est nécessaire aussi pour les matérialisations. D'ailleurs, la substance qui fournit l'élément visible des matérialisations est la même que celle qui se concrétise en tiges de forces pour produire les mouvements de tables.

Cette substance obéit à la volonté, non pas de l'expérimentateur, mais de l'intelligence occulte et, pour arriver à un résultat, il est essentiel d'établir un rapport sympathique entre les divers agents des phénomènes, esprits, médium, assistants.

Mais le fait capital, la révélation qui ressort de ces mouvements d'objets, sans contact avec les organes ordinaires, c'est le renversement des conceptions matérialistes sur les propriétés de la matière. La matière rentre dans son néant, elle fait place à la théorie nouvelle du dynamo-psychisme. C'est la pensée qui est la maîtresse des organes et toutes les manifestations du spiritualisme vont pouvoir s'expliquer en rentrant dans le cadre de nos connaissances naturelles. Tout rentre dans l'unité des lois de la nature avec la conception si simple de l'idéo dynamisme.

Sachant qu'il y a des esprits, nous devons supposer que l'au-delà en est peuplé ; sachant que les esprits peuvent agir sur la matière, nous allons pouvoir entrer en communication ; ce n'est pas le siècle de la télégraphie et de la téléphonie sans fil qui pourra s'étonner de ces choses.

Nous savons combien nos modes de perception sont incomplets, nous vivons sur une petite échelle du monde des vibrations, d'immenses lacunes existent, l'au-delà doit combler cette lacune. En découvrant les facultés de l'âme humaine et les champs qu'elle explore, nous irons de merveilles en merveilles sans jamais rencontrer le miracle.

Je sais bien qu’il y a là, pour les âmes pieuses, un côté douloureux ; leur religion se scandalise de ce qui est rationnel ; parce qu'il leur semble que renoncer au miracle, ce serait renoncer à Dieu. Mais cette crainte est vaine ; parce que Dieu aura mis toutes possibilités dans la nature son œuvre n'en sera pas amoindrie. Dieu n'intervient pas personnellement dans les miracles de la Bible, ni dans les pieuses légendes. Des saints s'endorment sur leur ouvrage et trouvent la tâche miraculeusement accomplie au sortir d'une extase ; une religieuse, absorbée dans la contemplation divine, trouve la cuisine toute faite à son réveil ; ailleurs le jardinier d'un couvent est aidé par les anges, ou la cloche du monastère est raccommodée mystérieusement. Voilà des miracles… ! Acceptons-les comme tels, sous prétexte que rien n'est impossible à Dieu. Serons-nous obligés de croire que c'est Lui qui est venu balayer le réfectoire, faire le rétameur, remuer les casseroles, ou bêcher le jardin ?

Vous voyez combien serait puérile la crainte que Dieu ne soit pas l'agent immédiat du miracle.

De l'action de Dieu sur la terre il n'y a pas un seul exemple, ce sont les forces de la nature et non pas des forces contraires à la nature, qui sont les agents des miracles.

Si les saints ont réalisé des miracles dans la matière, c'est que des puissances spirituelles agissaient dans les laboratoires de l'invisible, et la doctrine nouvelle de l'idéo dynamisme viendra confirmer cette forme du miracle.

En somme nos rapports avec l'invisible ne sont pas autre chose que de la télépathie, la télépathie est dynamo-psychique et, comme toutes les forces organiques, elle est à double courant, ascendante ou descendante. Nous pouvons envoyer la colombe hors de l'arche, au-delà des eaux qui ferment la frontière, et nous pouvons établir un poste récepteur assez sensible pour percevoir l’émission des ondes occultes.

Les saints ont connu ces deux formes de la médiumnité. Ils ont été lucides, clairvoyants, ils ont vu à distance, ils se sont extériorisés, dédoublés, manifestés à distance ; ils ont fait des apports, traversé les murs, ouvert les portes fermées, ils ont donné le spectacle des lévitations, des transfigurations, des matérialisations ; ils ont eu des visions prémonitoires, des apparitions avant et après la mort, toutes choses qui rencontrent leur équivalent dans la phénoménologie spirite qui, aujourd'hui s'enrichit même de nouveaux miracles ; car les saints n'ont pas pu produire des photographies ni des moulages de membres extériorisés. Cependant ils ont obtenu des empreintes, comme nous le verrons, avec les âmes du purgatoire, et même de l'écriture directe.

Les miracles ne sont pas des articles de foi et toute interprétation sera permise ; il n'y a, dans tout cela, que la force psychique des créatures dont les effets s'étendent au-delà du corps visible, ce qui est du domaine de la métapsychie. Le rapport des âmes, la vue à distance, la lucidité ne sont que l'exercice des facultés naturelles et ne sont pas le privilège de la sainteté ; cependant les histoires des saints, prises à la lettre, tendraient à faire croire que les effets qu'on attribuait à leur sainteté dépassaient de beaucoup les limites ordinaires. Ce n'est qu'une question de mesure et il faut bien reconnaître que quelques sujets, particulièrement doués, et n'ayant aucune prétention à la sainteté, atteignent des résultats identiques ; tandis que des hommes d'une sainteté reconnue ont vu se produire, autour d'eux, les manifestations les plus grossières de la médiumnité:

Des phénomènes de nature tellement différente se reproduisent sur les mêmes sujets, ils reparaissent tellement identiques chez des agents, de culture et de religion différentes, qu'il est impossible de baser une classification sur une distinction à faire entrer les bons et les mauvais ; il faudra bien, quoi qu'il en coûte, abandonner les conceptions d'un autre âge.

Le passé a été ce qu'il devait être, et aucun blâme ne saurait atteindre des erreurs commises de bonne foi, mais il faut rendre à la nature ce qui appartient à la nature et il est impossible de ne pas reconnaître dans les états de catalepsie qui accompagnent si souvent les prétendus miracles des saints, dans les cas de dédoublement et dans certaines extases, des faits similaires à ceux, aujourd'hui parfaitement connus, que nous révèle le magnétisme.

On peut donc explorer le monde invisible, on peut se dédoubler sans être un saint ; mais on ne peut pas être convaincu de la réalité de ces phénomènes sans en tirer des déductions en faveur de la survie. Car, si l’âme extériorisée est sortie du corps, on pourra tuer le corps sans dommage pour la partie momentanément séparée de lui. Si cet argument n'a pas une valeur démonstrative, il a, tout au moins, la valeur d'une réfutation envers toute objection contre la possibilité d'une vie spirituelle.

Ce ne sera plus qu'une question expérimentale de savoir si l'homme a survécu dans son organe périsprital, et, si cet organe peut encore agir sur la matière, toute la phénoménologie constatée sur l'être vivant pourra se retrouver dans la population de l'au-delà et elle se retrouve, dans l'histoire de saints, avec une fréquence remarquable.

Ceci est très important parce que les actions exercées sur la matière, citées comme des miracles, et les actions obtenues dans les séances expérimentales se prêtent un mutuel appui ; elles se confirment les unes par les autres et chacun ont leur valeur. Le phénomène spirite a une valeur expérimentale qui manque le plus souvent aux narrations édifiantes, mais les faits admis par l'Eglise et inscrits aux procès de canonisation viennent justifier ceux invoqués par les spirites. L'Eglise, en effet, ne saurait blâmer, au xxe siècle, des phénomènes dont elle fit l'apologie en d'autres temps.

Ces faits, selon la théologie, se produisaient autrefois pour la conversion des païens ; ils se produisent aujourd'hui pour la confusion de la science matérialiste, les mêmes causes produisent les mêmes effets. Il n'y a que la mentalité qui diffère et, à ce point de vue, le néo-spiritisme, ou la métapsychie, s'adaptent à la mentalité de notre époque.

Nous n'avons pas à tenir compte des plus ou moins de certitude, ou du peu de créance que méritent les phénomènes attribués aux saints ; ils sont admis par l'Eglise et cela suffit à la justification des phénomènes semblables ; d'un autre côté la contre-expertise scientifique, appliquée au miracle moderne observé dans son aspect métapsychique, suffit à rendre la créance au miracle dont la possibilité théorique est ainsi démontrée.

Il ne s'agit plus, pour nous, d'édifier les fidèles, ni de savoir si tel ou tel fait doit être publié à l'honneur de saint Martin ou de saint Grégoire, il suffit de savoir si les faits cités sont possibles, s'ils mettent en évidence l'existence d'une force dynamo-psychique. Eh bien ! Puisqu’ils sont d'une part, admis par l'Eglise, et d'autre part certifiés par la science, l'accord peut se faire sur cette affirmation d'une force psychique. Pour l'Eglise elle est prouvée par les miracles relatés dans les procès de canonisation ; pour les mécréants modernes nous la leur présentons dans la seule forme où ils puissent l'admettre, et nous les mettons, ainsi, sur le chemin de la conversion.

Les thaumaturges, des premiers siècles ont très souvent constaté, ou produits par eux-mêmes, le phénomène des corps rendus lourds et légers. Ce n'était pas là une action de Dieu, puisque saint Martin étendant le bras par erreur immobilise un convoi ; Dieu ne ratifie par l'erreur. Mais en d'autres circonstances il faisait tomber une idole de son piédestal. Miracle ?... Si l'on veut, mais miracle qui n'excède pas les possibilités naturelles, puisque les spirites rendent une table lourde ou légère, puisqu'un enfant peut soulever un piano. Saint Grégoire déplaçait une montagne pour la commodité de son couvent. Est-ce un miracle ?... Soit, mais il faudrait supposer l'accumulation des forces extraordinaires qui ne seraient pas d'une autre nature que celle qui soulève les meubles. Les saints étaient soulevés de terre par l'ardeur de leur conviction qui les entraînait vers le lieu de leur désir, mais il n'y a pas lieu de supposer autre chose que le dynamo-psychisme si visiblement manifesté, sous la même forme, par D. D. Home et Eusapia.

Enfin le miracle se manifeste si souvent sur les tombeaux des saints, et en faveur des personnes qui viennent prier sur leurs tombes, que nous en déduisons que l'action est évidemment exercée par la personne décédée, ou sous son influence, si elle est obligée de recourir au dynamisme d'êtres moins spiritualisés. Et c'est ainsi que les choses se passent pour les spirites.

Une chose qu'on ne saurait nier c'est qu'il y a des saints médiums. Quand un saint produit des phénomènes physiques il en produit toute sa vie, il y a là une aptitude organique ; et il est remarquable que les effets qui se produisaient autour du saint vivant se répètent après sa mort ; n'est-ce pas parce qu'il conserve en lui la substance périspritale et les facultés dynamiques qu'il possédait de son vivant ou, du moins, le pouvoir d'associer cet organe aux forces médiumniques des personnes vivantes ?

Le tombeau de l'impératrice Eudoxie fut l'objet de lévitations et de mouvements inexplicables, et cela dura trente-cinq ans. Les mouvements ne cessèrent que par des prières faites sur le corps de saint Jean Chrysostome. Ce saint médium rendit sa chasse si lourde qu'on ne put l'enlever qu'après avoir déposé une supplique sur sa poitrine.

D'autres exerçaient une suggestion sur les animaux, comme saint Antoine de Padoue, saint François d'Assises et François de Solano ; ce dernier attirait les oiseaux qui couvraient ses bras et ses épaules comme s'ils se perchaient sur les branches d'un arbre ; à sa mort ils accoururent autour de sa cellule, et l'on raconte la même chose de François d'Assise.

La médiumnité qui permet d'entrer en rapport avec l'autre monde, si fréquente chez les saints, ne se prête guère à l'analyse parce que les renseignements nous font toujours défaut ; les narrateurs nous disent rarement s'il y a eu vision, audition, ou communication écrite. Mais interroger les morts n'est pas un acte contraire à la religion, puisque les plus grands saints l'ont fait pour l'édification des fidèles. Ce genre de conversation était de pratique courante pour saint Jean Chrysostôme, saint Martin, saint Gratien, saint Grégoire, d’autres comme saint Macaire, saint Spiridon, saint Stanislas se livraient à de véritables évocations magiques et faisaient parler les morts, faisant appel à leur témoignage pour révéler un dépôt ou décharger des innocents. La clairvoyance renouvelle aujourd'hui ces miracles, sous une forme moins saisissante, mais elle peut avoir donné lieu à plusieurs légendes et prêter, aujourd'hui, son secours à une plus juste compréhension de l'histoire du miracle.

La télépathie expérimentale donne satisfaction au dogme de la communion des saints. Les miracles d'autrefois peuvent s'expliquer, comme le merveilleux d'aujourd'hui, par les seules forces de la nature physique et spirituelle de l'homme. Si l'histoire des saints met à leur actif des faits qui dépassent en puissance tous ceux que nous expérimentons, nous ne les nierons pas, nous n'empêcherons pas les théologiens d'appeler miracle ce qui dépasse les effets connus de la force psychique, seulement nous croyons qu'un même processus s'applique aux grands et aux petits phénomènes ; que la foi du croyant aille bien au-delà des faits acceptés, par la science, cela ne change rien à la thèse.

Une somnambule telle que la voyante de Prévost nous permet d'explorer l’au-delà dans ses régions les plus ordinaires ; si un saint peut entrer en rapport avec les régions moins accessibles du monde spirituel, cela confirme notre foi en la parole de Jésus, qu'il y a plusieurs demeures dans la maison du Père ; mais, à mesure que l'observation gagne du terrain, le domaine du miracle se restreint, et, en même temps, s'agrandit le mystère de la vie et de l'évolution.

N'espérons pas découvrir les lois de la physique à la lumière des conceptions religieuses, cela est impossible, et il sera toujours impossible de donner une définition du miracle parce que tout ce qui est réalisé a trouvé des possibilités dans la Nature ; c'est à nous de le comprendre. Le progrès fera toujours que certaine vérité d'hier deviendra l'erreur de demain ; la vérité est immuable, tandis que les mots qui l’expriment changent de sens et de portée avec le temps. Enfermer un dogme dans la lettre, sera toujours un rêve chimérique.

L'au-delà est un nouveau monde qu'il faut explorer sans crainte. Les saints n’y sont pas entrés en observateurs, il faudra corriger les erreurs de la mystique ; trop de révélations se sont manifestées dans la forme spirite, dont le véritable sens ne pouvait pas être compris de ceux qui étaient forcément ignorants des conceptions psychiques que des découvertes récentes nous imposent. Ils ne pouvaient éviter l’écueil des fausses interprétations de l’extase cataleptique, de la suggestion, du monoïdéisme et des automatismes. Les hagiographes ont attribué à la sainteté ce qui n’était que les effets plus ou moins explicable de notre contribution animique et ils n’en ont pas compris la valeur expérimentale des faits qui prouvent, tout au moins, l’existence d’un monde spirituel.

Si un ange ou un esprit peut, dans un cas particulier, faire intervenir une cause inconnue dans la production d’un phénomène, il n’y aura pas, pour cela, de miracle, il n’y a pas violation des lois de la nature. L’aimant ne contredit pas les lois de la pesanteur. L’introduction dans les contingences actuelles d’une cause inconnue, qui se substitue à la cause antérieurement agissante, ne constitue pas un miracle. Les possibilités de Dieu seront toujours inépuisables, mais les messagers de Dieu sont contraints de se servir des lois auxquelles nous sommes astreints nous-mêmes et c’est pourquoi Jésus a pu dire que, ce qu’il faisait, nous pourrions le faire un jour.


CHAPITRE V – On peut communiquer avec l’au-delà

Les conditions de rapports possibles avec l’au-delà sont beaucoup moins simples qu’on ne le croit généralement. Selon toutes les apparences il existe, dans la nature, un élément universel de nature inconnue correspondant à la nature de l’âme et constituant un médium éthéré qui permet la communication entre les êtres : mais qui, dans la condition où nous sommes, ne se manifeste que rarement. Les âmes sont dites « en état et rapport » lorsqu’elles réalisent cet état particulier qui consiste dans le synchronisme des vibrations.

Deux êtres dans cet état sympathique peuvent se transmettre des images visuelles, auditives ou motrices, ils peuvent communiquer par la pensée, et les révélations des extatiques n’ont pas d’autre cause que ce rapport établi entre le visible et l’invisible. La même clef s’applique à la solution de tous les problèmes psychologiques et les entités spirituelles agissant sur nos organes n'opèrent pas autrement que le magnétiseur, lorsqu'il obtient le curieux phénomène de l'action spéculaire et de l'écholalie.

Rien n'existe que par la pensée, rien n'est mû que par la pensée, l'action médiumnique se manifeste à tous les degrés dans le domaine de la physiologie, comme dans celui de la mystique, et il n'est pas nécessaire de recourir à l'intervention des anges ni du démon.

Dans la sphère la plus élevée, celle de l'âme, ce sont les affections, les désirs, l'amour qui permettent de jeter un pont sur l'abîme qui existe entre les deux mondes ; étant bien entendu que les deux mondes sont en nous ; la partie pensante et agissante de nous-mêmes étant déjà comprise dans l'au-delà appartient au plan spirituel, et il y a des hommes qui sont à peine sortis de la matière. Inutile de dire que ceux-là ne se prêtent pas aux manifestations transcendantes, ils ne sont même pas capables de les comprendre.

Les rapports des âmes entre elles n'ont donc rien de surnaturel, tout rentre dans la grande loi de télépathie universelle.

On est grandement stupéfait en lisant les œuvres des hagiographes de constater l’absence de tout éclaircissement concernant le mode des communications entre Dieu et les saints. On voudrait savoir sous quelle forme l’Absolu se manifeste, l’imperfection du langage et la grossièreté des images ne se comprendraient pas venant de Dieu ou des anges. L’Eglise qui couvre de son autorité des révélations de Marie Alacoque devrait nous dire si la parole de Dieu fut écrite, lue ou entendue.

Le Spiritisme attache, à la forme des communications, une importance toute spéciale ; cela lui permet d’éviter l’erreur des théologiens qui on vu, dans la catalepsie, une absorption de l’âme dans la contemplation divine, dans la télépathie un privilège de la sainteté, et, dans l’automatisme suggéré, un miracle de la sainte vertu d’obéissance.

Je vois de long discours dont les paroles textuelles provenant de révélations divines sont fidèlement rapportées ; comment peuvent-elles contenir des expressions baroques et donner des instructions si différentes, conseillant à l’un de s’imposer des tortures qui font frémir, incitant l’autre à des transports d’amour en termes si équivoques qu'on hésite sur leur véritable interprétation ?

Le texte d'une révélation qui n'a pas été obtenue devant témoins, devrait toujours être passé au crible de la raison ; et il est plus simple d'admettre que ces révélations pieuses ont été données, tout simplement, par l'au-delà. C'est-à-dire par ceux qui ont récemment quitté la terre et ne sont pas encore arrivés dans les hautes demeures de la maison du Père. Ces âmes pieuses sont restées en communion avec les âmes pieuses de la terre, et les saints qui ont été doués de quelque médiumnité ont reçu d'elles les inspirations, les suggestions, les visions, les révélations et même les manifestations qui les ont fait écrire, parler et quelquefois divaguer.

Beaucoup de personnes n'ont emporté, dans l'au-delà, que les idées communiquées par leur entourage, elles n'ont rien acquis par elles-mêmes, comme le trop prudent serviteur de la parabole, elles ont enfoui le trésor que Dieu leur avait confié et elles ne l'ont pas fait valoir ; elles reviennent dans la vie spirituelle telles qu'elles étaient sur la planète, c'est-à-dire vulgaires, ignorantes, superstitieuses, ou pleines d'exaltation religieuse, si une puissance tutélaire ne vient pas les éclairer.

Il est incontestable que c'est avec des êtres de cette nature que beaucoup de saints ont entretenu des relations. Il est trop facile de reconnaître, en eux, les états pathologiques qui accompagnent toujours ce genre de manifestations, souvent précieuses pour la connaissance de la vie spirituelle, mais nuisibles si on les accepte comme venant de Dieu. Les faits si instructifs du dédoublement et de la bilocation ont été confondus avec le miracle ; de même que la catalepsie, l'insensibilité, la télépathie, la vue à distance, etc. Tous phénomènes scientifiquement observés ; ce qui oblige, aujourd'hui, les pieux commentateurs à voir, dans le spiritisme, une pâle imitation du miracle due à l'intervention du démon.

Nous ne regardons ni en haut ni en bas, c'est l'âme de l'homme qui révèle sa nature dans l'observation des phénomènes ; la métapsychie nous guidera à travers toutes ces complications.

Nous savons, par le magnétisme, que deux sujets extériorisés entrent en rapport sympathique. Nous découvrons des rapports identiques dans tous les domaines et à tous les degrés.

Dans la mystique, par exemple, ces états de rapports, de vivants à vivants, apparaissent constamment.

Les extatiques, écrit Gœrres, se voient réciproquement dans l'extase. Sainte Ida apprit qu'une de ses amies qu'elle aimait beaucoup se trouvait dans le même moment ravi comme elle ; celle-ci de son côté apprit qu'Ida était abîmée aussi dans l'océan de la lumière divine. A partir de ce moment elles furent liées dans le Seigneur de la manière la plus intime... Il arriva la même chose à Ida avec un saint prêtre... celui-ci, entrant chez elle, fut aussitôt ravi en extase. Ida de son côté le voyant en cet état, fut ravie comme lui au ciel où ils se rencontrèrent tous les deux et fêtèrent ensemble ce jour si solennel pour eux. Le prêtre revint à lui au bout de quelque temps ; et comme il prenait congé de la sainte celle-ci lui demanda pourquoi il ne disait rien à Ida. « J'ai bien assez parlé avec elle, répond-il, comme les âmes des extatiques ont coutume de se parler dans le ciel. » Et Ida répondit la même chose à la même question de la part du prêtre lorsqu'elle fut revenue de son extase[11].

Un autre prêtre éprouva aussi le même phénomène ; Ida s'étant approchée de lui, leurs âmes se donnèrent un saint baiser. A partir de ce moment il semblait à ce saint prêtre que son cœur était inséparablement uni à celui d'Ida par la charité.

Voici la vraie communication entre vivants que connaissent bien les magnétiseurs, avec la contagion de l'état extatique, l'extériorisation, où le sujet parle de lui-même à la troisième personne, et intensification de la sympathie au réveil. Une autre forme de l'extériorisation est celle qui laisse des traces visibles au retour, en imprimant des stigmates au corps visible. Sainte Lidwine et Catherine Emmerich portaient les marques des blessures reçues dans leurs pérégrinations extatiques. Et l'abbé Migne cite le cas suivant : « Une sainte religieuse nommée Anne, qui était en oraison dans une ville éloignée, fut transportée en vision à l'endroit où Henri Suso s'était flagellé ; ayant vu les coups cruels qu'il se donnait, elle en eut compassion et avança le bras pour recevoir le coup que Henri se destinait. Il lui sembla être frappée elle-même, si bien qu'au sortir de son extase, elle vit son bras tout livide et tout noir et elle le garda ainsi pendant quelque temps[12]».

Par ailleurs un autre théologien, Scaramelle, décrit ainsi les effets constatés chez les mystiques : Le commandement adressé aux extatiques, dit-il, agit à distance. L'autorité nécessaire pour les rappeler à eux peut être communiquée à d'autres qui ne l'ont point par eux-mêmes. Le commandement une fois prononcé peut être rétracté intérieurement et de loin ; et même, en beaucoup de cas, il n'a pas besoin d'être exprimé verbalement, mais il produit son effet par un acte simple de la volonté. Cependant ceux qui se sont occupés de ces matières conseillent, avec raison, aux confesseurs et aux autres supérieurs, de ne point tenter ces sortes d’essais. Il donne pour raison que le commandement pour être obligatoire, doit être exprimé verbalement ; mais cette raison ne paraît pas concluante. Il y a pour cela une raison plus grave ; c'est que le commandement s'adressant à Dieu (?) s'il était accompagné du plus léger sentiment d'orgueil ou de curiosité, il pourrait trouver facilement de la résistance. Et d'un autre côté, l'usage fréquent de ce pouvoir, quoiqu'il ne tienne nullement à la personne qui l'exerce, pourrait aisément amener, entre celle-ci et l'extatique, des rapports trop intimes et dangereux pour les deux.

Qui ne reconnaîtrait dans ces différentes narrations tous les caractères de la suggestion à l'état d'hypnose ?

Pour nous nous disons que des rapports ainsi établis entre vivants, nous instruisent sur les facultés que l'âme possède, pour le mal comme pour le bien ; que ces moyens sont bien ceux que nous pouvons mettre en œuvre pour les explorations de l'au-delà, que cette faculté d'extériorisation de l'âme est merveilleuse, mais naturelle, et que ces rapports peuvent s'établir, par des processus similaires, entre ceux qui ont quitté la terre et ceux qui y sont restés.

La preuve du fait de communication entre vivants est obtenue d'une manière expérimentale, celle de la communication avec les personnes décédées ne pourra être faite qu'empiriquement, mais le processus de la communication ne change pas, car, pratiquement, nous n'avons pas à faire de distinction entre l'âme extériorisée et l'âme désincarnée.

La communication avec l'au-delà est un fait naturel, seulement nous avons peine à sortir de la routine qui nous fait appeler naturel ce que nous avons l'habitude de voir, et surnaturel ce que nous n'avons pas encore vu. On ne peut pas marquer les bornes précises entre l'impossible et l'inconnu.

Le Spiritisme nous a révélé que l'action physique et psychique de l'homme ne s'arrêtait pas à la périphérie de la chair, qu'elle déborde le visible et se continue, à distance, dans l'invisible. Les saints en fournissent la preuve tout aussi bien que les médiums ; ils ont, sur ceux-ci, l'avantage de la spiritualité plus développée, mais ceux-ci ont sur ceux-là l'avantage du laboratoire. Auprès d'eux, le théologien se rendra compte qu'on ne déroge pas aux lois divines.

Les saints n'ont pas toujours correspondu avec Dieu et les anges, ils correspondaient entre eux. Leur extase est souvent une extériorisation, comme celle qui mit en rapport Jeanne de Chantal avec saint François de Sales. Celui-ci qui connaissait le phénomène par expérience personnelle écrit fort bien : Nous sortons et demeurons hors et au-dessus de nous-mêmes[13].

Les théologiens pensent que, dans cet état, plusieurs saints, ayant quitté leurs corps, sont entrés dans la béatitude céleste ; nous ne donnerons pas notre opinion sur ce point, mais nous croyons que, dans bien des cas, ils n'ont communiqué qu'avec des esprits, et même avec des esprits du plan terrestre. Leurs historiens sont là pour montrer que leurs explorations dans l'invisible s'étendent au ciel, au purgatoire, à l'enfer ; aux anges, aux saints, aux démons. Ils ont étendu leur action miraculeuse jusqu'aux damnés et cela par la parole, par l'écriture, par la médiumnité auditive et par des phénomènes physiques qui vont jusqu'à l'animation des cadavres et à leur résurrection. Je ne vois pas par quelle dialectique subtile on arriverait à établir une distinction entre le processus de réalisation de ces phénomènes et ceux expérimentés par les spirites, psychistes, métapsychistes, etc. Il n'y a, là-dessous, que des querelles de mots. Les procès-verbaux de canonisation nous fourniraient des arguments décisifs si on pouvait leur attribuer la même valeur expérimentale qu'à ceux que la Société pour les Recherches Psychiques de Londres couvre de son autorité. Mais ces procès-verbaux ont été rédigés pour l'édification des fidèles, et non pas au point de vue de la preuve scientifique. Cette preuve, le Spiritisme seul peut la donner, et les participations à nos travaux, et les membres du clergé auraient tout à gagner à une franche participation à nos travaux.

Les facultés hypersensibles de certains sujets les mettent en état de voir, d'entendre et de sentir des choses que ne perçoivent pas nos sens. Les états de somnambulisme, la transe médiumnique, peuvent, tout autant que les états d'extase, mettre l'âme en relation avec les personnes éloignées, avec les esprits qui ont quitté la chair.

Au début du spiritisme quelques prêtres s'étaient intéressés à cette étude, ils se sont trouvés en présence de manifestations particulièrement remarquables. Un fervent catholique, convaincu qu'on peut rester fidèle à l'Eglise tout en pratiquant l'évocation des esprits, écrivait en 1862[14] :

N'en déplaise aux démoniaques, on me persuadera difficilement qu'une prière soit un acte d'impiété et surtout un appel à Satan. Le résultat pratique, c'est que des matérialistes, d'obstinés incrédules, ont été convaincus et se sont converti ; c'est que des ecclésiastiques, aussi recommandables par leur vertu que par leur savoir, après avoir attesté d'abord les plus vives préventions, ont témoigné bientôt leur étonnement, leur respect et leur complète édification.

L'un d'eux a été l'objet d'une communication bien remarquable en langue latine. Je la copie textuellement :

“Sacerdos a deo dilecte, cur manifesta negas ? Cur concedens omnia potenti deo, non fateris veritatem oculorum aciem perstringentem ? Sacræ litteræ, memento crebræ sunt manifestationibus angelicis ; cœcultatus, vide et crede.”

Traduction littérale :

« Prêtre par Dieu chéri, pourquoi ce qui est manifeste, nies-tu ? Pourquoi t'inclinant devant le tout-puissant Dieu, ne confesses-tu la vérité de tes yeux la prunelle frappant ? Les Saintes écritures souviens-t’en, pleines sont des manifestations des Esprits ; toi qui fermes les yeux, vois et crois. »

Benoit...

Une jeune dame tenait le crayon, écrivant avec une rapidité inouïe, et pendant ce temps-là, des coups ne cessaient de retentir dans la table et au plafond.

Une circonstance, vraiment intéressante, c'est que le médium au-dessous de chaque mot latin, nous donnait à la fois le texte et la traduction interlinéaire, qu'ici j'ai placé à la suite pour vous épargner une difficulté typographique.

Il est bon d'ajouter que ce médium est incapable de lire correctement une phrase latine.

Nous répéterons, observe G. Delanne, qu'aucune lecture de pensée ne peut produire ce phénomène, car en supposant que la conscience somnambulique pèche pour ainsi dire dans la mémoire latente des assistants, le mot latin correspondant au mot français, elle ne pourra pas construire grammaticalement la phrase latine, puisqu'elle n'a pas l'ombre d'un rudiment des règles compliquées qui gouvernent cet idiome. On ne peut davantage faire intervenir le subconscient des assistants car, étant incrédules, ils étaient incapables de formuler, en latin, des arguments combattant directement leur manière de voir.

Il me serait impossible de ne pas voir, dans cette belle communication, l'intervention d'un ami de l'au-delà. Quelques incrédules que rien ne satisfait objectent que cette réponse ne porte en elle aucune preuve d'identité ; c'est vrai, mais ce n'est pas une raison pour lui refuser une très grande valeur.

Aux reproches de ceux qui jugent le Spiritisme sur une platitude accidentelle, ou une insuffisance de preuves il faut répondre par la rareté des organisations sérieuses et des groupes bien composés. L'insuffisance, en effet, est trop souvent justifiée par la composition du groupe qui accepte... « Les sceptiques avec satisfaction et les faibles d'esprit avec trop de facilité », les éléments médiocres qui correspondent à leur état d'esprit.

Des personnes instruites et bien intentionnées pourront seules établir le poste récepteur qui attire les éléments sérieux de l'au-delà.

Veut-on un spécimen des preuves d'identité qui peuvent se produire en séance spirite : qu’on lise le cas suivant que nous empruntons à la très savante étude de M. Gabriel Delanne : Le cas de M. l’Abbé Grimaud[15]

Voici un autre exemple plus récent, dont nous avons entendu le récit de la bouche même de M. l'abbé Grimaud, dans un de nos passages à Avignon.

Je pourrais aussi dégager de mes observations personnelles, dit M. Léon Denis, de nombreux cas d'identité d'esprits. Je me bornerai à signaler le suivant, obtenu à la suite d'une conférence contradictoire que je fis à l'hôtel de ville d'Avignon, et au cours de laquelle M. l'abbé Grimaud me demanda des preuves de la réalité du Spiritisme. Ces détails sont extraits d'un procès-verbal que j'ai sous les yeux. Il est signé de douze témoins, et je le tiens à la disposition des intéressés :

Le I3 janvier 1 899, douze personnes s'étaient réunies chez M. David, place des Corps-Saints, 9, à Avignon pour leur séance hebdomadaire de Spiritisme.

Après un moment de recueillement, on vit le médium, Mme Gallas (à l'état de transe), se tourner du côté de M. l'abbé Grimaud et lui parler dans le langage des signes employés par certains sourds-muets. La volubilité mimique était telle que l'esprit fut prié de se communiquer plus lentement, ce qu'il accorda aussitôt. Par une précaution dont on appréciera l'importance, M. l'abbé Grimaud ne fit qu'énoncer les lettres à mesure de leur transmission par le médium. Comme chaque lettre isolée ne signifie rien, il était impossible, alors même qu'on l'eût voulu, d'interpréter la pensée de l'esprit et c'est seulement à la fin de la communication qu'elle a été connue, la lecture en ayant été faite par l'un des deux membres du groupe chargé de transcrire les caractères.

De plus, le médium a employé une double méthode, celle qui énonce toutes les lettres d'un mot pour en indiquer l'orthographe, seule forme sensible pour les yeux, et celle qui n'énonce que l'articulation, sans tenir aucun compte de la forme graphique, méthode dont M. Fourcade est l'inventeur et qui est en usage seulement dans l'institution des sourds-muets à Avignon. Ces détails sont fournis par l'abbé Grimaud, directeur et fondateur de l'établissement.

La communication relative à l'œuvre de haute philanthropie à laquelle s'est voué M. l'abbé Grimaud, était signée : frère Fourcade, décédé à Caen.

Aucun des assistants, à l'exception du vénérable ecclésiastique, n'a connu ni pu connaître l'auteur de cette communication, bien qu'il eût passé quelque temps à Avignon il y a trente ans, ni sa méthode.

Ont signé : les membres du groupe assistant à cette séance : Toursier, directeur de la Banque de France en retraite, Roussel, Domenach, David, Brémond, Canuel, Mmes Toursier, Roussel, David, Brémond.

Au procès-verbal est joint l'attestation suivante :

« Je soussigné, Grimaud, prêtre directeur-fondateur de l'institution des infirmes de la parole, sourds-muets, bègues et enfants anormaux, à Avignon, certifie l'exactitude absolue de tout ce qui est rapporté ci-dessus. Je dois à la vérité de dire que j'étais loin de m'attendre à une pareille manifestation, dont je comprends toute l'importance, au point de vue du Spiritisme dont je suis un adepte fervent, je ne fais aucune difficulté de le déclarer publiquement. »

Avignon, le 17 avril 1 899.

Signé : Grimaud, prêtre.

Nous devons reconnaître qu'une communication obtenue avec des signes conventionnels que le défunt était seul à connaître, nous donne la meilleure des preuves d'identité que l'on puisse souhaiter.

Il ne faudrait cependant pas se figurer que l'observation soit aussi facile que les exemples ci-dessus tendraient à le faire croire ; ce sont là des cas exceptionnels, mais ils ont tout de même une valeur bien supérieure à celle du miracle, parce que ce sont des faits récents et dont nous connaissons les témoins. Pour celui qui n'est pas favorisé de manifestations aussi nettes, il trouvera, dans l'histoire du Spiritisme, la confirmation de faits similaires attestés par des témoins dont les noms sont universellement connus ; récuser un tel ensemble de témoignages convergents seraient tout à fait déraisonnables. Qu'on étudie d'abord et l'on trouvera, dans la Science, un appui sérieux, dans la doctrine, une explication meilleure du mystère et, dans les faits éclairés à cette lumière nouvelle un nouveau moyen d'acquérir la foi.

Le mysticisme a pu être une source d'illusion mais l'illusion n'existe plus quand on peut voir et toucher, quand on ne va pas chercher le phénomène dans les nébulosités de l'âme et qu'il u'il se matérialise pour nous donner des preuves, comme c'est le cas pour les âmes du purgatoire.


CHAPITRE VI – Le purgatoire

Il y a une infinité de cas, dans l'histoire des Saints, où des âmes sont venues implorer le secours des vivants. Des manifestations semblables se produisent encore de nos jours, aussi bien dans les couvents que dans les milieux spirites.

D'après la doctrine catholique le tourment du feu est une satisfaction offerte à la justice divine ; les âmes souffriraient en vertu d'un jugement rendu. N'est-il pas plus raisonnable de croire qu'elles souffrent en raison des imperfections qui sont en elles, et des réprobations qu'elles sentent autour d'elles ? L'idée de soulager les âmes souffrantes en dissipant leur ignorance et en modifiant leur état d'âme, en éclairant cet état d'incrédulité qui les éloigne de la sphère spirituelle, n'est-elle pas supérieure à la doctrine ancienne qui n'est qu'un souvenir et un dernier vestige de l'idée du sacrifice que l'on offrait aux dieux dans l'antiquité ? Cette idée est antérieure à l'enseignement de Jésus puisque Judas Machabée offrait des sacrifices pour le soulagement de ceux qui avaient été tués dans le combat.

L'idée que l'âme doit se modifier elle-même, et s'élever par son propre effort, est une des plus belles de la doctrine spirite. Mais nous ne pouvons pas croire qu'à la fin d'un stage d'épreuve l'âme, ayant perdu toute possibilité de mérite ou de démérite, soit améliorée par la cuisson, Dieu ne donne rien en échange de pareille monnaie.

En fait, ce n'est pas ainsi que les choses nous apparaissent d'après les visions des saintes et des voyantes.

Si nous collationnons les faits relatifs aux manifestations des âmes du purgatoire dans l'histoire religieuse, nous entrons dans une certaine mesure et autant que cela peut se faire dans la voie expérimentale, et le résultat de cette exploration sera sensiblement le même que celui que l'on peut déduire de l'observation spirite.

Si peu que nous méditions sur l'infinie perfection de Dieu, si nous admettons d'autre part que nul ne peut entrer dans le plan divin avant d'avoir atteint un degré d'évolution dont la terre ne nous offre pas d'exemple, nous sommes obligés d'admettre qu'il y a des états intermédiaires entre la condition terrestre et celle des élus, ce sont les étapes que nous devrons parcourir encore après la mort, car l'âme ne s'élance pas d'un seul bond, de son état d'imperfection, à l'absolue connaissance et à l'infinie pureté. Donc il ne nous reste plus d'autre hypothèse que celle d'une épuration de l'âme, qui se continue dans l'au-delà, par le moyen d'une évolution ascendante et par des étapes successives qui sont les différentes demeures dont il est parlé dans l'Evangile.

L'âme sortie de son corps se retrouve, dans l'au-delà, telle qu'elle était sur la terre ; elle est libérée de ses entraves, elle se sent des facultés plus étendues mais elle n'est pas immédiatement meilleure, ni plus instruite. L'ignorance de sa destinée la trouble et c'est son anxiété qui produit certaines manifestations sur le plan terrestre.

La télépathie, qui est l'agent normal de toute relation entre les âmes, permet aussi à certaines voyantes de la terre de suivre, dans l'au-delà, le processus de la désincarnation et le progrès des âmes qui montent vers la lumière. Et ce qu'elles décrivent s'accorde mal avec ce qu'on nous raconte de la vengeance divine.

Sainte Perpétue, priant pour son frère Dinocrate, le voit sortir d'un lieu obscur où beaucoup d'autres étaient avec lui, son visage portait les traces d'un cancer dont il était mort. Elle ne le vit pas faire un bond du purgatoire dans le ciel, mais elle comprit qu'une grande distance l'en tenait éloigné. Peu à peu le lieu devenait moins sombre, son frère sortant de l'obscurité, se montrait plus clair, plus propre, mieux vêtu. Finalement elle le vit portant encore une légère cicatrice et il ne souffrait plus. Faisons la part de ce qu'il y a de symbolique dans cette vision, elle est l'image du réveil progressif d'une âme dans l'au-delà.

Encore plus instructive est la vision de Marie d'Agréda parce que, dans son cas, l'âme communique avec elle. Il s'agit de don Balthazar, fils de Philippe iv roi d'Espagne, celui-ci apparut à la sainte lui demandant des prières et il lui promit des révélations. Environ trois semaines après sa mort il se présenta sous sa forme humaine et il ne parlait pas de ses souffrances mais seulement des mensonges de la terre, disant que son ange gardien l'initiait à des lumières nouvelles : Sœur Marie disait-il Dieu veut profiter de ma mort pour enseigner la vraie science.

Dans une seconde visite il fit cette communication.

Mère, le Très-Haut veut te faire entendre, par mon organe d'enfant, la véritable science et la vraie prudence. Quand je vivais dans mon enveloppe mortelle, j'ignorais cette science divine parce que la corruption et la matière du corps font naître dans les âmes d'obscures ténèbres ; mais dès que j'ai eu dépouillé le poids de la mortalité, je m'ouvris à une nouvelle lumière que je ne connaissais pas encore, et mon ange lui-même m'initie à beaucoup de choses que je te ferai connaître. Je t'assure, mère, que depuis que cette science m'est venue, et à cause des erreurs et des tromperies que je connais maintenant, je ne voudrais pas revenir à la vie que j'ai quittée.

Remarquez que c'est du purgatoire que le prince s'exprime ainsi, il s'y trouve déjà beaucoup mieux que sur la terre, comme dans nombre de communications spirites et autres visions de saints auxquels les âmes parlent d'un purgatoire fort atténué. Dans le cas présent, la sœur Marie d'Agréda n'a pas vu de suite le communicant dans ce qu'elle appelle la lumière ; c'est bien dans le purgatoire qu'elle le suppose et elle dit que cet état dura quatre-vingt-deux jours.

Dans les communications spirites on voit beaucoup de ces âmes qui n'ont pas trouvé d'accès dans l'au-delà ; si elles ne se disent pas en purgatoire c'est qu'elles ne subissent pas la suggestion que les conceptions religieuses inspirent à certaines personnes, mais elles se disent dans le noir, elles sont dans l'inquiétude et ne comprennent pas leur état. Ce genre de manifestants ne sont intéressants qu'au point de vue des preuves d'identité qu'ils fournissent quelquefois, en donnant leur état civil et en nous informant de faits intimes qu'ils étaient seuls à connaître. Les esprits élevés essayent, comme don Balthazar, de nous orienter vers des conceptions plus larges que celle du feu ardent et des instruments de tortures qui d'après les théologiens (P. Giry, 2 nov.), seraient « les trésors de la vengeance divine ».

On trouve bien, chez quelques visionnaires du purgatoire, des descriptions de supplices horribles, mais ce sont des images symboliques où la suggestion jouait un grand rôle. Quand le mort parle lui-même, quand il s'agit d'une apparition matérialisée, il n'est plus question du feu ardent.

Voici, par exemple, un cas bien connu et accepté par l'Eglise. C'est celui d'un gentilhomme polonais, évoqué par saint Stanislas, évêque de Cracovie, afin qu'il vint témoigner dans un procès. Les spectateurs l'accablaient de questions sur ce qui se passe dans l'éternité, mais il se contenta de répondre qu'il n'était pas venu pour révéler les secrets de l'autre vie. Interrogé par l'Evêque s'il aimerait à rester sur la terre, il répondit que bien qu'il fût au purgatoire depuis trois ans, il préférait y retourner. Le fait est inscrit en substance au Bréviaire romain et relaté sans aucune restriction par les savants Bollandistes. Voilà un fait spirite bien caractérisé, avec évocation, matérialisation et preuve d'identité. Ribet dans sa mystique lui attribue un caractère de véracité et de certitude historique.

Une réponse analogue est donnée par les apparitions historiques. Le duc Henri ii de Montmorency vit apparaître son ami le maréchal de Portes, le fait est raconté par tous les historiens ; il lui demanda comment les choses se passaient de l'autre côté et s'il avait vu Dieu. Non, répondit le fantôme, je suis seulement en attente de son jugement.

Les rapports détaillés concernant les faits anciens sont malheureusement assez rares. Les auteurs pieux négligent les précisions qui intéresseraient le psychologue. En voici un cependant découvert par M. Ch. Victor Langlois, directeur des Archives Nationales, dans un opuscule qu'il a communiqué à l'Académie des Inscriptions et Belles-lettres, et qui semble avoir été parfaitement contrôlé.

A Alais, en 1313, la maison d’un honorable bourgeois, Gui du Tour, fut hantée après son décès ; il n'y eut pas d'apparition, ce fut la voix du défunt qui se fit entendre auprès de sa femme. Il y avait donc action directe du décédé et non pas vision imaginaire. Les religieux appelés, assistés d'un notaire et du seigneur d'Alais prirent toutes les précautions contre la fraude et l'illusion et s'arrangèrent, entre quatre moines, pour cerner la voix. Celle-ci répondit aux questions posées.

Gui était au purgatoire, mais ce n'était pas le purgatoire commun, il subissait un purgatoire particulier qui l'attachait aux lieux mêmes où il avait péché. Il déclara bien souffrir le supplice du feu, mais une autre réponse l'eut fait taxer d'hérésie, ce à quoi semblait tendre l'interrogatoire. Le bon prieur lui ayant fait dire que l'âme dégagée du corps connaissait toutes les choses naturelles, lui répliqua. Puisque tu as cette science, pourquoi ne parles-tu pas latin ? Le pauvre esprit répondit que Dieu ne le voulait pas et demanda qu'on le laissât tranquille. Mais on s'étonna qu'ayant besoin de secours il se fût adressé à sa femme et non aux autorités religieuses. Enfin la curiosité des juges aurait voulu savoir, parmi les personnes décédées, qui était parmi les élus et qui parmi les damnés. L'esprit répondit que Dieu ne veut pas qu'on sache ces choses-là. Après quoi le prieur s'armant d'une hostie consacrée, commença à exercer ses suggestions, mais la veuve s'évanouit et tout rentra dans le silence.

M. Marcel Laurent qui commente le fait dans la Revue Spirite[16] conclut très judicieusement « Les innombrables communications recueillies et constatées depuis cinquante ans nous ont, en effet, amenés à comprendre que le désincarné était revêtu dans l'Au-delà des voiles par lui-même tissés sur Terre. Le purgatoire, nous a-t-on enseigné, n'est possible qu'à condition d'appeler ainsi l'état passager de l'âme qui a des fautes à réparer. C'est bien un état individuel qui s'améliore au fur et à mesure que l'être, prenant davantage conscience de l'éternité, s'épure et s'achemine lentement vers la progressive perfection. Cette vérité a été très simplement exprimée par « l'esprit Gui » alors qu'il fréquentait sa propre maison, pour confier sa peine âme en peine à ses proches survivants. »

Aujourd'hui que les milieux scientifiques ont entrepris de serrer ces questions de près, nous avons une meilleure connaissance de faits qui offrent toutes garanties d'authenticité et d'exactitude et peuvent être soumis à une analyse sérieuse.

Nous pouvons citer celui-ci, touchant une jeune fille qui, grâce aux conditions spéciales où elle se trouvait dans son couvent, ne pouvait avoir reçu aucune information du dehors.

Le 29 mai 1 907, le capitaine Oldham, au reçu d'une lettre qui opposait un refus à sa passion amoureuse, se suicidait. La dame de ses pensées avait une jeune fille de 17 ans, filleule du suicidé alors en pension dans un couvent de Belgique.

Le jour de l'enterrement, elle se trouva en présence d'une religieuse qu'elle reconnut pour une pensionnaire de ses amies (Elle ignorait encore que celle-ci eût pris le voile). La religieuse, lui prit le bras, la conduisit par une partie interdite du couvent dans la chapelle réservée et là... elle vit venir à elle le suicidé qui lui tendit la main et dit : Minnie j'ai fait une chose horrible, je me suis ôté la vie parce que la femme que j'aimais m'a rebuté et maintenant je souffre horriblement. Je ne m'attendais pas à cela. Prie pour moi.

Il faut voir là, un phénomène d'extériorisation, car la voyante vit son corps rester à la place qu'elle occupait, et son guide était lui-même extériorisé. Mais voici le fait intéressant : à partir de ce jour, chaque matin, le fantôme du capitaine venait visiter sa filleule, il ne lui adressait pas la parole, mais l'expression de son visage devenait de moins en moins douloureuse. Enfin le matin du jour où elle quittait le couvent, l'oncle lui apparut dans son état ordinaire et on ne le revit plus.

La voyante n'avait pas écrit à sa mère parce que, dans le couvent catholique, les lettres des pensionnaires étaient lues, et les conditions du couvent ne lui laissaient aucune possibilité d'avoir reçu les nouvelles du dehors. Elle était très anxieuse d'interroger sa mère en rentrant à Londres ; celle-ci avait bien du annoncer la mort, mais aurait voulu, pour tout au monde, ne pas parler du suicide.

Dans cet exemple remarquons encore que l'âme souffrante ne s'achemine que peu à peu vers un état meilleur et que le purgatoire de 1920 se présente assez semblable à celui du moyen âge.

Tous les saints, dit l'abbé Migne, et en particulier les plus parfaits n'ont jamais cessé d'entretenir avec les âmes du purgatoire un commerce intime et continu de prières et d'œuvres de charité.

Françoise du Saint-Sacrement recevait jour et nuit les requêtes des âmes du purgatoire. Ce qu'on remarque surtout auprès d'elle, c'est que, parmi les consultants il y avait des défunts de toute condition, ecclésiastiques, religieux, 1aïques, papes, archevêques, abbés, prêtres, moines, nobles roturiers, les uns qui pendant leur vie avaient un grand zèle ou avaient pratiqué de grandes pénitences, les autres qui avaient pris au contraire les choses moins sérieusement ; de grands personnages qui avaient joui, ici-bas, d'une bonne réputation, avec d'autres qui avaient été en mauvais renom ; des hommes qu'on avait pleurés à leur mort comme pères des pauvres, avec d'autres qui étaient morts sur l'échafaud, assiégeaient la cellule de Françoise, lui racontaient leurs misères, les fautes qu'ils avaient à expier et lui demandaient secours et conseils...

Lorsque Françoise était au chœur, toutes ces pauvres âmes se tenaient à l'entrée de l'église, près du bénitier ; l'office une fois fini, elles entraient avec elles dans sa cellule et lui présentaient leur supplique. Les défunts lui donnaient une multitude de commissions qu'elle exécutait dans les commencements avec une grande exactitude ; mais comme ces relations devenaient fort incommodes pour le monastère, ses supérieurs les lui interdirent[17].

Il est évident que cette sœur était un simple médium, elle vivait en rapport télépathique avec ce mystérieux au-delà, qu'explorent tous les voyants.

Catherine Emmerich vivait en communication constante avec ces âmes qui l'obsédaient et lorsqu'elle venait à les oublier, elles se rappelaient à son souvenir par des coups frappés.

Les voyantes du catholicisme pourraient fournir des renseignements précieux sur le processus de la mort et des réincarnations, si leurs visions étaient fidèlement transcrites, malheureusement elles sont toujours interprétées. Telles quelles sont, elles se montrent souvent d'accord avec la psychologie du spiritisme. Ainsi Catherine Emmerich voit un homme mort subitement, en punition de ses péchés, il reste attaché au champ qui avait été l'objet de ses convoitises. N'est-il pas facile de reconnaître le monoïdéisme qui lie les mourants à leurs dernières pensées. – « Je vis, continue la Sainte[18] quelque chose de l'état dans lequel l'âme de cet infortuné se trouvait depuis la mort. Je l'ai vu à une certaine hauteur au-dessus de l'endroit même où il était mort, dans un cercle, dans une sphère dans laquelle toutes les images de ses fautes avec leurs tristes conséquences lui étaient présentées et s'unissaient pour le déchirer... Au moment où déchirée par une sorte de désespoir elle allait descendre dans l'abîme, Jésus-Christ fit une prière et prononça le nom de Nazor (ainsi s'appelait le défunt) et elle fut réunie à son corps. »

« Cependant le Sauveur dit à ceux qui l'avaient accompagné à ce champ : retournons au berceau, nous verrons Nazor sur son séant et plein de vie. Au son de la voix du Sauveur l'âme s'était mise en mouvement et rapprochée du corps, sous une forme plus petite que celle que j'avais vu d'abord, elle avait pénétré dans la bouche et, à l'instant même, le mort sortant de son sommeil s'était mis sur son séant. J'ai toujours vu l'âme humaine, se reposer en quelque sorte au-dessus du cœur. De là partent des filets nombreux qui la font communiquer avec le cerveau. »

Nous avons encore beaucoup à apprendre pour arriver à une meilleure connaissance de l'âme ; il ne faut pas craindre de rassembler et de confronter les visions de tous ceux qui sont capables d'observer les âmes dans la période qui suit immédiatement la mort, à la condition de les regarder comme un sujet d'étude et non comme des révélations. Il importe aussi de faire la distinction nécessaire entre les manifestations réelles et les visions imaginaires. Les recherches du Magnétisme, du Spiritisme, de la Psychologie scientifique nous éclairent maintenant d'un jour tout nouveau, elles nous permettent d'interpréter certaines manifestations de l'histoire religieuse dont le passé n'est plus défendable.


CHAPITRE VII – Les méfaits de la suggestion

On sait quel rôle joue une pensée obsédante dans les apparitions qui se produisent au lendemain de la mort. Le monoïdéisme qu'une personne emporte à sa dernière heure se réveille, en elle, comme l'idée imposée à un sujet hypnotisé reparaît au moment du réveil.

Tout n'est pas illusion dans les révélations des extatiques qui voient des personnes pieuses brûler dans les flammes, l'image peut être sans conséquence si ce n'est qu'une vision imaginaire ; mais, s'il y a manifestation réelle du décédé, il peut y avoir un véritable supplice créé par la suggestion. L'idée qui nous obsède peut devenir l'équivalent d'une réalité, et nous pouvons nous en faire une idée d'après la perfection avec laquelle s'objectivent les images au cours des expériences d'hypnotisme.

On voit, par là, les dangers créés par des monoïdéismes tels que la crainte de l'enfer et l'épouvante du jugement. Les visions d'enfer n'existaient pas chez les premiers chrétiens, nous ne les voyons pas apparaître avant le Moyen-Âge, et elles deviennent épidémiques avec les terreurs de l'Inquisition. L'Eglise, alors, avait repris pour son compte la vieille idée païenne, des dieux dont la colère ne pouvait s'apaiser que dans le sang des victimes ; dès lors le salut des âmes ne dépendait plus de l'observation des préceptes évangéliques, il dépendait uniquement de la souffrance, seule rançon du péché. La suggestion était si forte que les fidèles et surtout les saints, vivaient dans une perpétuelle hypnose, figés dans les plaies du Christ et fixée sur l'idée toute matérielle des supplices du purgatoire qui persistait après la mort.

Quel devait être l'état d'âme de ces fidèles qui, ne voyant pas de suite la lumière divine, n'osaient plus quitter l'ambiance terrestre et restaient attachés au lieu de leur décès pour réclamer des messes, des pèlerinages, des disciplines, etc., selon l'idée que chacun s'était faite de son vivant !

Nous en voyons encore des exemples, aujourd'hui, dans ces apparitions qui viennent demander des prières ; elles sont particulièrement terrifiantes dans les couvents, parce que, là, on excite l'imagination par l'image des tortures dont on vante l'efficacité en les mettant en parallèle avec les souffrances de la Passion, on accompagne le tout de méditations pieuses sur l'éternité des peines, et de pauvres religieux et religieuses décédées, qui ne comprennent plus rien à leur état, se croient voués aux flammes ; ils viennent demander aux vivants le sacrifice héroïque de leur propre personne puisque, selon leur doctrine enseignée, ils ne peuvent plus mériter personnellement. La souffrance d'autrui est la seule monnaie dont ils puissent payer leur délivrance.

Une petite brochure pieuse, qui se publie à Rome sous le titre : Le Purgatoire, constitue un recueil de documents authentiques qui, par leur similitude avec ceux que la Psychologie a déjà enregistrés, méritent toute créance. Là le travail de l'imagination apparaît visiblement.

Ce sont des manifestations de personnes dévotes, adonnées aux pratiques de piété et qu'on s'étonne de voir revenir en âmes souffrantes. Elles donnent, de leur Purgatoire, des explications qui éclairent d'un jour étrange les effets de l'auto suggestion.

Par exemple, en 1894, une sœur Saint-Louis de Gonzague, tomba malade de la poitrine. Je cite le texte même de la brochure n° 170, février, 1910.

« ... Alors commença son agonie, on peut le dire, et la plume se refuse à rendre le martyre de cette pauvre victime du divin amour ; la toux, la suffocation, les enflures, qui lui rendaient impossibles tout mouvement et mettaient sa patience à une rude épreuve, et ses tourments se prolongeant au-delà de ses prévisions et des nôtres, elle se trouva à bout de forces. »

« Craignant de se lasser et de perdre, par un manque de résignation, le mérite de longs mois de souffrances, elle se prit à désirer la mort pour échapper à ce danger, et même elle priait celles qui la visitaient de la demander pour elle comme une grâce. Elle se trouvait en effet dans un état pitoyable : sa vue arrachait des larmes, on eût dit un crucifix. »

Ainsi, voilà son péché !... la sœur va mourir dans cet état, et la crainte de perdre le fruit de ses longues souffrances va devenir le monoïdéisme qui, de l'autre côté, agira sur elle. La supérieure l'entretient encore dans cette idée fixe, en lui représentant que les souffrances du purgatoire sont bien plus pénibles encore que celles qu'elle endure en ce moment, telles sont, en effet, les consolations de la religion ; et le récit continue : « Dans la nuit du 2 au 3 juin elle retrouva ses bonnes et saintes dispositions qui avaient fait sa force, et jusqu'au dernier soupir elle fut calme, souriante même. Le lendemain dimanche fut calme aussi. Le lundi, la dernière agonie commença, mais elle fut paisible, et le mardi à 3 h. 1/4 du matin, elle expira doucement comme un cierge qui s'éteint. »

« Dès la nuit suivante elle apparut à la sœur Marguerite Marie du Sacré Cœur, revêtue de son costume de clarisse : habit gris, corde, couvre-chef, voile noir.

« La sœur s'écria : Oh ! sœur Marie de Saint-Louis, vous êtes déjà là ? Elle répondit : J'ai demandé la permission au Sacré-Cœur de Jésus de venir vous trouver et il me l'a permis. Vous êtes au ciel ? Non, je suis en purgatoire. Comment, vous qui avez tant souffert, vous êtes en purgatoire ? Oui, j'y suis pour vingt jours ; pour avoir trop désiré le repos de la mort pour ne plus souffrir... Notre Révérende mère me disait bien que l'on souffre excessivement au purgatoire, je le sens maintenant. »

Voilà un exemple assez frappant du danger de la suggestion qui persiste dans l'au-delà ; le psychologue pourrait supposer une hallucination visuelle et auditive de la part de la sœur Marie du Sacré-Cœur ; mais, comme il arrive souvent dans les manifestations spirites, la sœur saint Louis de Gonzague, décédée, a laissé une trace visible de son passage. Ayant appuyé sa main sur l'oreiller, elle y fit une empreinte qui se retrouva le lendemain.

Le 26 juin, c'est-à-dire quatorze jours après, la voyante revit la sœur saint Louis qui, cette fois, lui dit : Je vais aller au Ciel, toutes mes souffrances sont finies..., ajoutant cette explication naïve ; Les prières ont abrégé mes souffrances et aussi à cause de ma fête, Notre Seigneur m'a fait quitter le purgatoire. Enfin elle apparut encore le 29 juin, pour dire, simplement : A. l'avenir je ne reviendrai plus vous trouver.

On doit s'étonner que des religieuses aient pu se faire, de l'action divine, une idée aussi imparfaite.

Une vie pieuse et le régime ascétique devraient mettre à l'abri de ces dangers. Il n'en est rien avec une doctrine qui enseigne que l'infinie perfection de Dieu donne une valeur infinie à la plus légère offense et quelle ne pourrait s'expier, si ce n'était la grâce, que dans l'infini des supplices prolongés dans l'infinitude du temps.

Les personnes qui ne sont pas initiés à cette éducation des couvents ne peuvent que difficilement se représenter l'état d'âme de ces religieuses dont l'oreille a été saturée de ce refrain qu'une heure de la vision de Dieu ne pourrait être achetée que par des millions de siècles des supplices les plus cruels.

Mieux vaut arriver dans l'au-delà dans la complète ignorance, que d'y tomber l'âme farcie d'idées impies sur la vengeance et l'infinie colère de Dieu, car celui qui est dans l'obscurité peut encore chercher la lumière, mais celui qui a consenti et accepte cette suggestion a bien de la peine à s'en dégager dans l'au-delà. S'il ne voit pas immédiatement la lumière divine, il s'obstine dans ce qu'il croit être de foi et voici un exemple de la manière dont il explique sa situation.

Il est tiré d'une vie du cardinal Pitra, par Albert Battandier et il est cité également dans le journal le Purgatoire, juillet 1909.

Ici la voyante et une religieuse qui a vu la sœur du cardinal Pitra en purgatoire. Celle-ci était pourtant un modèle de piété et de vertu. Or voici le récit de la religieuse.

« Quelle ne fut pas ma surprise quand, dans les jours qui précédèrent le T.S. Trinité, je la vis très affligée et versant des larmes. Emue à cette vue, je ne pus faire moins que de lui demander le sujet de sa douleur et elle me répondit : «  La colère de Dieu contre moi est bien grande et je dois l'apaiser. Elle me dit cela avec un accent tellement ardent qu'elle semblait me le communiquer. »

« Et alors, pour la consoler, je lui répondis que je lui promettais de demander au Seigneur sa liberté pour la fête de la Très Sainte Trinité (27 mai 1888). Elle se consola et fut presque joyeuse. Le jour même de cette fête, elle se présenta à moi de nouveau. La première chose qu'elle me dit fut celle-ci : Annonce à mon cher frère mon grand bonheur de monter aujourd'hui au ciel. »

Quant à la raison de sa peine, voici l'explication donnée par l'apparition : « Si j'ai été éloigné du Ciel, c'est que le Seigneur m'a reproché ce qu'il a reproché à Marthe quand elle le servait avec trop de zèle. »

« Franchement, si une sainte fille, dans toute l'innocence de sa foi, a pu provoquer ainsi la grande colère de la divinité, qu'adviendra-t-il de l'humanité ? Ce sera l'enfer pour tous.

On pourra dire, encore dans ce cas, que la voyante seule a été suggestionnée, mais la narration présente un détail qui serait une preuve que l'entité qui se communiquait était une personne réelle. Comme beaucoup d'apparitions spirites elle annonçait une mort : Dis à mon frère qu'il ne tardera pas à me rejoindre dans ma demeure. Ce qui se réalisa en effet.

Les exemples abondent ; il serait inutile de les multiplier. La suggestion de la dernière heure persiste après la mort, elle agissait autrefois comme aujourd'hui et, si l'histoire du passé peut être traitée de légende, les faits observés de nos jours leur donnent un certain fondement.

Les faits ci-dessus expliquent, dans une certaine mesure, l'histoire de saint Martin de Tours qui entrait si fréquemment en conversation avec les morts. Comme il se rendait au tombeau de saint Gatien son prédécesseur, pour lui demander sa bénédiction : Toi aussi, répond le saint du fond de son tombeau, je te prie de me bénir.

Comme il passait à Toul, une vierge sacrée, dit l'abbé Migne, ensevelie depuis peu, lui cria : Très saint pontife, aie pitié d'une pauvre défunte ensevelie en ce lieu ; car mon corps est ici caché sous la terre, mais mon âme est dans les tourments.

A Arthonne, qui est un bourg d'Auvergne, il alla prier sur la tombe d'une sainte religieuse nommée Vitaline et il l'évoqua en ces termes : Très sainte vierge, dis-moi si tu as déjà obtenu la vision du Seigneur ? J'en suis empêchée, répondit-elle, pour une chose qui, dans le siècle, me semblait bien légère : une sixième férie, jour auquel nous savons que notre Rédempteur du monde a souffert, je me suis lavé la tête avec de l'eau. Ce qui arrachait, à saint Martin, cette exclamation bien justifiée : Malheur à nous qui vivons en ce monde ! Si cette vierge consacrée au Christ a mérité un châtiment pour s'être lavée la tête une sixième férie (un vendredi), que deviendrons-nous, nous que tous les jours le siècle trompeur, entraîne au péché !

Il est impossible de lire la vie de saint Martin sans reconnaître qu'il possédait toutes les formes de la médiumnité spirite et nous pouvons interpréter la légende. Les morts ne sont pas sortis des tombeaux pour lui répondre, mais sa lucidité et sa médiumnité auditive lui permettait de communiquer avec eux, comme le cas se présente encore assez souvent dans les couvents. L’origine de ces suggestions après décès s’explique par les mœurs de l’époque. Ainsi aux temps d’esclavage le scrupuleux religieux se traduit par une exagération des observances rituelles (se laver la tête un vendredi) qui rappelle la mentalité des peuples prostrés devant les souverains orientaux ; aujourd’hui, les autorités visant plutôt à discipliner les esprits, c’est dans l’exagération de la soumission que se manifeste la superstition et le monoïdéisme. Dieu ressent une grande colère contre la sainte religieuse qui, dans une crise de douleur dépassant la limite de ses forces, aura tant soit peu désiré la mort.

Ce genre de fétichisme est une dernière forme de la survivance des croyances anciennes à la valeur intrinsèque du sacrifice. Il faut offrir à Dieu des douleurs, des supplices, et cette idée créait une suggestion terrible. Au moyen âge, elle s’objective dans les visions des saints.

Mais je ne crois pas qu'il y ait d'exemple d'apparitions réelles confirmant les formes cruelles de la vengeance divine. Les visions d'enfer sont des suggestions terrestres et les esprits de l'au-delà ne souffrent que de l'anxiété et de l'incertitude de leur prochain devenir, de la sensation de solitude et d'obscurité dont elles peuvent redouter la durée éternelle, tout le reste n'est que vision hypnotique avec souvenir au réveil.

Je vois bien, dans la Mystique de Ribet, les diables s'abattre sur de pieux anachorètes, ils ont des formes terrifiantes, des dents de cheval, des gosiers qui vomissent la flamme ; ils les tirent hors de leurs cellules, ils les emportent dans les airs, ils les suspendent au-dessus du gouffre béant. C'est dans ces conditions qu'ils voient les démons exercer tous les genres de supplices sur les âmes des pécheurs ; mais en fin de compte, ces diables, sans faire aucun mal, relâchent leurs victimes au bruit des chants célestes et à l'aurore, elles se retrouvent dans leurs cellules. C'est le sabbat des âmes pieuses, lequel n'a pas plus de réalité que celui des sorciers.

Les âmes du Purgatoire qui se manifestent dans ces tableaux sont des objectivations des idées du jour qui font complètement illusion à ceux qui ont fait ce mauvais rêve.

Il reste toujours quelque chose de ces superstitions dans la littérature pieuse et le journal catholique, le Purgatoire peuvent encore, en 1910, offrir à l'édification de ses lecteurs la relation de la Vén. Claire Isabelle Fornari (1697), écrite sur l'ordre de son 'évêque.

Il s'agit d'une religieuse à l'agonie autour de laquelle la Vén. abbesse vit une nuée de démons en joie danser la sarabande. Elle objectiva bientôt l'image de la mourante, suspendue comme par un cheveu au-dessus de la fournaise, puis en purgatoire, tourmentée par douze démons. Son ange la guida à travers l'enfer, elle reconnut deux religieuses assises sur des chaises de feu, une troisième chaise était vide, elle avait été préparée pour la mourante qu'elle avait délivrée par ses prières et, pour se venger, les démons la placèrent elle-même dans cette chaise, où flagellée, déchirée, elle se sentait mourir sans mourir jamais ; mais tout cela n'est rien, comparé aux tortures des vrais damnés à qui on arrachait sans cesse les yeux et le cerveau, etc., etc. Et la pieuse brochure conclut : Là on touche du doigt la colère infinie de

Dieu, et elle ajoute, qu'ils sont punis beaucoup moins qu'ils ne le méritent.

Ce qui est terrible, c'est que cette idée suit, au-delà de la mort, celui qui s'en est imprégné. L'abbé Curicque a publié, en 1906, dans l'Écho du Merveilleux, le cas d'une religieuse obsédée par l'âme de son père. L'obsession commence vers le 17 septembre, mais la suggestion apparaît seulement le 29, date à laquelle elle eut connaissance du décès.

Enfin quinze jours plus tard, elle vit son père, dont l'image aperçue entre son lit et la muraille, lui semblait entourée de flammes. La vision se renouvelait fréquemment, la sœur entendait des gémissements : Ma chère fille, aie pitié de moi ! Interrogée, la vision répondit : Non, je n'ai commis aucune injustice, mais je souffre pour mes impatiences continuelles.

Bientôt la religieuse le vit dans une citerne enflammée où le père, montrant sa bouche desséchée criait : j'ai soif ! Il apparaissait journellement, et cela jusqu'au 3 décembre, date après laquelle il apparut moins triste.

Ce qui est étrange, c'est qu'on ne pensa plus, à ce moment, qu'à lui poser des questions qu'il n'avait aucune raison de connaître mieux que sur la terre. On lui demanda son avis sur les apparitions de la Salette, sur l'avenir de la France ?..., etc. Le pauvre homme répondit selon les opinions du jour, mais ce ne fut qu'à Noël qu'il fut délivré.

Le fait s'accorde mal avec la thèse des théologiens pour qui l'âme se manifeste en vertu d'une grâce spéciale. L'âme en permission aurait profité de suite de la faveur divine ; mais le père commence par oppresser la religieuse pendant quinze jours, il l'accompagna ensuite la nuit et le jour, au réfectoire, au confessionnal, à la récréation, partout, et cela dura pendant trois mois, la suggestion des flammes ne se précise pas avant que la nouvelle de la mort ne lui fut parvenue, enfin la grande chaudière ne s'objectiva qu'un peu plus tard.

Et pourtant l’action du décédé est réelle puisque la hantise commence à la date du décès que la religieuse ne pouvait connaître. Craignant l'illusion, la sœur avait demandé à son père un signe sensible de sa présence en lui présentant sa main. Le père avait répondu : Non, je ne te donnerai pas cette marque, la peine que tu éprouves est voulue de Dieu et cette incertitude qui fait ton tourment doit contribuer à ma délivrance. Dans la nuit, cependant, il donna cette preuve et, touchant l'épaule de sa fille, il y fit une brûlure à travers ses vêtements et, comme dans une expérience de M. de Rochas, ces vêtements ne portaient aucune trace. Enfin jusqu'à la délivrance qui vint le jour de Noël, à la messe de minuit, tout tend à nous démontrer que la suggestion se mêle, dans ce cas, à l'action réelle du décédé.

Ce genre d'apparitions ne diffère pas beaucoup des âmes en peine avec lesquelles les Spirites entrent en conversation ; ce qui les rend plus pénibles, c'est qu'elles s'adressent à des sujets qui subissent eux-mêmes la suggestion et pour qui la sévérité de Dieu et les supplices d'un enfer qu'ils ont créé en eux deviennent une effroyable réalité.

En 1887, mourait à Jérusalem le P. Mathieu Lecomte, fondateur d'un couvent bien connu là-bas. Ce pieu dominicain, malgré son zèle religieux et ses travaux apostoliques, mourut dans l'idée fixe du purgatoire. – « Ma fille, disait-il à la religieuse qui le soignait, il ne suffit pas de faire des choses bonnes pour plaire à Dieu, il faut les faire avec une telle pureté d'intention...

Oh ! Quand je ne serai plus, priez beaucoup pour moi ! Malgré les promesses il mourut dans l'appréhension.

Les semaines passèrent les prières se ralentirent et voici comment le journal de Poitiers Le Messager de Marie, raconte la manifestation : « Un jour, travaillant dans sa chambre, la religieuse entend tout à coup un bruit épouvantable ; une odeur étrange et pénible, analogue à celle du souffre et de la fumée, se fait sentir et d'une voix suppliante, qu'elle reconnaît à l'instant, pour celle du religieux mort, celui-ci dit ses paroles : « Ma fille ! « Oh ! Priez pour moi. Je souffre horriblement ! »

« Et tout se dissipa peu à peu. »

« Quinze jours après, mêmes phénomènes, avec moins d'intensité. Le défunt déclara qu'il avait été soulagé par les prières, communions, rosaires, pénitences et autres bonnes œuvres, etc..

Cependant il fallut encore des messes et un beau jour un frère du couvent entend frapper à sa porte :

Entrez, dit-il. Et le père Mathieu Lecomte s'avança vers lui en souriant, comme pendant sa vie, et lui demanda des nouvelles du couvent.

« Père, nous allons bien et cependant quel vide fait, parmi nous, votre départ.

« Courage, répondit le P. Lecomte, je monte au Ciel. Ce disant, il serra affectueusement la main du religieux, dont nous taisons le nom parce que lui aussi vit encore. – Puis il retourna vers la porte de la cellule qu'il referma derrière lui. Le frère eut beau la rouvrir aussitôt, il ne vit et n'entendit plus rien. »

Comme on le voit, la métapsychie religieuse ne diffère pas de la nôtre. Ce sont toujours des mouvements d'objets, des coups frappés, des apparitions et des matérialisations qui se produisent sous l'influence de quelque préoccupation obsédante. L'ascétisme des couvents ne met pas à l'abri des colères divines, parce que la colère de Dieu contre la chétive créature humaine n'est qu'une suggestion impie de la théologie mal comprise.

On voit par là ce qu'il en coûte d'abandonner sa conscience à des directions étrangères, de s'endormir dans le cauchemar du Dieu vengeur et des supplices rançon du péché, ou salaire du paradis ; idée qui subsiste encore dans l'enseignement religieux et qu'il faut ramener à une plus saine interprétation. On pourrait croire que le renoncement à la vie est une vertu ; que, si quelques personnes timides ont cru bien faire en fuyant les dangers du monde, cela, du moins, était sans danger pour elles, eh bien ! c'est une erreur, il faut évoluer, il faut passer par l'épreuve, le progrès ne se fait pas sans cela. Il ne suffit pas de conserver son innocence et de rapporter intact le trésor de la vie que Dieu nous a confié, il faut le faire fructifier. C'est le sens de la parabole des talents (Mathieu, xxv, 15 à 30).

Souvenez-vous de cette parole d'Evangile que vous serez jugé du même jugement que vous aurez jugé vous-même, et craignez que le Dieu de clémence se montre inaccessible à celui qui aura créé, en lui, l'image de l'enfer.

On frémit en songeant aux effets de la suggestion et au mal que peuvent faire les directeurs de conscience aux âmes faibles qui s'appuient sur eux.


CHAPITRE VIII – Les hantises

Le Spiritisme s'intéresse particulièrement aux manifestations d'ordre physique, parce que, là, est le point de départ de la plupart des conversions.

Ces phénomènes qui se produisent spontanément nous permettent souvent de reconnaître leur origine et, dans ce cas, ils constituent des preuves d'identité et de survivance.

L'Eglise enregistre beaucoup d'exemples de ces hantises provoquées par les âmes du purgatoire, identiques aux communications spirites et donnant la même preuve. L'objet de ces visites d'outre-tombe est toujours une demande de prières, de réparation, de restitution. La forme est toujours la même, ce sont des voix entendues, des attouchements laissant des marques visibles, des coups frappés ou des mouvements d'objets. Qu'ils soient cités par des Pères de l'Eglise ou par des auteurs modernes, ils ont le même caractère d'avertissements qui se renouvellent jusqu'à ce qu'on leur ait prêté attention ; et les théologiens sont bien d'accord avec nous quand ils reconnaissent que les âmes du purgatoire manifestent ainsi leur présence, qu'elles reviennent pour annoncer leur délivrance et que, si ces phénomènes coïncident avec la mort des personnes qui en sont les agents présumés, il n'est pas raisonnable d'y chercher d'autres causes.

Les esprits nouvellement arrivés dans l'au-delà, se sentant encore attachés à l'ambiance terrestre, ne sont pas rassurés, ils n'osent pas rompre ce dernier lien de la vie, ils n'osent pas mourir. C'est alors qu'une inquiétude d'ordre professionnel, un souci relatif aux affaires de famille et surtout le monoïdéisme du purgatoire et de l'enfer, sont la cause ordinaire des hantises. Et pour réhabiliter le Spiritisme nous n'avons pas besoin d'autres documents que ceux qu'on trouve à chaque page de l'histoire religieuse et qui confirment pleinement la nature des phénomènes observés.

Recourons encore au petit journal catholique

Le Purgatoire. Voici une narration qui est extraite des archives de l'église paroissiale de Monfavet, paroisse d'Avignon, ancien couvent de Franciscains.

« Ce monastère était infesté et molesté depuis longtemps par des esprits malins qui parfois, avec leurs coups et hurlements effroyables, causaient des frayeurs mortelles à nos pauvres religieux. Mais le R. P. Fouques, plein de foy, après avoir beaucoup souffert, résolut de porter le Saint Sacrement processionnellement dans tout l'enclos que nous possédons, ce qui lui réussit si favorablement que tout le bruit que l'on entendait auparavant au dortoir des religieux s'enferma dans la petite tour du Nord, dans laquelle ayant fait creuser assez profond, on y trouva une carcasse dont le crâne avait été fendu d'un coup de hache, laquelle, après que nos religieux eurent pris et ensevely dans le cimetière de notre église, toute sorte de bruit cessa sans qu'on aye, du depuis, jamais été molesté d'aucune vision ny moins inquiété, d'aucun bruit, ce qu'on doit à bon droit attribuer à la vertu de ce Révérend Fouques qui, craignant de mauvaises suites de toutes ces visions et infestations, importuna le ciel par des prières continuelles et des jeunes et autres mortifications extraordinaires pour qu'il luy pleut et à sa sainte Mère, sous la protection de qui cette maison est consacrée, de vouloir délivrer les pauvres religieux d'une si fâcheuse incommodité. »

B. Chabrol

Curé de Montfavet.

Certifié conforme à l'original.

Montfavet, le 1er décembre 1 911.

Ce cas de hantise est semblable à tous ceux qui ont été constatés jusqu'à ce jour. Le couvent a été troublé par des manifestations bruyantes jusqu'à ce que les religieux se décident à y prêter attention et dès que l'esprit a vu qu'on s'en occupait sérieusement, il ne se réfugie pas, comme on le dit, dans la tour du nord, mais plus simplement il continue à se manifester dans le lieu où il désire que se portent les recherches. Quand on a découvert le cadavre les bruits cessent.

Le même journal (n° 191) cite, de la même époque, une maison hantée à la suite du décès de Christophe Wallbach, en 1605, plusieurs personnes virent l'ombre du défunt et la maison fut hantée jusqu'en 1670. A cette époque l'abbé

Mathias Eberlé vit l'esprit se dresser devant lui, son livre ouvert se ferma tout seul et l'esprit, mettant son pouce sur la couverture, y laissa une profonde empreinte, cette relique a été conservée et le Purgatoire en publie une photographie. C'est une ancienne reliure en bois, couverte en peau de sanglier, le pouce l'a profondément entamée.

Voici une autre relation, tirée du n° d'août 1909, et qui est de nature franchement spirite.

En 1768, les religieux du couvent de Beresteze (en Tirnavie) furent inquiétés par des bruits extraordinaires. La cellule où se donnait les disciplines était particulièrement hantée. Des portes et des murs de cette cellule partaient des coups si formidables que le frère Martin, qui occupait la cellule voisine, tomba gravement malade.

La nuit du 15 mai 1768, frère Martin entendit un formidable coup, il resta atterré, mais se ressaisissant aussitôt, il implora l'assistance divine. L'âme du purgatoire lui apparut. A cette vue frère Martin récita les paroles du Psaume : Que tout esprit loue le Seigneur ! A quoi l'âme répondit : Et ego laudo... N'aie pas peur Martin, car moi aussi je m'appelle Martin.

« Frère Martin essaya de se lever, mais il ne pût y réussir, sa faiblesse étant extrême. L'âme alors l'aida avec beaucoup de délicatesse, lui laissant en même temps imprimé, en forme de bras et de mains, deux marques de feu qui se conservent encore ; sur la planche du grabat, elle laissa l'empreinte de feu de la paume et des doigts de la main droite, mais sans profonde brûlure ; elle donna les mêmes signes sur la petite table. La chandelle de suif qui était éteinte se ralluma aussitôt. Tous ces objets portant leurs signes respectifs ont été placés dans l'oratoire. »

« Frère Martin demanda à l'âme ce qu'elle désirait ; celle-ci lui répondit : Six offices des morts, trois de profundis, une fois les litanies pour les défunts, les répons libera me Domine et une messe que tu diras à ton Supérieur de m'appliquer. Cela dit, l'âme disparut. »

Le même jour 16 mai, la messe fut chantée par la communauté. Frère Martin accomplit aussi tous les autres suffrages demandés. La nuit suivante, l'âme se présenta rayonnante, remercia et dit : Je ne t'avais pas demandé une messe chantée, mais seulement une messe basse, mais ce que vous avez fait en plus servira aux autres religieux défunts... Je suis le frère de ta mère, diacre du clergé séculier. Tu ne m'as pas connu, car j'étais déjà mort quand ta mère se maria…, tu m'aurais délivré plus tôt si, aux premiers bruits entendus, tu m'avais demandé ce que je désirais..., etc.

Cette dernière remarque tendrait à faire croire que l'âme en peine est soumise aux contingences naturelles et que son sort dépend de l'intervention humaine bien plus que du jugement de Dieu.

Toujours en nous appuyant sur des documents de source religieuse la plus orthodoxe et considérés comme authentiques, nous trouvons une confirmation pleine et entière des deux grandes vérités qui sont à la base de l'enseignement spirite : possibilité d'action en dehors des organes et messages intellectuels ; c'est-à-dire communication du défunt avec le vivant. Mais il est temps de passer à des exemples plus récents. Nous citons toujours le Purgatoire.

N° d'avril 1909. Ceci se passait en 1868, c'est l'histoire d'un bon chrétien, homme convaincu et pratiquant, pieusement décédé avec tous les secours de la religion et qui revient cependant, comme une âme en peine, provoquer des phénomènes de hantise dans sa propre maison. La famille inquiète eut beau implorer le ciel et multiplier les messes, les bruits augmentaient en intensité et en durée. Chaque jour à l'heure matinale où le défunt avait coutume de se lever, la pelle et les pincettes remuaient toutes seules dans la cheminée ; les deux filles en entendaient le bruit et la veuve, malade et alitée, avait le sentiment de la présence de son mari.

Finalement le curé fut consulté ; il assura qu'il ne fallait pas s'inquiéter, le bon Dieu permettant quelquefois ces choses pour l'instruction des vivants. Cependant il engagea la famille à s'assurer qu'il ne restait aucune dette, même légère. L'examen le plus minutieux des comptes n'ayant rien révélé, toute la famille et une nombreuse assistance unirent leurs prières dans un service solennel pour la délivrance du défunt. Mais, le soir du même jour, quelle ne fut pas la désolation de la mère et des filles quand elles entendirent les pincettes agitées par une main invisible et résonnant de plus en plus fort contre les chenets.

« Tout à coup la veuve du défunt s'adressant à sa fille lui dit : Ton père est là, je le sens. Puis, de plus en plus émue, elle se mit sur son séant et voulant écarter les rideaux, sa main rencontra une autre main froide comme le marbre qu'elle serra dans la sienne. A ce moment une lumière subite lui vint à l'esprit : Mon pauvre ami demanda-t-elle, serait-ce ce pèlerinage à Fourvières que tu avais promis qui t'inquiète ? La main froide, à son tour, serra la sienne. La pauvre veuve, angoissée plus qu'il ne se peut dire, prit ce signe pour un assentiment. Je te promets, reprit-elle, de le faire pour toi le plus tôt possible et, pour preuve, je vais mettre immédiatement de côté la somme nécessaire pour cela, avec une offrande comme tu avais coutume de le faire. Combien je prie Dieu de te donner son saint repos. La main glacée pressa de nouveau pour la dernière fois la sienne, comme un remerciement et un adieu, puis elle ne se fit plus sentir. »

Ce qu'il faut remarquer, dans ce cas, c'est que la satisfaction accordée à un monoïdéisme, s'est montrée beaucoup plus efficace que les messes et les prières.

Un scrupule devient une idée fixe par laquelle l'âme est enchaînée. Ne trouvant pas, immédiatement, le ciel de sa croyance, le désincarné ne peut pas s'expliquer son on état autrement que comme un purgatoire et, trouvant auprès des siens les facultés médiumniques qui se révèlent à lui, il en profite pour donner des signes de son inquiétude.

Une forme de hantise souvent observée est le cas des femmes électriques qui mettent en mouvement tous les objets qu'elles approchent. On la considère ordinairement comme un simple phénomène d'animisme ; cependant ils sont dus, quelquefois, à une intervention étrangère. Ce n'est plus la maison, dans ce cas, qui est hantée, c'est la personne qui se trouve obsédée par celui qui s'attache à elle.

L'exemple suivant se trouve dans la pieuse brochure, n° de juillet 1911.

Il s'agit d'une religieuse bien innocente qui se croit maintenant en purgatoire parce qu'elle est morte sans avoir pu dire, à l'une de ses compagnes, ce qu'elle avait promis de lui dire.

Dès lors la survivante vit remuer son crucifix, son sablier, le linge qu'elle raccommodait et, la nuit, elle entendait de grands bruits. Lorsqu'elle se décida à informer la supérieure, on veilla autour d'elle, alternativement, de sorte que toute la communauté put constater les faits. La religieuse, sœur Marie-Elisabeth d'Ozenay, qui sans doute était voyante, se décida à interpeller la décédée. Aussitôt une petite clochette qui se trouvait là sonna cinq fois et la défunte fit connaître que, si elle voulait faire ses exercices spirituels jusqu'à la Pentecôte, elle serait délivrée.

Ainsi fut fait et les phénomènes cessèrent autour de la religieuse. Cependant le temps que celle-ci assuma la tâche de faire les exercices, elle sentait la présence de la défunte à son côté.

Le même n° du Purgatoire contient une autre relation bien remarquable en ce qu'elle donne une magnifique preuve d'identité dans une forme spirite.

Il s'agit d'une jeune élève d'un couvent de la Visitation d'Avignon, dont la conduite n'était pas exemplaire. Eugénie, c'était son nom, étant venue faire quelque visite au couvent, s'y trouva par hasard au moment de l'agonie d'une certaine sœur Marie-Ambroisine et, comme on demanda à la mourante de prier pour la brebis égarée, Eugénie fut frappée par le regard de la bonne sœur qui se fixa sur elle en répondant : Oui, je sais, elle en a besoin. Et voici ce qui arriva.

La mère d'Eugénie, employée aux postes ; s'étant retirée dans sa chambre, vit apparaître dans la ruelle de son lit, une religieuse qui lui était tout à fait inconnue. La sœur Marie-Ambroisine, car c'était elle, raconta aussitôt sa dernière entrevue avec Eugénie, révélant à sa mère qu'il y avait dans le jardin, un endroit où sa fille cachait certains cadeaux et une correspondance coupable.

La mère découvrit les objets indiqués, avec stupeur, elle écrivit à sa fille une lettre indignée, lui faisant sommation d'avoir à revenir auprès d'elle. Eugénie, ne voulant rien avouer, posa comme condition de son retour qu'on lui fasse connaître l'auteur de la révélation. La mère, sans plus tarder, écrivit une seconde lettre où elle lui nommait la sœur Marie-Ambroisine.

La jeune fille, épouvantée par cette dénonciation d'outre-tombe, entra au monastère de Tarascon, où sa vocation contrariée paraît-il par les exigences d'une nature ardente, fut assez laborieuse. Elle y demeura néanmoins et y mourut pieusement.

Enfin nous résumons, ici, une relation bien intéressante communiquée au Purgatoire par M. le curé de Beaumont-de-Lomagne (Tarn-et-Garonne) et parut en juin 1912.

Ce fait, qui date de 1901, est celui d'une religieuse, attachée pendant 45 ans à un hospice des sœurs de Saint-Vincent-de-Paul, et qui revient hanter l'établissement dans lequel elle se manifeste par des coups frappés, par des attouchements et enfin par l'écriture directe, ce qui est la confirmation d'un phénomène spirite attesté par un ecclésiastique dont le témoignage a une valeur spéciale.

Le jour même des obsèques de la sœur Joséphine, la religieuse qui remplaçait la décédée entendit des coups violents et plusieurs fois répétés dans la chambre où la sœur était morte.

Un pauvre infirme, aux jambes inertes, sortant de la chapelle comme il faisait nuit noire, se sentit frôlé comme par un passant. Il n'y prit garde, mais en continuant son chemin dans le corridor il se sentit saisi d'une raideur particulière, ses mains refusant de soutenir ses béquilles.

Enfin il sentit le contact d'une main étrangère et entendit en même temps la voix de la sœur Joséphine qui lui dit : Priez pour les pauvres âmes du purgatoire qui souffrent. Ces mots étaient prononcés distinctement, mais l'intonation allait en s'affaiblissant comme si le pouvoir diminuait. Prosper, l'infirme, rentra tout ému à la chapelle et informa la supérieure qui, le lendemain, fit mander M. le curé de Beaumont et tous deux décidèrent de faire silence sur ce fait.

Cependant le vicaire, arrivant à son tour pour la bénédiction, fut informé par Prosper. L'abbé prit la chose en riant et commença à railler l'infirme, mais quelle ne fut pas sa stupéfaction en rentrant au presbytère de trouver dans sa chambre, étalé sur son bureau, un carré de papier sur lequel était écrite la phrase entendue par Prosper : Priez pour les pauvres âmes du purgatoire qui souffrent.

Le papier était vieux et portait au verso des notes d'histoire, prises par l'abbé du temps qu'il était au séminaire. La Revue donne une photographie de ce texte, et les sœurs de l'hospice croient reconnaître dans cette écriture, celle de leur compagne décédée.

Quatre mois plus tard, Prosper avait une apparition de la sœur Joséphine, une auréole entourait sa tête en retombant sur les deux épaules et elle prononça les paroles habituelles : Rassurez-vous, c'est moi, je ne suis plus au purgatoire.

La Revue ajoute que le fait n'est pas unique dans son genre, elle en aura d'autres à signaler.

Quant au rapport de M. le curé de Beaumont, qui est fort bien fait, il conclut en se plaçant au point de vue théologique qu'il n'a aucune peine à croire à l'intervention de l'âme de la bonne sœur Joséphine. – « Précisément, dit-il, parce qu'elle avait tant souffert et avec une si admirable résignation, nous disions tous à la pauvre malade qu'elle faisait son purgatoire sur la terre. Serait-il téméraire de penser que, dans la crainte que l'on ne s'autorisât de cela pour moins prier pour elle, Dieu a voulu qu'elle se manifestât d'abord à ses compagnes, puis à Prosper et enfin à un prêtre. »

Nous dirons, quant à nous, et ce sera la conclusion de cette étude, qu'il ne faut pas exciter l'imagination des malades, à l'approche de la mort. Il ne faut pas les suggestionner en évoquant devant eux ces images de souffrances rédemptrices et d'expiation nécessaires. L'être, dans l'au-delà, se réveille sur sa dernière pensée et il reprend le fil de la suggestion qui hante son esprit. Il faut agir en conséquence ; donnons-lui plutôt de la confiance et endormons-le dans la certitude de la miséricorde divine, cela sera beaucoup plus prudent.


CHAPITRE IX – la médiumnité

Ce ne sont pas seulement les phénomènes spiritoïdes qui se retrouvent dans les archives de toutes les religions, ce sont encore les intermédiaires indispensables à la communication occulte, les médiums.

On remarquera, dans la Bible, cette constante métonymie qui consiste à substituer le nom de Dieu à son intermédiaire. Dieu dit à Moïse..., on a vu Dieu toutes les fois qu'on a entendu son messager, son voyant, son prophète.

D'autre part la médiumnité est manifeste chez le jeune Samuel, qui se recouche par trois fois sans avoir compris, parce que : Samuel ne connaissait pas encore la voix de l’Eternel. Elle se rencontre aussi dans la voyance de Joseph, disant à son serviteur : Tu leur diras : n'est ce pas le gobelet dans lequel mon Seigneur boit et par lequel il devine infailliblement ? (Gen., xliv, v. 5-15). On n'a peut-être pas assez remarqué que la médiumnité trouvait là ses titres de noblesse.

Quoi d'étonnant à ce que Moïse, connaissant le mystère des temples d'Egypte, se soit servi de la médiumnité d'Aaron et de Marie la prophétesse, pour entrer en relation avec des puissances invisibles et qu'il ait traduit le résultat de ces consultations par ces mots : « Dieu m'a dit que..., Dieu vous ordonne par ma bouche » ? J'ai bien entendu, moi-même, certain jésuite développer cette théorie devant des enfants, disant : « Entre Dieu et vous, il y a vos parents ; vous devez leur obéir comme à Dieu lui-même ; or nous remplaçons vos parents qui nous ont transmis leurs pouvoirs, donc : c'est Dieu lui-même qui vous parle par notre bouche. » Moïse parlant à des peuples enfants, s'exprimait comme ce jésuite.

En ce temps-là tout le monde parlait avec Dieu, Abraham ne connaissait pas le Dieu de Moïse, chacun invoquait alors le dieu de ses pères ; son petit-fils Jacob était allé chercher une femme du côté de l'orient et la vague religion de ses ancêtres était quelque peu apparentée aux dieux d'Asie. Le dieu d'Abraham lui ordonnait d'immoler son fils ; en vain m'objectera-t-on que le sacrifice ne fut pas consommé, je ne retiens qu'une chose, c'est qu'Abraham parlait avec un Dieu qui ordonnait des sacrifices humains ; et la pratique était courante, puisque Moïse réitère souvent la défense de donner ses enfants à Moloch (Lev. xx). L'Eternel apparaissait comme un Dieu nouveau, plus puissant et meilleur que tous les autres. Le dieu d'Abraham était El-Shaddaï ; cette pluralité se trouve encore confirmée par la femme de Jacob qui emporte ses dieux en sortant de chez Laban ; et lorsque ces deux pasteurs font un pacte, ils jurent tous les deux, l'un par le dieu d'Abraham, l'autre par le dieu de Nacor. Notons encore que le beau-père de Moïse était un sacrificateur de Madian.

Dans le mystère du temple on conversait continuellement avec les dieux. Par quels moyens ? Ceci n'est plus un mystère depuis qu'on a déchiffré les hiéroglyphes Egyptiens, grâce à la merveilleuse sagacité de Jean-François Champollion, mort à la peine à l'âge de quarante-deux ans.

Il y a dans le culte, les lois, les institutions et les légendes bibliques de telles affinités avec le culte égyptien qu'il faut bien se rendre à l'évidence : Moïse n'a fait qu'adapter les rites anciens à une conception nouvelle de la divinité.

Nous avons vu le même phénomène se reproduire à la genèse des temps nouveaux, lorsqu'on jugea plus pratique de transformer les fêtes et les divinités païennes en cérémonies chrétiennes et d'en faire des symboles de la foi nouvelle.

Tous les dieux qui rendirent des oracles avaient des médiums. C'était les Pallacides chez les Egyptiens (épouses des dieux). C'était la pythonisse de Delphes, les sibylles des temples de Dodone et les augures d'Olympie. Il ne faut pas que les mots nous épouvantent ; dites-moi, je vous prie ; qu'est-ce que serait un prophète s'il n'était pas le médium de Dieu ?

Passe encore pour les grands prophètes, mais il y en a eu de petits ; sera-t-il interdit de penser que ceux-ci ne conversaient qu'avec des messagers célestes. Il ne me paraît pas niable qu'Aaron et Marie furent les médiums de Moïse qui tenta plus tard d'en instituer un plus grand nombre avec les soixante-dix hommes d'Israël, Moïse lui-même ne fait-il pas figure de médium en face du buisson ardent, comme saint Paul sera le médium du Christ devant la lumière de Damas ?

C'est donc le mystère des forces psychiques, lucides et clairvoyantes, qui se cachait au fond du tabernacle où tout homme d'Israël était forcé de comparaître. Mystère terrible devant lequel on accumulait des précautions et des menaces formidables, pour exercer un ascendant sur le peuple, il a réalisé de grandes choses.

Avoir tiré des temples de l'Egypte, où elle était alors enfermée, la vraie conception du Dieu unique, l'avoir divulguée et soutenue, jusqu'au jour où cette conception put s'enraciner sur les débris des vieux empires, voilà l'œuvre de Moïse et du peuple d'Israël, voilà la grandeur de leur mission. Et maintenant, serons-nous tenus de croire que c'est l'absolu lui-même qui se manifestait sur le monde ? Mais il y a les anges, les messagers, les esprits intermédiaires puisque, même les esprits menteurs peuvent devenir les messagers de Dieu.

Il ne faut pas croire que les lois qui régissent nos rapports psychiques ont été changées depuis les anciens temps, ce qui se faisait alors peut se refaire de nos jours, non sous la même forme, parce que cela ne répondrait plus à l'état actuel de notre mentalité, mais il pourrait se faire que des prêtres, possédant la science, et la sainteté, unis dans la prière, obtinssent de hautes révélations. Pratiquement rien n'est plus difficile que de constituer un tel groupe.

Cependant la médiumnité est réapparue dans la Science depuis qu'on a formé des sociétés contenant quelques-uns des éléments requis. Il est facile de comprendre que ces études, entreprises en dehors de toute préoccupation religieuse, aient commencé par l'examen des médiumnités les plus vulgaires. Toute étude vaut ce que valent les expérimentateurs. Celles de la Société des Recherches Psychiques de Londres constituent déjà un monument imposant en faveur de la communication avec les décédés et par conséquent de la survie ; celles de l'Institut Métapsychique International de Paris ont déjà établi la certitude mathématique, des manifestations physiques observées par les spirites. C'est un beau début.

Nous n'en sommes encore qu'à l'A. B. C. de la métapsychie parce que nous reprenons le problème par en bas et que, dans les milieux savants, on rencontre bien souvent des éléments hostiles qui paralysent tous les efforts en déclarant qu'il est parfaitement stupide d'étudier l'âme ; et que, d'autre part, l'esprit religieux trouve que ces faits manquent de prestige et ne veut voir que le côté décevant de la médiumnité.

Mais ce n'est là qu'une ressemblance de plus avec la médiumnité des saints et des prophètes, les théologiens sont obligés de convenir que, se croyant, par l'effet de l'habitude, sous l'action divine, les saints et les prophètes s'égarent en affirmant, au nom du ciel, des inspirations qui surgissent naturellement de leur esprit. C'est ainsi que Nathan prophétise que le temple va être construit par David, que Jérémie se plaint de ce que le Seigneur lui fait prédire des événements qui ne se réalisent pas (Ribet, t. ii, p. 348). Jonas s'irrite de ne pas voir la ruine de Ninive qu'il avait prédite.

Saint Jean de la Croix affirme que nous ne pouvons nous fonder sur les révélations divines parce qu'il est facile de nous tromper nous-mêmes. Alors ?... d'où qu'elles viennent la source des messages médiumniques est indiscernable ; cette difficulté qui embarrasse les théologiens nous laisse cependant d'accord avec eux puisque, comme eux, nous disons qu'il ne faut pas abandonner son jugement, qu'il faut juger ces messages comme nous pourrions juger les conseils d'un ami terrestre en ne tenant compte que de sa valeur intrinsèque. Cette valeur consiste, pour nous, dans la preuve d'identité de celui que nous croyons êtres un esprit humain, mais pour l'Eglise cette valeur consiste dans la provenance divine qu'elle couvre quelquefois de son autorité, ce en quoi elle se trompe.

A un tout autre point de vue nous étudions les manifestations physiques de la médiumnité, celles qui scandalisent les théologiens ; ceux-ci ne comprennent pas l'importance du fait animique qui, à lui seul, suffit à détruire l'édifice du matérialisme. Oui les lumières vues autour des médiums expliquent l'auréole des saints, les lévitations du corps humain réhabilitent les phénomènes mystiques et, quoique les théologiens s'en détournent, la médiumnité, jusque dans ses manifestations les plus grossières, est utile à la Science, elle explique les communications élevées en même temps que les divagations ; grâce à cette connaissance nouvelle nous savons qu'aucune hypothèse mécanique ou électrique ne pourrait expliquer certaines révélations précises, obtenues par le mouvement de tables et comme ces manifestations, lorsqu'elles sont spontanées, se produisent toujours à l'occasion d'un décès, nous sommes bien obligés de conclure que la force agissante n'est pas sans rapport avec l'âme du décédé. Les manifestations faibles ou incohérentes, celles où l'intelligence du médium ou d'un agent éloigné se reflètent visiblement, ne servent qu'à nous éclairer sur le processus du phénomène : Action de la substance extériorisée, obéissant à la direction inconsciente des personnes présentes ou éloignées, d'esprits conscients ou inconscients, etc.

Les théologiens ne se sont jamais placés à ce point de vue lorsqu'ils dénigraient nos phénomènes sous prétexte que le caractère divin leur faisait défaut. Mais les médiums supportent les expériences de laboratoire et c'est là leur plus grand mérite ; il faudrait les féliciter de leur constance car, en matière de contrôle, on les a soumis à des exigences et à des répétitions excessives. D. D. Home, par exemple, a dû y sacrifier une vie entière ; il a été, pour W. Crookes, un sujet d'étude et un élément de conviction sans réserves. Et, le croirait-on, c'est là ce qu'on lui reprochait en 1860. – « Je vous fais observer, écrivait alors le Père Pailloux, que ce qu'il a dit une fois, il se permet de le redire cinquante fois dans le cours de sa narration. Les prodiges qu'il a fait en Amérique il les refait en Angleterre, à Florence, à Naples, à Rome et à Paris. Il les raconte de Paris comme de Rome, de Naples comme de Florence, et d'Angleterre comme d'Amérique. Faites comme moi, prenez son livre, ouvrez-le au hasard, vous y trouverez invariablement à toutes les pages ce qui me tombe sous la main à la page 248. C'est le fragment d'une lettre adressée au rédacteur du Sunday Times :

« Il y a quelques jours qu'une société de sept personnes, y compris M. Home et deux dames, se réunit un soir autour d'une longue table ronde. Pendant un certain temps rien d'extraordinaire ne se passa, lorsque tout à coup une brusque secousse fit tressaillir la table, qui commença bientôt à se mouvoir et à osciller légèrement avec grâce, et de temps en temps s'élevait à un pied du sol. Au même instant des frappements étaient produits de tous côtés dans les murs, le plafond, le parquet et sous la table où s'était placé un des assistants, sur l'invitation de M. Home, pour s'assurer qu'il n'y avait là aucune supercherie. Après quelques triviales communications, je saisis une sonnette et la tins par-dessous la table, lorsque je vis, un instant après, en dirigeant mes yeux en bas (au moment où toutes les mains étaient sur la table), une toute petite main blanche qui commençait à jouer avec la mienne et à la caresser. Dès qu'elle eut sonné une ou deux fois dans ma main, je manifestai le désir que la clochette fût apportée à un monsieur d'en face, et ma demande était à peine formulée, que je sentis l'instrument enlevé à ma main pour aller dans celle de la personne en question. Ceci se répéta plusieurs fois. La main était douce et blanche comme celle d'un enfant, et parfaitement visible sous la clarté de deux becs de gaz. M. Home prit ensuite un accordéon, qu'il tint suspendu au bord de la table, et nous entendîmes la plus charmante, la plus mélodieuse, la plus doucement triste musique qu'il fût possible d'écouter. Je n'eus pas plutôt exprimé le désir d'entendre The last Rose of Summer (La Dernière Rose d'été) que ce morceau fut exécuté : l'instrument n'étant plus alors dans la main de M. Home, mais bien sur mon pied, où il était venu se placer. Bientôt nous vîmes successivement paraître des mains qui remuaient çà et là des meubles ; une d'entre elles, évidemment douée d'une grande force, toucha l'épaule de M. Home, qui s'écria tout à coup qu'une grande vigueur venait de lui être communiquée. Le fait était vrai, ainsi que nous allons le voir. M. Home se dirigea vers un énorme bloc de bois..., l'ayant pris sous son bras comme s'il se fût agi d'un fétu de paille, il fit ainsi le tour de la chambre, et puis déposa son léger fardeau près de la table. Il semblait n'avoir aucun poids pour lui ; mais lorsque deux messieurs apparemment doués d'une force respective de beaucoup supérieure à celle de M. Home, voulurent en faire autant, c'est à peine s'ils purent le remuer[19]...

« Une autre main apparut ; dès qu'elle toucha M. Home, celui-ci s'écria : « Ils m'enlèvent ; ne me regardez pas jusqu'à ce que je sois au-dessus du niveau de la table, car cela pourrait me faire descendre. » Un instant après M. Home flottait dans l'air, à cinq pieds environ du sol ; il effleura en passant une personne du cercle mais, en arrivant près de la croisée, il descendit légèrement à terre. – « Leur force, observa-t-il est à peine suffisante encore, mais dans peu je sais qu'il n'en sera plus de même. » La table, qui depuis quelque temps était immobile commença bientôt à se mouvoir, à se balancer violemment, et à se diriger vers un sofa placé à l'extrémité de la chambre, nous obligeant ainsi à la suivre dans son voyage. Nous avions à peine repris nos places sur nos chaises, quand notre attention fut attirée vers une petite table qui traversait la pièce, et qui, après beaucoup de difficultés, était parvenue à se lever et à se placer au milieu de celle autour de laquelle nous étions assis : « Moins de lumière terrestre », fut-il épelé ensuite ; nous éteignîmes aussitôt les deux becs de gaz, laissant aux flammes brillantes du foyer le soin d'éclairer la chambre : ce dont elles s'acquittaient consciencieusement. Tout à coup la petite main d'un baby apparut se détachant le long du bras d'un monsieur du cercle, et presque au même instant ce monsieur vit, entre M. Home et lui, la forme blanche d'un enfant. Etant naturellement très ami des enfants, il ne pensa pas autre chose sinon que ses goûts étaient devinés ; mais sur la demande de sa femme, si ce n'était pas l'esprit de son petit enfant défunt, une timide réponse fut donnée dans l'affirmative, et une clarté brillante apparut en même temps près du sofa, laquelle s'éteignit peu à peu, et finalement disparut. La petite table qui, on se le rappelle, était toujours sur la grande, commença alors à se mouvoir, et la même main qui avait communiqué à M. Home une force si extraordinaire, nous apparut encore se plaçant sur lui. Ses bras furent relevés par-dessus sa tête, ses pieds quittèrent le sol à deux pieds environ de hauteur, et il fut porté ainsi vers la croisée, où il s'éleva jusqu'à près de quarante centimètres du plafond. Après avoir flotté une ou deux minutes, il reprit terre ; mais, en s'approchant de sa chaise, il fut de nouveau soulevé et déposé sur la petite table, toujours placée au milieu de la grande. Une minute après, il s'élevait pour la quatrième fois dans l'air, toujours sur la petite table, à un pied environ au-dessus de la grande, et, après être resté un instant dans cette position, il reprit terre et se plaça de nouveau au milieu de nous. Tel est en peu de mots le récit de cette infiniment remarquable et satisfaisante séance.[20] »

Cela est aux yeux du théologien dépourvu de tout intérêt et cependant il en tire les déductions suivantes :

« Le caractère divin est inimitable et n'imite point ; c'est la raison pour laquelle le caractère diabolique est tout entier dans l'imitation : imitation de l'inimitable. La dignité vraie est inimitable à la bassesse ; et souvent, néanmoins, le vil esclave copie les manières et chacun des mouvements de son maître. Tels sont auprès des anges du ciel, auprès des saints eux-mêmes, les Esprits déchus de l'Enfer. »

Et plus loin le Père Pailloux continue : ... Les Esprits de Home ne vous paraissent-ils pas être de cette dernière catégorie ? Sans doute Elie fut transporté par les anges dans un char de feu : c'était un sublime prophète ; sans doute les saints ravis dans l'ardeur de la contemplation, furent, pour ainsi dire, transportés jusqu'au trône de Dieu : l'adoration élève l'âme, et il peut se faire quelquefois que les anges prêtent leurs mains au corps pour l'unir à cet élan d'amour : voilà des convenances mais M. Home botté, ganté, frisé, s'élève au clair de la lune, dans un salon, en disant aux spectateurs : « Regardez, voici que je m'élève ; n'ayez pas l'air d'y faire attention, les Esprits me laisseraient retomber ! » M. Home n'est pas dans les convenances du surnaturel divin. L'ange de la justice trace de sa main contre une muraille l'arrêt de Balthazar ; c'est le sublime de la terreur ; mais que me font à moi toutes ces mains fluidiques et gazeuses qui viennent se trémousser sur une table ? Qu'ont à chercher des âmes immortelles, qu'inondent les éternelles délices, sous une table, dans l'obscurité[21], folâtrant, lutinant, pressant les genoux à celui-ci, les épaules à un autre, et le cou à celle-là ? De telles âmes empruntent leurs manières aux réprouvés.[22]»

Ces citations suffiront, je pense à éclairer le lecteur sur la mentalité des pieux scolastiques. Evidemment nous ne pouvons pas comparer le merveilleux de Home, à celui de la Bible. Nous ne reprocherons pas au grand prophète Elie de s'être envolé au clair de la lune, parce que nous ne savons pas si la lune était pleine ce jour-là, mais quand nous aurons à examiner les cas des saints, il sera plus facile d’y trouver des analogies avec ce que nous venons de raconter. Dominique de Jésus Marie, à Madrid s'élevait ainsi légèrement de terre, de telle sorte que le roi Philippe II n'avait qu'à souffler dessus pour le faire mouvoir comme une bulle de savon[23]. Voilà ce qui répond sans doute aux convenances du surnaturel divin que réclame le P. Pailloux.

Lorsque Christine l'admirable était saisie par l'esprit, son corps se mettait à tourner en rond comme une toupie... elle se jetait dans des fours embrasés, dans des chaudières d'eau bouillante, ou bien dans la Meuse lorsqu'elle était gelée, elle se tenait debout sur la roue des moulins, y enlaçait ses mains et ses jambes, la nuit elle excitait tous les chiens de Saint-Frond[24].

Evidemment M. Home eut été pâle à côté du surnaturel divin, mais il a pour lui le mérite du contrôle expérimental, et par-là vous pouvez juger de l'admirable documentation que l'on posséderait avec les vies des saints, si elles n'avaient pas été expurgées et si chaque fait avait été observé avec la même méthode que ceux de Home et d'Eusapia.

De ces mêmes phénomènes M. le chanoine Ribet tire la seule conclusion logique : « Le spiritisme aboutit à une démonstration précieuse, savoir : à l'existence d'agents occultes en dehors de la matière... C'est la constatation expérimentale de l'esprit, de l'invisible, du supra humain ; et, du même coup, le renversement du matérialisme qui ne voit rien au-dessus de l'homme. »

« Le piquant de cette démonstration c'est qu'elle est due à des adversaires déclarés du spiritualisme et du surnaturel, à des représentants notables des sciences naturelles à des médecins... c'est par des faits palpables que les négateurs sont ramenés à l'affirmation de l'esprit et du miracle ; et les plus sincères d’entre eux en viennent à établir l'existence du monde de l'invisible... »

« Cette apparition de l'invisible autour de l'homme, au-dessus et au-delà, se fait sensible, éclatante, irrécusable dans les scènes spiritiques. Nous avons à ce sujet les aveux formels d'expérimentateurs en renom en cet ordre de phénomènes ; et leur témoignage est d'autant moins suspect qu'ils affectent, en le donnant, l'indépendance de toute préoccupation religieuse. »

Et l'abbé Ribet cite, ensuite, William Crookes, Paul Gibier[25], etc., comme nous avons l'habitude de le faire nous-même et de le répéter à satiété. Alors, quoi ? Ce que l'Eglise enseigne, le Spiritisme le prouve, jugez donc l’arbre à ses fruits.


CHAPITRE X – La réincarnation

L'hypothèse des réincarnations n'est pas seulement la plus compréhensible et la plus rationnelle de celles qui ont été mises en avant pour expliquer la destinée humaine, elle est encore la seule qui ne nous conduise pas à des conclusions absurdes ou impies.

Au point de vue scientifique, elle s'accorde avec la marche de nos évolutions ; au point de vue religieux, elle permet à la pensée de se dégager des erreurs antiques qui nous obligeaient de croire à l'infinie cruauté de Dieu.

Avec les vies successives il n'y a pas d'inégalités dans la destinée des êtres. Cette affirmation étonnera peut-être ceux qui font tenir toute la vie terrestre entre le court espace de temps compris entre le berceau et la tombe, mais, pour celui qui suit la trace du premier atome vivant dès sa sortie du limon terrestre et qui le voit s'élancer, comme notre système planétaire, vers un inconnu qui s'enfonce dans l'infini pour celui-là, tous les êtres ont la même destinée, les inégalités apparentes ne sont que les accidents circonstanciels d'une longue traversée qui, prise dans son ensemble, sera la même pour tous.

La vie est une expérience qu'il nous est loisible de recommencer jusqu'à ce que nous ayons trouvé le chemin du bonheur. Cette doctrine est très ancienne, elle apparaît dans les enseignements de Pythagore, de Platon, de Socrate ; dans les révélations de Jésus et dans la croyance des premiers chrétiens. Mais, par le Spiritisme moderne elle devient scientifiquement confirmée et, de nos jours, elle a déjà revu l'adhésion des esprits les plus éminents du monde philosophique et religieux.

On trouve des indices de la thèse réincarnationiste dans les textes de la Genèse, du livre de Job, du prophète Isaïe; la vocation des patriarches et des prophètes s'explique par la préexistence ; cette idée apparaît constamment dans la Bible ; l'hypothèse de 1a réincarnation d'Elie en la personne de Jean-Baptiste est une de celles qui réapparaissent dans les quatre Evangiles. Or, si l'on en excepte les récits de la Passion, il n'y a pas beaucoup d'épisodes qui se trouvent dans ce cas.

Certains docteurs croyaient que Jésus était une réincarnation d'Elie ou de Jérémie (Matthieu, ch. XVI, v. 14 ; Marc, ch. VIII, v. 28 ; Luc, ch. IX, v. 19). Cette réincarnation d'Elie était si bien attendue des Juifs qu'elle est l'objet constant de leurs préoccupations. Ils envoient des messagers pour questionner Jean-Baptiste (Jean, ch. I, v. 21). Et toutes les fois que, dans l'évangile, il est fait allusion aux réincarnations, Jésus ne fait jamais rien pour réfuter cette hypothèse, il y adhère implicitement. Est-ce pour ses péchés, lui demande-t-on, que cet homme est né aveugle ? Pour naître avec des péchés il faut avoir vécu auparavant. Quand Judas est venu au monde, une malédiction pesait sur lui dès avant sa naissance.

Jésus ne pouvait pas réfuter une doctrine qu'il enseignait lui-même dans le secret (Jean, ch. III, v. 7). Et, s'il est possible de ratiociner sur le sens de la conversation avec Nicodème, toute ambiguïté disparaît au verset 12, où, Jésus dit : « Je viens de vous parler d'une chose terrestre lorsque je disais qu'il faut que vous naissiez de nouveau, et vous ignorez cela ! Que sera-ce donc lorsque je vous parlerai des choses célestes ! »

Mais la reconnaissance formelle des réincarnations se trouve à propos de Jean-Baptiste (Matthieu, ch. XI, v. 14) : « Et si vous voulez recevoir ce que je vous dis, il est cet Elie qui devait venir. » Cette parole est formelle et rend impossible toute contestation ; l'affirmation est répétée au chapitre XVII, v. 12 et 13 : « Je vous dis qu'Elie est déjà venu... » Et alors les disciples comprirent que c'était de Jean qu'il leur avait parlé.

Or, ceci est le commentaire du texte sacré. Ce n'est plus une parole légère qu'on pourrait, à la rigueur, attribuer à quelque imprudence du narrateur ; non, c'est, ici, la révélation même, c'est le texte sacré que le verset 13 souligne et interprète. On sait avec quel soin méticuleux on a expurgé, dans les évangiles, tout ce qui pouvait provenir de source apocryphe. Il nous faut admettre l'explication ; car, si ce texte est récusable, aucune parole de l'Evangile n'aura plus d'autorité.

Nous voyons, d'ailleurs, dans la Bible, que cette réincarnation d'Elie est la preuve exigée de tous pour croire à la mission de celui qui doit venir. Il faut remarquer aussi la parole du prophète Zacharie avant la naissance de Jean-Baptiste : « Il vivra dans l'esprit d'Elie » ; ce qui pourrait s'interpréter : C'est l'esprit d'Elie qui se manifestera dans Jean-Baptiste.

On ne comprend donc pas qu'un catholique puisse conserver des doutes sur cette ancienne tradition, qui subsiste d'ailleurs parmi les pères de la primitive Eglise, tout au moins à l'état d'hypothèse admissible.

Mais cette doctrine tire sa force principale de la solution satisfaisante qu'elle apporte à une foule de difficultés d'ordre philosophique et religieux que, sans elle, il serait impossible de résoudre.

L'harmonie que nous devons nécessairement attribuer aux œuvres de la création divine ne permet pas de supposer autre chose qu'une lente évolution des âmes émanées de Dieu ; son œuvre serait vraiment incohérente s'il créait instantanément des idiots et des enfants mort-nés. Il n'y a que la préexistence et la germination tardive qui puissent expliquer les infériorités intellectuelles ou morales, ainsi que l'inégalité des conditions et des épreuves. Il n'y a que le retour à la vie qui puisse remédier aux accidents inévitables dans une nature troublée par notre ignorance native et le mauvais usage que nous faisons de notre liberté. Si les enfants mort-nés ont manqué leur entrée dans la vie ils y rentreront par une porte nouvelle. Et si nous cherchons des preuves expérimentales de la renaissance nous les trouvons plus facilement chez ceux qui sont morts jeunes et qui se réincarnent immédiatement ; ils semblent n'avoir point traversé les eaux du Léthé, ils retrouvent quelques souvenirs de leur vie antérieure.

D'un autre côté aucune conception n'est plus incompréhensible, ni plus sotte, que celle qui suppose l'apparition spontanée d'une âme sans antécédents, flottant entre le ciel et l'enfer et, dans l'espace de quelques années, jouant son éternité. Cette impiété, qui fait de Dieu un criminel bourreau, l'obligerait à créer des âmes en collaboration avec les hommes, et il sanctionnerait ainsi le viol et l'adultère, créant beaucoup plus pour l'enfer que pour le ciel.

Au contraire si nous considérons Dieu comme la source perpétuelle des âmes qui naissent librement nous comprenons l'évolution toujours ascendante et, là, nous rencontrons une justice parfaite, parce que la vie actuelle n'est plus qu'une conséquence de nos vies antérieures, c'est nous-mêmes qui, dans notre ignorance première, avons péché ; ce n'est plus le père Adam c'est toute l'humanité qui passe par cette nécessité inéluctable, il n'y a pas d'autres progrès que celui conquis par l'effort ; et Dieu nous a donné, pour cela, le temps et la liberté.

A cette lumière les objections tombent et bien des choses s'éclaircissent. On découvre, dans l'Evangile, un sens profond à des paroles qui passaient inaperçues.

Ainsi : « ce n'est qu'à la fin du monde que l'ivraie sera séparée du froment. » Matthieu, ch. XIII, v. 39. Nous avons donc jusque-là, en dernière ressource pour progresser dans les épreuves successives qui nous attendent et lorsque Jésus, s'adressant aux docteurs de la loi, leur dit (Ch. XXI, v. 31) : « Les femmes de mauvaise vie vous précéderont, dans le royaume des cieux, » ce n'est pas que Jésus promettre le royaume des cieux aux femmes de mauvaise vie, mais elles en sont peut-être moins éloignées que les docteurs pétrifiés dans la lettre des lois. Comme toute créature a le moyen de parvenir à la fin à laquelle elle est destinée, celles-là y arriveront les premières parce que, au cours des épreuves renouvelées, elles, seront devenues des vierges pures, ou des mères dignes de récompenses.

Voilà ce qui est facile à comprendre et ce que nous enseigne la philosophie rationnelle du spiritisme. Les châtiments et les récompenses sont proportionnels aux œuvres et Dieu n'intervient pas comme bourreau ; c'est dans sa liberté que l'homme s'éloigne ou se rapproche du but, mais il faut qu'il naisse de nouveau s'il n'a pas suffisamment profité de la vie présente. Dans ce cas il sera rendu à la terre où va germer une moisson nouvelle.

Cela est grand, cela est juste, cela est beau ; et c'est avec plaisir que nous constatons que, depuis saint Augustin, Grégoire de Nysse..., etc., l’Eglise n'a jamais désavoué cet idéal. Bien au contraire, des évêques s'y sont ralliés ; nous pourrions en citer plusieurs, citons au moins ces paroles de Mgr Passavali, vicaire de la Basilique de Saint-Pierre de Rome :

« Il me semble que, si on pouvait propager l'idée de la pluralité des existences pour l'homme, aussi bien dans ce monde que dans d'autres, comme un moyen admirable de réaliser les desseins miséricordieux de Dieu dans l'expiation ou purification de l'homme, dans le but de le rendre digne de lui et de la vie immortelle des cieux, on aurait déjà fait un grand pas, car cela suffirait à résoudre les problèmes les plus embrouillés et les plus ardus qui agitent actuellement les intelligences humaines. Plus je pense à cette vérité, plus elle m'apparaît grande et féconde en conséquences pratiques pour la religion et pour la société. » Louis, archevêque.

C'est, en effet la solution unique, toute autre conduit à l'athéisme ou à l'impiété. Aucune institution ne pouvant vivre dans l'immobilité nous espérons que l'Eglise se décidera à faire ce grand pas, elle donnera ainsi un signe de vie attendu avec anxiété.

Si nous nous tournons, maintenant, du côté des preuves expérimentales, nous rencontrerons des faits qui confirment assez sérieusement l'hypothèse des vies successives.

« Les vivants, disait Socrate, ne naissent que des morts. »

Les nouveau-nés, en effet, ne sont que des morts qui, après avoir quitté leur ancien vêtement, reparaissent dans une substance neuve ; et, si l'oubli des vies antérieures est la règle générale il y a cependant des exceptions pour ceux qui se réincarnent avant d'avoir subi, dans l'au-delà, les transformations qui causent la perte de la mémoire.

L'oubli du passé n'est jamais absolu, rien ne se perd, l'incarnation ne fait qu'obnubiler une certaine partie de nos souvenirs, la meilleure lucidité des sujets hypnotiques vient de ce qu'ils peuvent rétablir les voies de communications avec des régions ignorées. Dans cet état ils retrouvent des traces partielles de leur vie passée. Ces expériences ne sont pas toujours probantes, mais toujours elles tendent à confirmer l'hypothèse.

La véritable preuve se rencontre dans les cas exceptionnels où les enfants n'ont fait qu'un court séjour sur la terre et où ils recommencent une opération manquée. Dans ces conditions exceptionnelles ils reviennent de l'au-delà avec certains souvenirs, ce qui leur permet de rappeler des faits qui constituent une preuve très nette de leur identité.

Les grands journaux qui, cependant, mettent tant de mauvaise grâce à mentionner les expériences spirites lorsqu'elles sont conduites par des savants, les citent pourtant dans leurs faits divers lorsqu'ils arrivent à émouvoir l'opinion publique.

Le Journal a raconté en 1907 que la population anglaise de Rangoon avait été mise en émoi par la réincarnation d'un enfant qui racontait avoir été le major Welsh, mort en 1903, et ce bambin âgé de trois ans, décrivait avec force détails l'habitation de l'officier défunt ainsi que les circonstances de sa mort.

Un peu plus tard les journaux anglais, Indiens et Italiens signalaient un cas semblable ; celui d'un enfant de quatre ans qui disait avoir été un inspecteur de police, du nom de Fucker, qui avait été tué d'un coup de fusil tiré à bout portant tandis qu'il poursuivait des bandits. L'enfant racontait d'autres épisodes de la vie de cet inspecteur et une foule énorme de curieux venait écouter le récit de ce bambin.

Ces faits prouvent, tout au moins, le peu de valeur de cette affirmation, souvent répétée, que les faits de réincarnation n'apparaissent jamais chez la race anglo-saxonne. Il est possible que la mentalité anglaise n'accepte pas facilement cette hypothèse, mais, dans la phénoménologie, la réincarnation reparaît toujours. Blake, un grand artiste et voyant, non seulement était réincarnationiste mais il affirmait avoir été lui-même quelque chose comme un disciple de Socrate. Un auteur anglais bien connu, Florence Marryat, était une réincarnationiste convaincue ; Katie King a parlé de ses existences antérieures et Stainton Moses, un homme de haute culture et d'une moralité exemplaire, l'instigateur du mouvement spiritualiste en Angleterre, parle dans ses Enseignements Spiritualistes de la nécessité d'une nouvelle vie terrestre, pour de nombreux esprits. Comme on le voit l'objection de nos adversaires n'a pas une grande valeur.

D'ailleurs nous avons des preuves bien remarquables et qu'il serait impossible d'expliquer autrement que par le fait d'un recommencement d'existence.

Ainsi le cas de M. Isaac Foster, demeurant à …, comté d'Effingam.

Ayant perdu une petite fille, il alla se fixer au Dakota où il eut une nouvelle fille qu'il appela Nellie, mais qui refusa obstinément de porter ce nom en prétendant qu'elle s'appelait Maria, du nom qu'a portait le premier enfant, M. Foster n'avait jamais remis les pieds à son ancienne résidence, lorsqu'il y retourna, emmenant avec lui Nellie alors âgée de neuf ans. Là elle reconnut sa demeure et même des personnes qu'elle n'avait jamais vues. Mais ce qu'il y eut de plus extraordinaire c'est qu'elle demanda à revoir l'école qui se trouvait à un mille de là et, comme elle fit une exacte description de la maison d'école que Maria avait fréquentée, son père l'y conduisit. Elle se dirigea immédiatement vers le bureau que celle-ci avait occupé en disant : Voici le mien.

Des faits similaires se sont produits plusieurs fois et je puis encore en citer deux qui sont plus près de nous.

Le premier communiqué à la revue de Rome Ultra, par le capitaine F. Battista, est le cas d'une fillette qu'il avait perdue et qui apparut à sa mère toute joyeuse et, à celle-ci bien éveillée, annonça : Maman, je reviens !

« A cette époque, écrit le capitaine, j'aurais traité de fou celui qui m'aurait parlé de réincarnation. Six mois plus tard ma femme donnait le jour à une petite fille qui ressemblait en tous points à celle qui était morte. » Je passe sur de remarquables similitudes parce qu'on pourrait les attribuer à la parenté d'origine, mais j'arrive au fait.

La petite étant arrivée à l'âge de six ans, les parents, italiens tous les deux, entendirent chanter en français dans la chambre de leur fillette.

D'abord ils ne comprenaient pas, mais ayant fini par s'émouvoir ils entrèrent dans la chambre. Là, assise sur son lit, l'enfant chantait avec un accent français très prononcé une sorte de cantilène que personne ne lui avait apprise. C'était la berceuse dont une domestique française berçait l'autre neuf ans auparavant. A la mort de l'enfant qu'on avait perdue cette domestique était retournée dans son pays et, pour ne pas raviver le souvenir de ce deuil pénible, le chant en question avait été rigoureusement proscrit. Depuis, il était complètement sorti de la mémoire des parents.

L'enfant, interrogé pour savoir qui lui avait appris cette chanson répondit : « Je ne l'ai pas apprise, je la sais toute seule. »

« Le lecteur croira ce qu'il voudra, ajoute le capitaine Battista ; pour moi la conclusion est claire : les morts reviennent. »

Le second cas est encore plus remarquable parce qu'il est arrivé à un médecin qui en a fait une observation sérieuse. La voici résumée d'après les Annales des Sciences psychiques, années 1911 et 1912 :

En 1910, le Dr Samona avait perdu une petite fille nommée Alexandrine. Trois jours après elle se manifestait à sa maman : « Maman, ne pleure pas, je ne t'ai pas quittée..., maintenant je vais devenir petite comme cela. » Et, ce disant elle lui montrait un petit embryon complet, ajoutant : « Tu devras commencer à présent à souffrir une autre fois pour moi. » Ce rêve se répéta trois jours après, mais la pauvre mère n'y croyait point car, à la suite d'un avortement suivi d'opération elle se croyait sûre de ne plus être enceinte. Un jour qu'elle se lamentait amèrement, trois coups secs et forts, entendus de tous, retentirent contre la porte et, le soir même, on essaya de la typtologie.

Dès ce premier essai la petite se présenta avec une parente qui se donna pour son guide et chef : « Ma petite mère, ne pleure plus, car je commencerai tout de suite à renaître par toi et, avant Noël je serai avec vous..., papa chéri, je reviendrai, petits frères je reviendrai... » Et ainsi de suite pour chacun de ses parents. Dès le début elle indiqua que ses communications ne dureraient pas plus de trois mois, car elle serait attachée à la matière et elle tomberait en sommeil. Enfin dans une dernière séance la petite déclara : « Maman, il y en a une autre. » Comme on ne comprenait pas, le guide intervint : « L'enfant ne se trompe pas, mais elle ne sait pas bien s'exprimer ; un autre être voltige autour de toi qui veut aussi revenir sur la terre. »

Cela ne fit qu'augmenter l'incertitude. La mère ne croyait pas pouvoir être enceinte, elle craignait un nouvel avortement, trop de probabilités contraires faisaient craindre la désillusion.

La mère, vivant toujours dans les larmes, reçut un nouvel avis : « Prends garde, maman, si tu continues à être si triste, tu finiras par nous donner une constitution peu solide. »

Au mois d'août, qui était le cinquième de la grossesse, le Dr Vincent Cordaro visita Mme Samona et déclara spontanément qu'il soupçonnait la présence de deux jumeaux. Le septième mois survint une nouvelle terrible qui fit craindre un accouchement prématuré. Le danger passé, un spécialiste, le professeur Giglio, diagnostiqua à son tour deux jumeaux, le sexe restant douteux, mais le 22 novembre naquirent les deux fillettes.

Maintenant la réalité d'une réincarnation se trouve confirmée par le Dr Samona qui, à plusieurs reprises, a publié ses observations. Les deux jumelles ne se ressemblent pas, mais la seconde Alexandrine ressemble étonnamment à la première ; quant aux caractéristiques de la mentalité et des sentiments elles sont identiques, et ces ressemblances se trouvent aussi dans le maintien et d'autres particularités remarquables.

Par exemple, dans la villa isolée et silencieuse où habite la famille, si une lourde voiture vient à faire trembler le sol, Alexandrine se cache dans les genoux de sa mère, comme le faisait la première ; comme l'autre elle parle d'elle-même à la troisième personne : « Alexandrine s'épouvante. » Elle a la même terreur du barbier quand elle l'aperçoit..., etc. Sa petite sœur Maria-Pace ne partage pas ces terreurs.

D'autres observations rendent la ressemblance si complète que le rapport du Dr Samona se termine par cette comparaison : « Le déroulement de la vie de l'actuelle Alexandrine, pour ce qui regarde l'image, les habitudes et les tendances, est comme si l'on déroulait à nouveau, devant nous, le film cinématographique ayant déjà fonctionné avec la vie de l'autre. »

Comme on le voit les faits observés sont assez significatifs pour nous permettre de travailler sur cette hypothèse, la seule raisonnable, celle d'une individuation lente, s'incarnant et se réincarnant dans des formes qui s'adaptent de mieux en mieux aux besoins de l'être.

Il n'y a qu'une création digne de Dieu, c'est celle résultant d'une action permanente, éternelle, créant les possibilités inépuisables qui permettent à tout être de se constituer et d'évoluer dans sa liberté.

Dans cette conception, le contrôle expérimental vient encore au secours de notre hypothèse. L'existence d'un corps invisible, le Périsprit, nous aide à comprendre le processus des naissances, car il apparaît comme un champ de force extériorisable, capable d'agir sur la matière pour reconstituer des organes.

Enfin, la contre-épreuve expérimentale nous est fournie par le phénomène de matérialisation que l'on peut analyser, car il crée sous nos yeux, cette substance vivante qui passe de l'invisible au visible et qui se manifeste à des degrés variables de densité.

L'âme n'étant jamais nue, ayant toujours à son service les modalités nouvelles de ce corps invisible, on comprend qu'elle puisse se dégager du corps, stagner dans l'invisible et faire appel à des éléments nouveaux pour se réincarner.

Mais la matérialisation spirite ou expérimentale n'étant qu'une action momentanée ne peut produire qu'une cohésion éphémère. Il faut, pour se réincarner, que la force psychique de l'être forme ce champ magnétique autour des organes de la mère pour construire selon les voies normales, qui sont celles de la germination, un organisme capable de vivre lui-même de la vie physique.

La matérialisation vraie exige, cependant, le concours des invisibles. Nous sommes trop loin des faits et pas assez documentés pour savoir comment Agnès, Thècle et Marie se matérialisaient devant saint Martin, mais nous trouvons plus près de nous, dans l'histoire des saints, quelques cas de matérialisations indubitables. Par exemple, celle par laquelle sainte Catherine de Sienne extériorisait l'image d'un homme barbu que son confesseur prenait pour le Christ. Ce phénomène s'expliquerait fort bien par le concours des entités de l'au-delà, avec lesquelles la sainte, vivait en communion spirituelle, et qui désiraient sans doute produire un miracle édifiant pour l'époque, et dans lequel il est facile de reconnaître le phénomène que nous connaissons aujourd'hui.

La matérialisation n'implique nullement la présence réelle de la personne qu'elle représente, toutefois cette manifestation est possible. Le grand intérêt qu'elle nous offre est surtout dans le côté expérimental qui vient nous prouver que les formes organiques sont des créations psychiques, que l'âme humaine « participe de la puissance créatrice de l'organisateur de l'Univers, comme le dit Gabriel Delanne ; car, que ce soit l'esprit d'un désincarné ou celui du médium extériorisé, le phénomène n'en est pas moins grandiose et semble démontrer que réellement, en nous, existe une partie infinitésimale de la cause première, quelle qu'elle soit, qui a engendré les merveilles de l'éternel Cosmos[26] ».

La doctrine des vies successives est appelée à régénérer l'humanité, en modifiant des conceptions surannées qui ne sont plus acceptables. Elle apporte aux énigmes de la vie une solution rationnelle et satisfaisante. Elle appartient à la tradition, à la révélation chrétienne, à la philosophie et elle appartiendra bientôt à la science. Sortis du limon de la terre, ou nés dans l'obscurité, comme dit saint Paul, nous marchons tous vers la lumière. Ayant tous le même chemin à parcourir, les mêmes épreuves à traverser, nous retrouvons là l'égalité dans une justice parfaite.

Il n'y a plus d'autres châtiments que ceux que nous nous infligeons nous-mêmes et le chemin sera plus long pour celui qui s'égare dans les sentiers perdus. Les douleurs et les dénis de justice dont souffrent des innocents ne sont plus des énigmes indéchiffrables puisqu'elles sont les œuvres des hommes, Dieu n'est plus un bourreau.

Et puis si nous admettons une direction spirituelle pour régir le grand mystère de la vie, nous pouvons bien admettre que des guides d'un ordre plus élevé agissent sur nous comme le magnétiseur agit sur son sujet par des suggestions prénatales. Ainsi l'ange gardien, en suggérant l'oubli dans la vie nouvelle, pourrait nous imposer certaines épreuves ou certain idéal en rapport avec le passé que nous avons à corriger ou la vertu que nous devons acquérir. Et dans cet ordre d'idée ce serait une loi très sage que celle qui nous imposerait l'oubli, puisqu'il suffit d’imaginer une société où ce souvenir subsisterait pour en comprendre l'impossibilité. Les réincarnations avec le souvenir des fautes commises et des injustices subies ne feraient que perpétuer les malentendus, augmenter les haines et les désirs de vengeance. Il y aurait des témoins qui ne pardonneraient pas et il y aurait les faux témoins pour vous accuser et vous convaincre d'avoir été, dans l'incarnation dernière, un suppôt de Satan.

Pour vivre de nouveau il faut faire peau neuve, c'est le cas de le dire et, sans l'oubli, la vie du nouvel honnête homme ne serait plus possible.


CHAPITRE XI – Le périsprit

Pour la preuve de l'existence d'un agent intermédiaire entre l'âme et le corps, le périsprit des spirites, l'histoire des saints serait une précieuse source de documentation. Mais on ne croit plus à ces histoires trop souvent légendaires, ou que leur exagération a fait repousser comme absurdes.

Le spiritisme a démontré que cette absurdité n'était qu'apparente et que le pouvoir de l'homme se manifeste en dehors de ses limites corporelles.

Si le corps intermédiaire n'existait pas, aucun miracle des saints n'aurait pu se produire, car les nombreuses manifestations qui servirent de base aux procès de canonisation sont dues aux activités de ce corps extériorisable et sans lequel aucun rapport ne pourrait s'établir entre la terre et le ciel.

Beaucoup de saints ont été de grands médiums : Saint Martin de Tours, Saint Grégoire, François d'Assise, Marie d'Agreda, Jeanne d'Arc Catherine de Sienne, Rose de Lima, le curé d'Ars, pour ne citer que ceux-là ; tous ont vu se produire autour d’eux des mouvements d'objets sans contact, des coups frappés, des dédoublements, des matérialisations et autres phénomènes que l'on s'empresse de déclarer absurdes, lorsqu'ils se produisent aujourd'hui chez les spirites.

Ne serait-il pas plus simple de reconnaître que le périsprit était l'agent de toutes ces merveilles qui se manifestaient, autour des saints, avec une puissance incomparable.

Nous connaissons aujourd'hui l'existence de ce corps invisible à qui la télépathie donne des ailes, et l'on ne peut plus se soustraire aux conséquences des faits que le spiritisme a mis en évidence. Le scrupule n'est plus de mise devant la lunette de Galilée. La reconnaissance du corps astral s'impose.

Du moment que le corps invisible est devenu une réalité physique, nous avons le droit de l'étudier, de l'analyser, de chercher comment il s'adapte aux effets mécaniques auxquels tend la volonté qui l'utilise, comme nous avons le droit, devant une locomotive, de nous demander comment la chaleur est transformée en mouvement par la vapeur d'eau.

Le corps périsprital contient tous les secrets de la vie physique. En contact avec l'âme, dont il perçoit les directives, il anime les corps de même que la vapeur d'eau sous l'influence de la chaleur active le piston. Il est le médium de la manifestation terrestre et, comme la vapeur d'eau, il ne nous donne, par lui-même, aucune idée du foyer d'incandescence spirituelle d'où lui vient la force initiale. Il est mû par une volonté consciente, il épouse les formes du corps, mais il n'en est pas solidaire ; enfin il se comporte comme une substance idéoplastique, c'est-à-dire qu'il crée des formes pensées, là est le secret de la mystique et celui de la médiumnité.

Quand il s'extériorise, il se projette au dehors sous la forme de rayons rigides qui peuvent exercer sur les objets une action mécanique. Ainsi fait-il dans les tables dont les païens se servaient déjà, mais les premiers chrétiens s'en servaient aussi pour leur répondre, ce qui prouve que ceux-ci considéraient la table comme un oracle animé par une puissance supérieure à celles que consultaient les païens. Je n'ai pas besoin de rappeler les passages de Tertullien qui en font foi. Aujourd'hui nous ne regardons plus la typtologie comme un oracle, mais comme un puissant moyen d'investigation et un sujet d'études. Et nous ne l'acceptons plus comme un miracle, parce que nous savons que les rayons rigides que projette le corps invisible constituent un levier plus ou moins puissant et que les volontés expectantes peuvent influencer les réponses. Mais ce ne sont pas les théologiens qui ont éclairci la question, ce sont bien les spirites.

Le 15 septembre 1870, une statue de saint Dominique fut soulevée d'avant en arrière et de gauche à droite comme une simple table ; cela se passait dans un couvent de religieux, à Soriano, en Italie, et l'évêque du lieu proclama le fait, surnaturel et miraculeux. Si on veut signifier, par là, que c'est une manifestation d'esprit, nous sommes d'accord, le fait s'est produit devant soixante personnes, mais l'approbation épiscopale prouve tout au moins que le phénomène est de bon aloi et qu'il est permis de l'observer. Aux origines du christianisme, c'était des colonnes de marbre, ou même des montagnes, qui se lévitaient ainsi, mais il est permis de croire que la légende a exagéré. Quant aux coups frappés ils sont extrêmement fréquents dans l'histoire des Saints, et c'est par ce moyen que les âmes du purgatoire se rappellent à l'attention de ceux qui, sont disposés à prier pour elles. Mais les âmes du purgatoire ce sont des esprits, et quand ces coups se répètent à l'occasion d'un décès, il n'est pas interdit d'entrer en rapport avec elles, puisque les Saints nous en ont donné l'exemple et, même après avoir été délivrées par leurs prières, ces âmes reviennent quelquefois, assidûment, pour les remercier ou leur faire les révélations les plus utiles.

Cette faculté du corps invisible, de solidifier en quelque sorte les projections idéoplastique, est protéique, elle se prête aux effets mécaniques auxquels tend la volonté qui l'utilise.

Le corps invisible n'est donc pas la cause des phénomènes, il en est le moyen, la forme dynamique ; c'est d'une volonté quelconque qu'il reçoit une direction, et comme le mystère se trouve dans la difficulté de déterminer cette volonté. On explique tout par le subconscient, ce qui n'a aucun sens et n'explique rien. Eusapia ouvre une serrure ou tourne une clef sans la toucher de sa main visible, c'est que son organe invisible a produit cette action sous l'influence d'une volonté qui peut être la sienne ou celle d'un aide invisible, peu importe pour une séance expérimentale où l'on cherche d'abord à établir le fait. Mais nous connaissons les processus physiologiques de cette action extraordinaire et il n'y a pas lieu d'en imaginer un autre lorsqu'un saint, ayant perdu la clef d'un coffret ou d'un reliquaire opère de la même manière, en simulant avec ses doigts le geste de tourner la clef dans la serrure. Ici la Religion veut voir l'action divine, mais l'action divine est partout agissante et, sans avoir la prétention de supprimer le mystère, la science spirite a découvert la forme mécanique suivant laquelle le phénomène opère. Ochorowiez a prouvé l'existence des rayons rigides au moyen d'une expérience très simple. Sous un verre renversé il a placé un petit tas de poudre très fine ; deux pièces de 10 centimes servaient de cales pour livrer passage aux rayons solides, et le médium plaçant ses deux mains de chaque coté du verre, a pu en révéler la trace rendue visible lorsque le fil qui s'étendait de l'une à l'autre main entrait en contact avec la poudre.

On voit, par là, que si l'interprétation était du domaine de la religion, ses solutions ne portent pas toujours les marques d'une bonne inspiration. Pour ouvrir les portes sans clef le désir suffit, Catherine de Sienne ouvrait et fermait les portes à volonté ; d'autres, comme les stigmatisées du Tyrol, les empêchaient de s'ouvrir quand la clef était dans la serrure. Mais cela n'a été obtenu que par des saints ou des saintes qui avaient donné des preuves incontestables de leurs facultés ! médiumniques très puissantes Marie d'Agréda voulant ouvrir un coffre pour faire l'aumône, son père lui en refusait la clef :

« Ouvre ce coffre si tu peux », lui dit-il. Et elle ouvrit la serrure avec autant de facilité que si elle en avait eu la clef. Les spirites ne nient pas que cela ne puisse se faire avec le concours de puissances invisibles, ils croient même que ce concours est absolument nécessaire, mais quand on leur dit que c'est là du spiritisme sans esprits, on fait tort à l'Eglise qui voit, là, un miracle de l'intervention divine.

De même, lorsqu'on soutient que la prédiction de l'avenir est un signe certain de l'intervention divine parce que cette puissance ne saurait être attribuée au démon, on reconnaît par là même que le Spiritisme n'est pas indigne de la faveur divine, puisque les divinations et les prémonitions dont il a recueilli les preuves les plus incontestables et les plus scientifiquement établies, forment le fonds le plus riche de sa documentation.

Pour en être convaincu il suffira de lire le chapitre de C. Flammarion[27] qui traite de la connaissance de l'avenir ; on y trouvera des prédictions beaucoup plus frappantes que celles mentionnées dans les vies des saints.

L'action à distance est fréquente chez les mourants qui se manifestent là où est le siège de leur affection ; mais voir à distance est un fait qui peut s'interpréter de deux manières différentes, selon que le sujet franchit les distances par ses propres facultés psychiques, ou qu'il perçoit les images transmises par un agent éloigné, ce qui arrive dans les cas de morts violentes. Que de mères et d'épouses, durant la dernière guerre, ont perçu l'image ou senti le choc des morts violentes à l'heure même où les leurs étaient frappés. Du côté expérimental il n'est plus permis de nier la voyance de certains médiums et la vue à distance est un phénomène trop bien étudié pour que les théologiens persistent à y voir tantôt l'action divine et tantôt l'action prestigieuse du tentateur.

Le corps périsprital est indispensable pour expliquer l'action à distance, le dédoublement corporel dont la photographie nous donne une preuve irrécusable. Gœrres assure avec raison qu'il est l'image de l'âme qui réside en lui, le spectre de l'âme, dit-il, dont la chair n'est que l'enveloppe plastique. On voit, par là, que la simple observation des faits a conduit ce théologien aux mêmes conclusions que les Spirites. Il rapporte le cas de Marie Goffe à son lit de mort qui, obsédée du désir de revoir ses enfants, alors à neuf milles du lieu où elle expirait, y réussit pleinement. La bonne qui veillait sur les enfants vit, pendant environ un quart d'heure, son apparition corporelle, qui se dissipa dès qu'elle prononça les paroles : Au non du Père, du Fils et du Saint-Esprit, qui es-tu ? Une voisine courut, au matin, vers la malade ; la mère raconta aussitôt que sa fille, alors qu'on ne savait si elle était morte ou vivante, avait déclaré, sitôt revenue à elle, qu'elle avait vu ses enfants.

Le curé du lieu fit une enquête auprès de la bonne et des voisins, auprès de l'ecclésiastique qui était venu le soir et de la garde-malade qui l'avait veillée ; tous étaient des personnes intelligentes, calmes, incapables de tromper... etc.[28]

Nous avons encore des exemples classiques de dédoublements dans le cas de l'abbé Steinmetz et dans le cas d'Emilie Saget ; mais surtout dans un document communiqué à M. de Rochas, une photographie qui nous montre le double d'une jeune fille, apparue spontanément sur deux épreuves successives, l'image a évolué pendant le court espace de temps qu'il fallut pour retourner le chassis. C'est-à-dire que les deux aspects identiques d'un fantôme ne sont plus superposables.

Après cela, le père Mainage peut nous accabler de sa Summa Theologica, question CXVII, etc., le texte de saint Thomas ne résistera pas à la photographie. Le Père Mainage tient surtout à démontrer que l'âme sortie de son corps ne peut plus le mouvoir, ou ne peut plus y rentrer. Soit, mais la forme éthérique peut s'extérioriser sans abandonner le corps complètement. Or c'est sur la force éthérique que l'âme agit et cette force, tout comme l'électricité, peut mouvoir les corps. Direz-vous que l'âme ne peut pas manier une force ? Si entre l'âme et le corps il y a une forme éthérique toute objection disparaît.

D'ailleurs la médiumnité, puisque c'est elle que veut combattre le père Mainage, ne consiste pas à remuer des cadavres, mais simplement à transmettre ou à percevoir des images mentales, dans l'élément éthérique d'une personne qui n'est pas séparée de son corps ; donc l'objection ne porte pas.

Mais les théologiens ne s'appuient pas sur des faits. Aucun fait, nous a déjà dit le père Pailloux, ne peut subsister devant le moindre texte de saint Thomas ; or saint Thomas a dit..., inclinons-nous.

Et puis il y a quelque chose de plus grave que saint Thomas ; la théorie qui suppose, dans l'homme, un principe intermédiaire entre l'âme et le corps est condamnée par le concile de Latran en 1513 et Pie IX a renouvelé cet anathème en 1857 et en 1860[29]. Comme d'autre part le père Mainage nous affirme que l'âme sortie du corps ne peut pas y rentrer ; force nous est de conclure que saint François d'Assise, saint François Xavier, sainte Lidwine, Marie d'Agréda, Alphonse de Liguori avaient deux âmes, puisque aucun intermédiaire n'était possible entre eux et les deux corps qui se voyaient simultanément en des lieux différents. Voilà où nous conduit la négation du corps psychique intermédiaire.

Dans les cas de bilocations obtenus expérimentalement l'un des deux corps paraît toujours inerte ; cependant l'histoire des saints renferme quelques récits contraires, ils sont incontrôlables ; acceptons-les, cependant, tels qu'on nous les rapporte. L'idée d'une âme unie à deux corps distincts n'a pas de sens, mais l'idée d'une âme se manifestant sur divers éléments extériorisables n'est pas plus inconcevable que celle de la téléphonie sans fil se propageant dans toutes les directions ; mais il faut admettre un agent de transmission, le fluide nerveux. Il faut donc admettre un agent extériorisable pour produire la bilocation, une force psychique extériorisable comme l'est la vapeur ; et, si nous voulons bien représenter l'âme par la chaleur, nous comprendrons qu'un contact unique avec la chaudière puisse extérioriser une force vapeur qui, bien canalisée, pourra actionner plusieurs moteurs.

Notre âme puise ses forces dans un élément cosmique dont nous ne connaissons rien, il n'y a là rien d'absurde pour celui qui a le sentiment de son ignorance.

L'idée qui s'impose, après l'étude des faits, c'est qu'un médium, ou un saint, peut être impressionné par des agents invisibles avec lesquels ils sont en rapport. Il n'y a pas d'autres hypothèses que celle du corps astral qui puisse expliquer cela. Mais nous n'en sommes plus aux hypothèses, nous en sommes aux expériences.

M. de Rochas a extériorisé le corps astral, il en a déterminé les localisations partielles, il l'a condensé de manière à reformer, par-devant le sujet, le fantôme complet.

Un soir qu'il opérait avec Mme Lambert et que celle-ci, en état d'extase, voyait son corps astral flotter au-dessus d'elle, à une grande hauteur, M. de Rochas, sous un léger prétexte, sortit un instant du salon, monta au premier à pas de loup et, ayant repéré le point où se trouvait le sujet, il avança la main. Mme Lambert bondit, poussa un cri de douleur en joignant ses mains au-dessus de sa tête. On dut la transporter sur son lit, où elle resta sans pouvoir manger ni dormir pendant vingt-quatre heures.

Le corps astral et ses rapports magnétiques donne la clef de beaucoup de phénomènes mystiques, il explique l'état de réceptivité sensorielle qui met les saints en communication avec les âmes du purgatoire, avec les anges gardiens, etc., mais il explique surtout les effets physiques, les blessures, les stigmates, qui n'ont d'autre cause que le retentissement de l'esprit sur la matière. Le corps éthérique reçoit la blessure qui retentit sur l'organe au moment de la réintégration.

Une bonne religieuse, en extase, frémissait à la vue des tortures que s'infligeait Henri Suso et qu'elle voyait à distance ; elle étendit son bras pour amortir les coups de discipline, son bras noircit et elle en porta les meurtrissures durant plusieurs jours.

Si le corps éthérique n'est pas une réalité substantielle il n'y a pas de lien possible entre l'organisme et les objets vus à distance. Catherine Emmerich couchée sur son lit ne peut pas voir réellement les lieux qu'elle visita ; de ses voyages en esprit elle rapporta des stigmates tels que les blessures que lui occasionnaient les cailloux du chemin, les orties qu'elle arrachait ou les épines qu'elle rapportait dans sa chair. Et si l'âme qui a quitté le corps ne peut plus reprendre contact avec son organisme, elle ne peut plus, à plus forte raison, agir sur la matière inerte ; alors, que signifient toutes ces apparitions des âmes du purgatoire qui remuent des objets, qui laissent des traces de leur contact en brûlant les draps ou les vêtements ? Cela signifie qu'elles ont un corps astral, sans lequel d'ailleurs elles ne pourraient ni voir ni entendre ceux à qui elles se manifestent.

Les théologiens nous diront que cela se fait avec la permission de Dieu. Mais nous ne prétendons faire quoi que ce soit sans cette permission ; si je respire c'est avec la permission de Dieu et si, dans une séance expérimentale, une photographie ou un moulage m'apporte la preuve matérielle de l'existence du double fluidique, c'est donc que la bonté divine ne juge pas cette expérience contraire au bien de l'humanité.

Ce que les Saints ont fait nous pouvons le répéter, avec une puissance moindre peut-être, mais dire que les lévitations enregistrées aux procès de canonisations ont emprunté d'autres agents matériels que ceux qui ont été observés et rendus palpables au cours des expériences métapsychiques, nous n'avons pas de raisons de le supposer. Dire que les matérialisations d'un saint Martin ou d'une Catherine de Sienne étaient d'une autre substance que celle observée sur les médiums, cela ne serait pas raisonnable.

Le corps astral, ou périsprit, est donc le support des apparitions et des dédoublements, c'est-à-dire de la manifestation matérielle des morts et des vivants. De nombreux cas observés prouvent que les vivants peuvent s'extérioriser, les spirites parlent d'une extériorisation périspritale alors que les théologiens parlent de la mort mystique, les deux cas sont identiques. Sainte Lydwine et Catherine Emmerich voyagent à travers l'espace, Marie d'Agrida s'envole au-dessus des mers et le P. Samaniego constate que c'est l'anéantissement complet, l'insensibilité absolue à toute impression extérieure, c'est ce qu'il appelle la mort mystique. Si l'esprit survit, dit-il, il est bien loin de son enveloppe périssable et il s'étonne que Marie d'Agreda ait pu revivre après être morte si souvent, il est vrai qu'elle voyageait en corps astral jusqu'au Nouveau Mexique.

J. de Copertino se transportait auprès des mourants ; saint Pierre d'Alcantera se dédoublait souvent, il apparut à sainte Thérèse un an avant sa mort. Saint Alphonse de Liguori rentra dans son corps après deux jours d'absence, en 1774, à la mort du pape. Les solitaires du désert étaient familiarisés avec la sortie en astral, saint Jean d'Egypte répondit à un officier qui sollicitait, pour sa femme, la permission de le visiter : « Allez dire à votre femme qu’elle me verra cette nuit sans sortir de la maison où elle se trouve. » On ne peut pas accepter ces faits qui appartiennent à l'histoire religieuse et aux procès de canonisation, si on rejette l'idée de tout intermédiaire entre le corps et l'âme. D'ailleurs, dans la pratique, les hagiographes sont bien obligés d'admettre la réalité du corps astral. L'œuvre de Catherine Emmerick en est une preuve encore assez récente ; on lit dans l'introduction :

« Parfois aussi son guide spirituel la ravissait en corps et en âme, la transportait dans la Terre Sainte, où elle visitait le Calvaire et d'autres lieux saints qu'elle couvrait de ses baisers et qu'elle arrosait de ses larmes. Le voyage terminé, elle trouvait à son réveil ses lèvres couvertes de gerçures, et son ange lui disait : « Tu as conservé ces marques afin que tu saches qu'aujourd'hui ton ravissement s'est fait en corps et en esprit. » Une autre fois, dans un de ses voyages, ayant eu à marcher dans un sentier glissant, elle se blessa, en tombant, à la jambe gauche qui s'enfla et la lit souffrir pendant plusieurs jours. Une nuit qu'elle visitait les églises principales de Rome et qu'en allant de l'une à l'autre, elle s'ouvrait avec les mains un chemin à travers les broussailles, une épine entra dans son doigt et elle l'y trouva à son réveil. Ces blessures la portaient à croire, conformément à ce que lui disait son guide, qu'elle était réellement ravie en son corps. » C'est-à-dire qu'elle était corporellement extériorisée. Cependant son corps matériel était toujours là couché sur son lit de douleurs. Ce ne pouvait donc être autre chose qu'une réintégration de son double extériorisé qui rapportait ces stigmates. C'est d'ailleurs la conclusion du commentateur catholique qui écrit : « Ainsi ces voyages étaient réels, bien que spirituels ; Anne-Catherine était réellement dans les lieux où elle était conduite par son guide ; elle était réellement sur les chemins qu'il lui fallait parcourir, et elle était ravie en corps aussi bien qu'en esprit. En preuve de ce que nous avançons, on pourrait invoquer chaque page, pour ainsi dire, de ses relations[30]. »

Il y a donc, nécessairement, quelque chose de réel qui accompagne l'être spirituel dans ses dédoublements, et les témoignages spirites ne sont plus qu'une confirmation de ces faits qui apportent à la religion le secours d'une preuve expérimentale. Pourquoi nier l'évidence ?

M. le colonel de Rochas à écrit de son côté : « Un de mes amis de quelques années plus jeunes que moi, d'esprit très cultivé et occupant une haute situation dans le monde, présente d'une façon remarquable le phénomène de l'extériorisation de la sensibilité qui, chez lui, se produit même à l'état de veille, à mon simple contact.

« M. X..., intéressé par mes recherches, a bien voulu s'y prêter et je l'ai magnétisé une dizaine de fois, en approfondissant chaque fois l'état d'hypnose où je m'arrêtais. A la quatrième séance, il m'a dit qu'il quittait son corps matériel, qu'il le voyait inerte : il manifesta alors une sorte de dégoût pour ce qu'il appelait sa loque.

« A la sixième séance, non seulement il se dégagea et vit son corps matériel, mais encore à côté et à un mètre environ, il vit apparaître une sorte de nuée lumineuse où il reconnut sa silhouette. A ce moment, je constatai que le rayonnement de son corps matériel ne présentait plus de sensibilité, sauf entre ce corps et le corps astral où la sensibilité était portée à son maximum et parfaitement localisée. En d'autres termes, le corps matériel était insensible, le corps astral lumineux était sensible et il y avait des rayons moins sensibles et non assez lumineux pour être perçus par le sujet, qui reliaient le corps astral au corps matériel qui me parlait.

« Le 28 avril 1892, je priai M. X..., de faire changer de place son corps astral ; il ne put y parvenir, mais il put étendre son bras astral et mettre sa main astrale dans ma main ; il en ressentit l'étreinte et s'étonna que je ne sentisse pas la sienne. Je lui dis alors d'appuyer le bout de l'annulaire de sa main droite astrale sur une grande épingle que je tenais jusqu'à ce qu'il sentit la piqûre ; il le fit, sentit la piqûre, et je passai à d'autres observations. Dix minutes après, M. X.... complètement réveillé et ayant comme d'habitude perdu le souvenir de ce qui s'était passé pendant son sommeil, causait de choses tout à fait étrangères, avec quelques personnes de ma famille, lorsqu'il retira le gant de sa main droite qu'il avait conservée gantée et regarda attentivement le bout de son doigt annulaire. Je lui demandai ce qu'il avait ; il me répondit qu'il éprouvait comme une piqûre, puis, pressant avec l'ongle du pouce, il fit perler quelques gouttelettes de sang précisément à l'endroit ou il aurait appuyé le doigt sur l'épingle. Je lui donnai l'explication et il chercha à voir si son gant n'avait pas été percé, mais naturellement il ne put rien voir.

« L'expérience est absolument nette ; il ne peut y avoir aucun doute sur le fait[31]. »

La documentation spirite est loin de s'arrêter là. Lorsque le médium est autre chose qu'un sujet d'expérience, lorsqu'il est animé du zèle de connaître et du désir personnel d'être utile à l'humanité, c'est alors que l'extériorisation du corps astral a lieu sous la conduite d'un guide.

Ainsi à quelque point de vue que se place l'observateur, point de vue religieux, ou désir sincère de recherches scientifiques, l'existence du périsprit est confirmé par l'épreuve expérimentale, on arrive à la même conclusion pratique. L'existence du corps astral est scientifiquement prouvée, sa négation détruirait toute l'histoire du miracle ; il est bien étonnant que les théologiens n'aient pas senti l'appui que ces sortes d'étude leur apportaient.


CHAPITRE XII – Chez les théologiens

Le père Mainage s'efforçant de prouver la non-intervention des esprits dans le spiritisme, nie absolument l'existence du corps astral. Si le corps astral n'existe pas, conclut-il, la logique du système oblige à reconnaître l'impossibilité, pour les morts, d'entrer en contact avec les vivants. Le raisonnement est juste, seulement le corps astral existe.

L'abbé Ribet nous apprend que les anges eux-mêmes entrent dans une sainte familiarité avec les vivants. Alors la preuve est faite ; l'action des anges, admises par l'Eglise implique la nécessité du corps astral.

Il est bien entendu que ce corps astral échappe à nos dissertations, entre la matière pondérable et la matière éthérique, je dirais presque spirituelle, les états successifs nous sont inconnus ; mais il est bien certain qu'au point où le dernier état subtil atteint la sommité angélique, existe encore une modalité qui permet à l'âme d'agir sur la substance. Une âme nue cesserait d'exister, immédiatement confondue en Dieu. Elle est donc toujours attachée à une substance. Si les anges sont les médiateurs de Dieu auprès des âmes, il faut bien qu'ils aient un moyen d'action sur nos organes, ce moyen ne peut pas être immatériel, et ce que nous disons des anges nous le dirons de l'âme défunte.

« Si les anges peuvent apparaître personnellement, soit en vision imaginaire, soit en vision corporelle, pourquoi cela serait-il interdit aux âmes dégagées de la chair ? »

Ce jugement qui est celui de M. le chanoine Ribet (t. II. p. 180), sera aussi celui de tous les spirites.

Si de vulgaires intérêts matériels ont autorisé de pieux évêques à évoquer les morts, c'est, tout au moins, que cette tentative n'était pas coupable ; ceux qu'ils faisaient revivre n'étaient pas des saints, ils les rappelaient pour leur donner le baptême, pour les faire témoigner dans un procès, pour rendre un héritage. Les morts peuvent donc nous venir en aide, et quelle aide meilleure peuvent-ils donner à l'humanité que de lui apporter une preuve de leur survivance et de leur identité.

C'est ce motif, d'ordre élevé, qui justifie le plus souvent les apparitions spirites. Est-il possible que la pusillanimité des personnes pieuses repousse ce genre de manifestation qui est une démonstration de la survivance ?

Les théologiens n'en veulent pas parce qu'ils tiennent à leur conception du miracle. Pour eux tout rapport entre morts et vivants ne pourrait s'établir que par l'intervention d'un surnaturel que Dieu ne peut pas tenir à la disposition des spirites. Ils tiennent au miracle. Dieu, disent-ils, étant l'auteur de toutes les lois, peut y déroger si cela lui convient. Je pourrais en citer un qui ajoute que, si quelqu'un était assez fou pour nier une telle évidence, il faudrait l'enfermer, parce que rien n'est impossible à Dieu.

Eh, bonnes gens !... c'est entendu, rien n'est impossible à Dieu ; il a créé le monde et il n'aura jamais rien à faire de plus difficile que cela ; seulement nous connaissons si peu de choses de cette œuvre merveilleuse que l'étude nous révèle un peu tous les jours ce que nous ignorions la veille, et nous commençons à croire que ses lois peuvent suffire à tout sans qu'il soit obligé d'y déroger.

La théologie sera toujours impuissante à établir une distinction dans le merveilleux parce que toute la nature est merveilleuse et elle ne pourrait pas nous dire où commence le miracle Dieu seul est surnaturel et, si nous nommons miracle les œuvres divines, il n'y aurait plus de place pour le naturel dans la nature.

Et pourtant les théologiens admettent bien le fait spirite, mais ils s'efforcent de nous démontrer que c'est là du spiritisme sans esprit. Un des ancêtres du père Mainage, vers 1 860, écrivait que : ni âme, ni corps, ni ange, ni démon, ni Dieu lui-même, n'étaient capables d'agir à distance. Le Spiritisme n'affirme pas l'action à distance, puisqu'il suppose le contact du corps périsprital et, si d'autre part, on nie ce contact, il rappelle les nombreux exemples de manifestations post mortem relatées dans les couvents, où des religieux et des religieuses reviennent demander des prières, frapper des coups, remuer des objets, etc.

Est-il donc raisonnable de repousser le fait spirite en arguant d'une impossibilité d'ordre physique et théologique, puis d'admettre l'action des esprits pour l'édification des personnes pieuses, quand ce sont des âmes du purgatoire ? Est-il admissible que des coups frappés dans une cloison soient attribués à un esprit, parce que le fait s'est produit dans un monastère, et que des coups frappés dans une table ne soient que des imitations diaboliques du même phénomène, parce qu'ils se produisent devant des profanes ? Voilà pourtant où nous a conduit la casuistique.

Ribet nous apprend que les bienheureux se manifestent rarement en vision intellectuelle et que, selon le savant Benoît XIV, ils apparaissent bien plutôt en vision sensible, soit mentale, soit corporelle (t. II, p. 168).

Mais il n'y a pas que les bienheureux qui se manifestent ainsi, car les saints ont évoqué des âmes du purgatoire, des païens et même des damnés. Il y a donc une classification à faire dans ces phénomènes d'apparitions et dans ces messages d'outre-tombe et, de ce côté-là, la classification des spirites paraît beaucoup plus scientifique que celle des théologiens. De nombreuses pages, signées Allan Kardec, Léon Denis, Gabriel Delanne, Kart du Prel, Bozzano, etc., exposent longuement les causes d'erreur. Mais les théologiens du passé devaient fatalement être dupes de la comédie déconcertante que jouent les médiums à l'état d'hypnose.

Les directeurs de conscience accommodaient tous les phénomènes aux croyances de leur époque. Ne sachant pas éviter le piège de la suggestion, ils ont laissé perdre les révélations des extatiques, ils en ont faussé l'esprit Ils ont vu, dans les états de crédulité, dans les états de rapport, un miracle voulu par Dieu pour exalter les mérites de la sainte vertu d'obéissance. Ils ont vu des possessions démoniaques dans un jeu qu'ils avaient eux-mêmes suggérés. Par ordre des exorcistes, de véritables manifestations spirites ont été transformées en types de possession diabolique, et dans des expériences provoquées par eux, ils croyaient contempler les effets de la mystique divine.

En voici un exemple saisissant où une pauvre religieuse été martyrisée par de pieux bourreaux. Ce ne sont pas les phénomènes qui sont bons ou mauvais, ce sont les jugements que nous portons sur eux qui sont justes ou qui sont faux. Ici, la suggestion est exercée par un jésuite qui voulait se donner le spectacle de la Passion ; le fait est tiré de la Mystique de Gœrres et la suggestion s'exerce sous la direction de celui que l'auteur appelle un homme habile et prudent :

« En 1714, à Florence, l'évêque Eustochi fit venir le P. Crivelli, jésuite, qui avait une grande réputation comme directeur des âmes. Il s'agissait d'éprouver une sainte fille du nom de Véronique Giulani... Il la fit venir un matin au confessionnal et lui commanda de se mettre en prière et de demander à Dieu qu'il lui révêlât ce que lui, son confesseur, lui ordonnerait par un acte intérieur de sa volonté. » Véronique y consentit et se mit en prières. Pendant ce temps-là Crivelli lui adressa au-dedans de son âme, et sans que le moindre mouvement extérieur pût trahir sa pensée, les cinq commandements suivants :

1e que sa plaie du côté, qui était alors fermée, s'ouvrit de nouveau et saignât comme celle des mains et des pieds ;

2e qu'elle restât ainsi ouverte aussi longtemps qu'il le voudrait ;

3e qu'elle se refermât dès qu'il le désirerait, et cela en sa présence et en présence de tous ceux qu'il lui plairait d'admettre ;

4e qu'elle souffrit devant lui, d'une manière visible, quand il le jugerait convenable, toutes les douleurs de la Passion ;

5e qu'après avoir souffert le crucifiement, étendue sur son lit, elle le souffrit encore debout et en plein air, sur son ordre, devant lui et devant tout autre qu'il s'adjoindrait.

Après avoir formulé intérieurement ces ordres, il la laissa quelque temps encore en prière, et lui demanda ensuite si le Seigneur l'avait exaucée. Elle répondit franchement : « Non. » Remettez-vous à prier, lui dit son confesseur. Elle le fit, et, interrogée de nouveau, elle répéta mot pour mot les cinq commandements[32].

... Au bout de quelques jours, il revint au couvent et lui ordonna d'exécuter son premier commandement, que la plaie de son côté s'ouvrit et ceci devrait arriver pendant qu'il disait la messe à laquelle Véronique assisterait. Il offrit le saint sacrifice : et après avoir fait son action de grâces, il appela la sainte au confessionnal et lui demanda si sa plaie était ouverte. Elle répondit avec modestie : « Oui... » Il passa au second commandement et défendit que la plaie se fermât..., etc. Ce ne fut qu'au bout d'un mois que revint Crivelli, qui envoya chercher l'évêque et, après avoir constaté que la plaie était toujours ouverte et bien saignante, ordonna qu'elle se ferme. » Véronique resta quelques minutes en prière et après un temps il ne restait plus qu'une petite cicatrice.

Pour le quatrième commandement, elle vint trouver Crivelli et lui dit qu'elle avait appris que ses souffrances commenceraient le 29 au soir, vers trois heures de la nuit (sic, on était alors au milieu du mois). A l'heure annoncée on vint annoncer au bon père que Véronique se mourait. Celui-ci ne se pressa pas, il conféra d'abord avec un autre jésuite et tous deux trouvèrent Véronique, épuisée et sans respiration... Crivelli vit, profondément empreints sur ses deux mains les marques des cordes qui avaient lié le Sauveur. Pénétré de ce sentiment de terreur qui produit tout ce qui est surnaturel, dit Gœrres, il demanda à Véronique ce qui allait suivre : « La flagellation lui dit-elle. Il l'exhorta à prendre courage, lui redonna l'absolution et lui commanda en vertu de l'obéissance, de se soumettre à ce nouveau supplice... La flagellation commença et voici la narration du Jésuite : « Nous la vîme poussée dans tous les sens sur son lit, de sorte que c'était un spectacle admirable et horrible à la fois de voir les mouvements violents de son corps, qui tantôt sautait en l'air, tantôt était jetée la tête contre la muraille ; tout cela avec une telle force que les planches de son lit s'élevaient et retombaient tour à tour. Les murs de sa cellule étaient tellement ébranlés qu'on eut dit un tremblement de terre. Les religieuses accoururent à ce bruit craignant que le toit de la maison ne s'abîmât sur elles, de sorte que je dus leur commander de s'éloigner. Le père recteur, saisi à la fois de compassion et d'épouvante, ne put supporter plus longtemps ce spectacle, et retourna au collège sans rien dire..., etc., etc. Ceci parait avoir duré treize ou quatorze heures. Comme Crivelli voulait dire sa messe, il lui ordonna de se lever et d'aller au chœur, il acheva sa messe puis, l'avant remise au lit, il lui fit souffrir la marche au Calvaire jusqu’au crucifiement.

« Je puis dire, assure Crivelli, que si je l'avais vue sur une croix véritable, le spectacle n'aurait pas été plus saisissant...., » et il nous dépeint la tension des muscles, les membres étirés... etc., jusqu'au point où elle allait rendre le dernier soupir. Alors, dit-il, plein de foi et fortifié par ce que j’avais vu déjà, je lui ordonnai, au nom de l’obéissance de mettre un terme à ces douleurs et je fus obéi.

Mais le bon Jésuite ne s’en tint pas là, il ne voulait pas perdre le cinquième acte de la tragédie : jouer pour la seconde fois, la scène de la passion, debout. Et cet homme impitoyable continue.

… Pendant que les jointures de ses os craquaient et que les crampes terribles agitaient convulsivement les muscles de ses bras, elle bondissait ; je lui criai : plus haut, plus haut encore. Son corps se leva aussitôt en l’air, de sorte que les pieds ne touchaient pas la terre. Après être restée quelque temps crucifiée elle se jeta sur le pavé du chœur, la face contre terre…, etc. Enfin croyant qu’il était temps de mettre fin à la crise, je lui donnai la permission nécessaire pour cela. Nous sortîmes de l’église remplis d’étonnements et d’admiration.

Ce qui est effrayant c’est de penser qu’il y a encore dans les couvents des expérimentateurs de cette qualité ; on voit, par-là, combien l’étude de la métapsychique est indispensable au prêtre qui attribue encore, à lui-même et à son privilège divin, les effets bien connus de la suggestion à l'état d'hypnose.

Voici encore un cas de somnambulisme bien caractérisé : La petite bergère Benoîte du Laus rencontra un vieillard qui lui dit être saint Maurice : il l'envoie au fond du vallon promettant quelle y rencontrera la Sainte Vierge Hélas, répond Benoîte, la Sainte Vierge est au ciel. Cependant la suggestion produit son effet et l'enfant en rêve la nuit. Pendant la nuit, écrit l'abbé Migne, seul temps qui sépare la bergère de l'objet de son amour, elle en rêve et, tout en rêvant, elle se lève pour aller la voir. Elle se surprend, alors, au milieu des ténèbres, courant les pieds nus sur les pierres du chemin, et à peine vêtue. Pendant qu'elle dort son cœur veille et l'amour entraîne le corps. La Mystique Chrétienne, abbé Migne, p. 747.

Ces faits peuvent avoir leur côté obscur mais le point le plus clair c'est que les casuistes n'y ont jamais rien compris. Prenez les quatre volumes de Ribet vous y trouverez toujours les automatismes attribués à la sainte vertu d'obéissance et au pouvoir magique du supérieur ; mais de distinction entre le divin et le diabolique il n'y en a pas d'autre que la piété ou l'impiété du sujet ; que l'obéissance ou la résistance, c'est le jugement constant de l'Eglise qui a canonisé des hystériques et condamné Jeanne d'Arc.

Quant à la distinction entre le naturel ou le surnaturel elle est plus simple encore : est surnaturel tout ce qui échappe à notre connaissance. Exemple : La pesanteur nous fixe au sol comme l'esclave à la glèbe ; l'homme quoiqu'il fasse ne peut pas s'en affranchir ; donc la lévitation du corps humain sera un fait surnaturel.

Mais nous ne sommes pas plus avancés, car on ne trouve jamais, dans Ribet, un fait divin qui ne puisse être imité par le diable. Et puis il y a des degrés dans le surnaturel divin ou diabolique, il y a des miracles de première et de troisième classe. Par exemple : ce qui n'excède pas notre pouvoir peut être réalisé dans une mesure qui l'excède, voilà un miracle du troisième ordre.

D'après ces données on pourrait admettre que nos parents et amis désincarnés, auxquels leur situation dans l'au-delà confère des possibilités d'action que nous ne connaîtrions pas, produiraient des petits miracles de troisième classe, malheureusement cela est à la portée du diable et, dans cette classe, Dieu et le démon interviennent tour à tour (Voir Ribet, p. 40). C'est à ne plus s'y reconnaître. Heureusement il y a les faits exclusivement divins ce serait, par exemple, la création d'une substance, car Dieu seul peut créer. C'est évident en théorie mais, dans la pratique, on ne sait jamais, car un apport pourrait être formé d'une substance préexistante et à cela le diable arriverait.

A quoi donc reconnaîtrons-nous le vrai miracle ? Ah en voici quelques-uns ! Ce sont les nombreuses résurrections opérées à la prière des saints. Mais ne vous y fiez pas, car une mort pourrait n'être qu'apparente et, dans ce cas, le diable pourrait bien intervenir. Il nous faut quelque chose de radical tels que les faits discutés et admis dans le procès de canonisation. Ribet nous cite le cas de saint Vincent Ferrier, cas où la mort était indiscutable.

Le bon saint faisait sa tournée de prédication lorsqu'il rentra au logis de son hôte. Ce dernier qui l'avait accompagné demanda en rentrant si on avait préparé le repas. J'ai de la viande et de la bonne, répondit sa femme, et il en restera pour demain. Comment, de la viande.. ! mais le Père n'en mange pas. L'homme se rend à la cuisine, sa femme sujette à des accès de folie avait saisi son enfant, l'avait coupé en morceaux et en avait fait cuire une partie pour le dîner. Le pauvre homme éclatait en reproche contre le Ciel, mais saint Vincent très calme lui dit : Ayez confiance le Seigneur qui lui a donné la vie peut aussi la lui rendre. Les membres se réunissent et l'enfant apparaît plein de vie.

Ce sont là, pour Ribet, des miracles de première classe ; on peut encore y ajouter les cas ou la vie est maintenue, malgré la suppression d'un organe essentiel, comme la tête. La décapitation, en effet, paraît être une cause immédiate de mort. Toutefois, ne vous pressez pas de conclure ; lisez d'abord cette remarque textuelle : Ribet, III, p. 48. – « Il est raconté, il est vrai, de plusieurs saints martyrs qu'ils ont parlé, marché, porté même entre leurs mains leur tête détachée par le glaive ; mais nous ne voudrions pas ranger ces prodiges parmi les faits absolument surnaturels, par la raison que, prises en elles-mêmes, ces manifestations passagères ne dépassent pas la puissance diabolique. »

Il y a, selon Benoît XIV un miracle encore plus grand que la résurrection d'un mort, ce serait celle d'une bête ; parce qu'il y a une difficulté, l'animal n'ayant pas d'Âme c'est un nouveau principe vital que Dieu devrait créer.

Mais revenons à nos phénomènes. La télépathie, la clairvoyance, les prémonitions se manifestent avec une rare fréquence dans la vie des saints ; c'est donc avec stupéfaction qu'on lira dans le Rituel romain qu'un des signes qui fournissent la preuve de la présence de l'esprit infernal est la divination des choses cachées et la vue à distance.

Les effets dynamiques tels que le soulèvement des poids lourds et le bris d'objets, sans contact, sont aussi des signes du diable quand on soulève des fardeaux que personne ne pourrait remuer et pourtant saint Grégoire déplace des montagnes, saint Martin renverse des autels et brise des idoles, d'autres saints dressent des blocs de pierre pour la construction d'une église, et tout cela par le seul effet de la prière.

Il est dit dans le Rituel romain qu'on reconnaît l'intervention diabolique aux signes suivants : Parler dans une langue inconnue Voir hors la portée de la vue Découvrir les choses distantes et cachées..., etc. Ribet y ajoute la manifestation d'une Science hors ligne dans une personne grossière qui n'aurait point reçu d’instruction. Cependant ces prodiges se rencontrent à chaque page de l’histoire des saints. C’est que finalement les théologiens en arrivent toujours à cette distinction simpliste des bonnes et mauvaises odeurs. Les signes diaboliques deviennent les signes du miracle s’ils apparaissent chez les personnes en odeurs de Sainteté.

Puisque nous ne parvenons pas à découvrir le signe du diable, cherchons du moins le signe caractéristique des œuvres de Dieu ; y arriverons-nous ?

Laissons de côté ce qui est du domaine exclusif de l’Eglise, c’est-à-dire la haute mystique où l’on nous présente, comme des signes de l’Action divine : la vision béatifique, l’ivresse spirituelle, l’ébriété divine, la jubilation mystique et l’incendie d’amour, qui peut aller, d’après saint François-de-Sales, jusqu’à l’écoulement et la liquéfaction de l’âme ; nous ne nous arrêterons qu’aux signes visibles qu’on nous présente comme une dérogation aux lois de la nature, autorisée par Dieu pour convaincre de la vérité de la doctrine, ou pour manifester la puissance de la sainteté.

Une des opérations les plus manifestes de l’action divine est l’impression des stigmates (Ribet, t. 1, p. 259) ; malheureusement nous lisons au troisième volume, page 137 : « Oui les stigmates mêmes peuvent être simulés par le démon, ainsi que les autres symboles sensibles des faveurs mystiques, tels que les baisers, l'anneau, les couronnes. »

Il y a encore la bilocation ; puis l'action à distance qu'il serait ridicule d'attribuer à Satan ; mais les récits de bilocation attribués à Satan sont fort nombreux (tome III, p. 122). Quant à l'action à distance on sait ce qu'il en est.

Le casuiste classera ces faits en bons ou mauvais selon qu'il leur attribue une origine surnaturelle, divine ou diabolique ; une odeur suave provient de Dieu et une odeur pestilentielle provient de l'ennemi du genre humain. Au fond, les quatre volumes de Ribet sur les signes qui permettent de distinguer le divin du diabolique se réduisent à ce jugement dont il faut admirer la candeur. Sa ligne de démarcation entre le naturel et le surnaturel sera fixée par notre connaissance actuelle ; par-là rejette dans l'ordre du surnaturel la masse énorme des faits qui sont restés en dehors de notre connaissance.

Voici un exemple : « La pesanteur nous fixe au sol terrestre comme l'esclave à la glèbe. L'homme, quoiqu’il fasse ne peut pas s'en affranchir ; donc, la lévitation du corps humain sera un fait surnaturel. » Mais cette distinction est bien inutile, parce qu'il y a le surnaturel diabolique qui sera toujours l'imitation du divin. Et puis les dérogations aux lois de la nature comporteront toujours des degrés, nous aurons des miracles de première, de seconde et de troisième classe. Par exemple : Il y a des choses qui n'excèdent pas le pouvoir de l'homme, mais si la même chose se réalise dans une mesure, ou dans des conditions qui dépassent ce pouvoir, ce sera un miracle du troisième ordre.

A toutes ces conditions il est impossible d'assigner des limites précises de sorte que les règles que nous proposent le théologien pour distinguer l'action de Dieu de celle du diable sont toujours remarquablement imprécises.

Les actions exercées sur les organes sont une forme du miracle mais, là, peuvent agir également Dieu, les anges et les démons. Les apparitions constituent de vrais miracles ainsi que l'enseigne, avec saint Thomas, le commun des Docteurs. Mais le démon peut en être l'auteur, même quand elles représentent Jésus-Christ ou la très sainte Vierge ; la seule consolation du théologien, à cet égard, est d'apprendre qu'on peut leur rendre les honneurs respectifs dus aux objets qu'elles représentent, car cet honneur ne va pas à l'esprit du mensonge. Je trouverais, par ailleurs, que le démon peut prendre la forme des anges de lumière et aussi la forme des animaux ; cependant il ne pourrait pas prendre l'apparence d'une brebis ou d'une colombe, car cet abus des symboles de l'agneau pascal ou du Saint-Esprit ne serait pas autorisé par Dieu. Cependant saint Philippe de Neri ordonnait à ses disciples de cracher sur une apparition de la Vierge, à ce signe de mépris la vision s'évanouit (Ribet, t. II, p. 18).

Il y a bien un signe qui a été accepté par l'Eglise, dans les ordalies, comme une preuve de l'approbation divine, c'est l'épreuve du feu, l'incombustibilité. Pour absoudre un coupable, on le sommait de passer par cette épreuve ; mais, là encore, nous trouvons le pour et le contre, car, suivant Ribet (vol. III, p. 146) : « L'incombustibilité n'est qu'une forme de l'invulnérabilité, et les protégés de Satan en présentent des exemples en grand nombre. »

Nous pourrions continuer pendant longtemps les citations un peu incohérentes, elles aboutissent à cette conclusion qu'il est impossible de distinguer par l'examen du phénomène, s'il vient de Dieu ou s'il vient du diable ; on finit toujours par s'en tenir aux preuves extrinsèques. L'esprit de Satan étant opposé à l'esprit de Dieu, il est facile de reconnaître l'un par ce qui a été dit de l'autre ; le miracle convient aux saints, l'action diabolique aux hommes dépravés ; le prodige qui tend au bien viendra de Dieu, etc. On ne doit se fier qu'au but final, aux résultats, il est plus sûr de conclure de la sainteté au miracle que du miracle à la sainteté. Et pourtant on nous a dit, en commençant, que Dieu faisait le miracle pour prouver la puissance de la sainteté, comment s'y reconnaître ? l'action diabolique ne prouve pas non plus la dépravation, car si la sainteté est une présomption de miracle, les assauts diaboliques ont été très fréquents dans l'histoire des saintes âmes. Depuis Job jusqu'au vénérable curé d'Ars, il n'y a peut-être pas de saint qui ne l'ait subi, remarque Ribet. Voilà comment la théologie nous promène dans les dédales de la vie mystique. Il ne s'agit pas d'adresser un reproche quelconque au passé, mais nous ferons un appel à tous les hommes de bonne foi et de bonne volonté pour qu'ils reconnaissent, qu'en dehors des connaissances psychiques, il n'a plus que fantaisies, enfantillages et incohérences.

Actuellement les revendications de l'Eglise se trouvent résumées dans ces conclusions du docteur Imbert-Gourbeyre, auteur d'un gros ouvrage sur la stigmatisation : « Avant tout, en cette matière, il faut consulter l'Eglise. En dehors même de son infaillibilité, elle est une autorité qui, de gré ou de force, s'impose. Or elle possède tous les faits mystiques depuis leur origine ; ils relèvent essentiellement de son tribunal ; voici bientôt dix-neuf siècles qu'elle les étudie et les juge. Il en résulte que les extatiques ont été l'objet de l'observation la plus expérimentale. Jamais sujets n'ont été mieux étudiés et jugés en pleine connaissance de cause. De cette observation constante et universelle, observation vingt fois séculaire, est sortie cette partie de la théologie qu'on appelle la Mystique : c'est toute une science. »

Nous pourrions répondre que l'observation astronomique était plus de vingt fois séculaire quand l'interprétation d'un texte biblique dut s'incliner devant la lunette de Galilée ; mais nous préférons faire remarquer que tous les théologiens sont d'accord pour faire, des phénomènes, trois parts. Entre la mystique divine et diabolique ils sont toujours obligés de faire la part de la mystique naturelle : c'est-à-dire du merveilleux purement scientifique et qu'il faut attribuer à une source purement humaine.

Le spiritisme n'invoque que cet ordre de fait ; son étude n'empiète donc pas sur les droits de l'Eglise, elle ne s'occupe que des manifestations provenant des êtres humains, qu'ils soient morts ou vivants et, si les morts sont des vivants, nous pouvons communiquer avec eux comme le faisaient les premiers chrétiens.


CHAPITRE XIII – Chez les spirites

Les spirites croient que, sans violer aucune loi naturelle, certaines personnes, unies par des liens de mutuelle sympathie peuvent se trouver en relation accidentelle, soit à distance avec des vivants, soit après la mort avec l'esprit privé de ses organes.

Ceci est attesté par des faits constants, admis par l'Eglise dans les histoires des saints, dans les manifestations qui se produisent au moment de la mort et dans celles des Ames du purgatoire.

L'accord entre le Spiritisme et l'Eglise serait donc parfait si celle-ci ne jugeait téméraire l'effort que font les spirites pour étudier ces manifestations de plus près, et pour les provoquer. Mais n'est-ce pas provoquer la correspondance psychique que de s'unir aux saints par la prière ?

Et le Spiritisme a encore un autre tort, aux yeux de l'Église, c'est de nier le caractère miraculeux des faits extraordinaires attribués aux saints et de s'appuyer, pour cela, sur la physiologie expérimentale.

Les phénomènes d'ordre physique ont été la source de beaucoup de conversions dans la primitive église. De nos jours il ne s'agit plus de convertir des païens, il faut convertir des hommes, encore tout imprégnés de culture chrétienne, sans qu'ils s'en doutent, mais qui, de fait, adhérent au matérialisme et sont devenus sceptiques. Nous y parvenons en les mettant en présence du fait qui renverse leur science mensongère, et c'est pour cela que le Spiritisme a une grande valeur expérimentale.

Mais il reste profondément attaché à la morale évangélique, il ne repousse que les impiétés des casuistes, il refuse de croire à un Dieu bourreau des enfants morts sans baptême, et il ne s'associe pas à la jubilation des élus devant le supplice des damnés.

La doctrine des vies successives nous délivre de ce cauchemar et de la terrible scolastique du moyen Age, elle nous aide à mieux comprendre les enseignements de Jésus, les âmes arriérées ne sont pas à jamais perdues, elles ont l'éternité pour sortir des ténèbres. Bien des nuages se dissipent, la paternité divine nous apparaît dans une vision plus compréhensible et plus consolante, nous ne craignons plus de déchiffrer ses œuvres, nous croyons même que notre évolution consiste à défricher chaque jour le champ du mystère et à nous rapprocher de la clarté divine.

Dernièrement, le maître Flammarion nous proposait cette formule : « Pendant la vie, comme après la mort, l'âme est plongée dans l’atmosphère éthérée d'un monde invisible. Voilà de quoi satisfaire la science et la religion. »

A la base de toute communication entre les morts et les vivants nous trouvons la télépathie qui exerce son action à distance, non seulement sur les esprits mais encore sur les organes. De là résulte la possibilité d'une vie spirituelle, le la communion des saints et de l'efficacité de la prière, ainsi que des actions effectives exercées sur la matière et qui nous étonnent au point de nous paraître des miracles.

Allan Kardec nous dit : « Le monde spirite est le monde normal, primitif, éternel, préexistant et survivant à tout. Le monde corporel n'est que secondaire, il pourrait cesser d'exister ou n'avoir jamais existé, sans altérer l'essence du monde spirite (ou spirituel). »

Les esprits revêtent temporairement une enveloppe matérielle périssable dont la destruction, par la mort, les rend à la liberté (Le Livre des Esprits. Introduction).

Ainsi les sens terrestres ne font que limiter le champ de nos perceptions, ils nous voilent l'au-delà. Nous ne voyons que l'apparence matérielle des choses ; mais il y a des médiums dont les facultés psychiques franchissent la limite organique, elles atteignent l'au-delà. Il s'en est rencontré souvent parmi les saints, il s'en est rencontré parmi les sorciers et les possédés parce qu'il y a aussi, dans l'au-delà, des esprits qui vivent dans des conditions inférieures, infera.

Les êtres qui se communiquent ne sont pas seulement les saints, ce sont des êtres de toutes conditions, de toutes mentalités. En vertu de conditions physiologiques que nous ne connaissons pas encore, ils franchissent un obstacle dont nous ignorons la nature, ce n'est pas une raison pour croire que c'est le démon qui agit en eux, cela n'est pas plus démoniaque que le flair du chien qui retrouve, une heure après le passage du lièvre une piste que le gibier n'a fait qu'effleurer.

La télépathie, faculté naturelle, l'élément éthéré d'une nature inconnue, ou atmosphère psychique universelle, voilà le fil d'Ariane qui nous permet de ne pas nous égarer dans le labyrinthe des études psychiques, et j'oserai même dire, dans les nuages de la mystique, s'il plaît aux théologiens de saisir ce fil conducteur.

Dans l'histoire des saints la télépathie joue un rôle considérable ; l'extériorisation, la lévitation, apparaissent aussi bien chez les démoniaques que chez les mystiques. L’étude impartiale du spiritisme ramènera tous ces prodiges dans le domaine de nos connaissances expérimentales.

Le spiritisme ne poursuit qu’un but ; prouver l'action des décédés dans la production de certains phénomènes. Ce n'est pas à des croyants qu’il est nécessaire d'apprendre que l'âme, après la mort, a maintes fois manifesté sa survivance, mais il peut être utile de le démontrer.

Les médiums sont les intermédiaires de toutes les révélations ; en entendant, par révélation, non pas ce que nous dictent les messages mais ce que les faits nous apprennent. Pour distinguer le vrai du faux il faut avoir étudié longuement, car l’automatisation est une chose vraiment complexe et bien des phénomènes semblables par la forme doivent être attribués à des causes différentes ; de plus l’influence de l’organisme, même dans les meilleures communications, peut toujours se faire sentir.

Le Spiritisme arrive à démontrer l’action de l’esprit sur la matière, sur les organes et sur le mental. Les esprits sont l’essence même de chaque être individualisé, vivants ou désincarnés, l’âme n’est jamais nue, l’homme terrestre peut s’extérioriser, le vol extatique n’est que le dégagement du corps périspristal, et, dans cet état, l’âme participe plus ou moins, aux sensations répandues autour d’elle dans l’ambiance universelle.

Le médium traduit, dans son langage humain, ses propres sensations qui peuvent provenir de sources différentes : suggestions, autosuggestions, illusions ou images véridiques puisées dans le mental des êtres vivants ou dans les pensées affectives des désincarnés, message d’esprits éveillés, comateux, pervers ou stupide. Il en résulte donc une confusion et un chaos où il est impossible de se reconnaître sans une connaissance de l'œuvre scientifique des spirites qui constitue déjà un monument imposant. La question a été magnifiquement traitée par M. Gabriel Delanne dans un ouvrage Intitulé : Recherches sur la médiumnité [33].

Les communications spirites sont des messages reçus de l'au-delà. Dans la Bible les révélations sont faites par des anges ; mais le mot ange, dans les langues anciennes, signifie messager. Il y a des messagers trompeurs, dans la Bible, dans les actes des Apôtres et chez les Spirites. On les attribue au démon mais démon, dans les langues anciennes, est synonyme d'esprit et il y en a de bons et de mauvais. Il ne faut donc pas se fier aux messages ; il faut juger leur contenu comme on jugerait un document anonyme dans lequel l'auteur aurait cherché à mettre quelque signe distinctif de sa personnalité.

Un message doit, tout d'abord, être soupçonné de provenance douteuse, il peut être attribué à la cryptomnésie et aux réserves latentes qui existent toujours dans l'imagination du médium. Les esprits se sont efforcés de prouver leur indépendance par des ruses cryptographiques, par exemple en intervertissant l'ordre des lettres dans une communication qu'on ne peut pas comprendre tant qu'ils n'en ont pas donné la clef. En écrivant à rebours, en miroir ou encore dans une langue que le médium ne connaît pas. Ils ont donné jusqu'à trois et quatre communications simultanées en employant la main droite et la main gauche du sujet parlant en même temps à un troisième consultant, tandis que des coups frappés épelaient un quatrième message, ce qui semble réduire à l'absurde l'hypothèse de la cérébration inconscience qui, d'ailleurs, est tout à fait gratuite et qui est contradictoire dans les termes.

Des hommes de science ont cru trouver la condamnation du spiritisme dans l'imitation des faits spirites qu'ils ont pu obtenir avec des hystériques, mais ils n'ont pas réussi à imiter nos preuves.

Chez les hystériques il y a des troubles physiologiques faciles à constater et des anesthésies persistantes ; chez les médiums la santé est toujours normale et ces anomalies n'existent que pendant la transe.

Chez les hystériques les automatismes n'expriment que le geste ou la parole précédemment suggérées par un hypnotiseur. Tandis que chez le médium ils sont spontanés et indépendants de toute suggestion connue.

L'hystérique hypnotisé se trouve en état de rapport évident, tandis qu'aucun rapport magnétique n'est établi entre un médium et les assistants.

La personnalité de l'hystérique accepte toute modification proposée par le magnétiseur, tandis que lorsqu'une entité de l'au-delà se manifeste, le magnétiseur n'a aucune action sur la personnification qui persiste malgré toute suggestion contraire.

Enfin la révélation spirite imite l'écriture et donne la signature de gens inconnus des personnes présentes. Malgré tout cela on a pu arguer de cryptomnésie, de clairvoyance télépathique, etc., nous répondons à cette objection que l'écriture automatique a pu être obtenue chez des médiums alors que le texte provenait de personnes vivantes. D'où il résulte que le message vient bien d'une source extérieure et étrangère au médium. Quand le message n'est pas attribuable aux êtres vivants, la source extérieure et étrangère est imputable à la pensée des désincarnés.

Voici donc une première notion acquise, c'est celle de la pensée motrice, nouvelle source d'erreur. Voyez combien la question est complexe ; la clairvoyance et les facultés télépathiques ont pu puiser dans l'ambiance, happer des idées qui sont dans l'air ; c'est pourquoi nous devons rechercher des preuves intrinsèques de la provenance étrangère et de l'identité des communicants.

Les faits d'animisme, l'action jadis ignorée des facultés psychiques et des automatismes inconscients sont donc des sujets d'études indispensables à la connaissance des phénomènes spirites, aussi bien que des miracles, et les théologiens doivent en faire leur profit.

Cependant il ne faut pas oublier que ce qui vient d'être dit n'est que l'exposé purement expérimental des faits. Dans la pratique il y a une distinction à faire entre les phénomènes provoqués et les perceptions spontanées qui ne se produisent que rarement. Les spirites ne cherchent pas la révélation des hauts mystères ils cherchent, avant tout, les preuves de survie et d'identité. Se défendant autant qu'ils le peuvent contre l'erreur par une synthèse approfondie de tout ce que l'étude leur a révélé, ils recueillent les manifestations spontanées par lesquelles les morts ont paru se révéler.

Ce n'est qu'après trente années d'expériences qu'un physicien comme Olivier Lodge a pu écrire que la survie était enfin scientifiquement démontrée par les efforts combinés de tout un groupe de savants, membres de la Société pour les Recherches psychiques. En dehors de cela, des hommes d'une haute culture intellectuelle et morale, favorisés de preuves personnelles, tels que Conan Doyle et Walter Wynn, nous initient aux manifestations incontestables qu'ils reçurent de leurs fils décédés.

Ces faits sont beaucoup plus propres à ranimer la foi que les miracles des saints dont la documentation trop lointaine manque de précisions.

Aujourd'hui des enquêtes, conduites par des hommes qui ont consacré leur vie à l'étude de la psychologie expérimentale, établissent la réalité des témoignages concernant les manifestations de morts et de mourants. C'est en vain qu'on nous objecte la forme vulgaire et la futilité de certains détails ; si un malheureux se manifeste avec une intelligence intérieure et une mentalité indigente, qu'importe s'il prouve son identité, s'il annonce sa mort inconnue de toute personne présente. Ce sera une question subsidiaire d'expliquer son état dans l'au-delà, cela nous ramènerait aux controverses théologiques à la faveur desquelles on peut toujours prouver le pour et le contre.

Les voyants spirites aperçoivent autour des personnes qui les consultent leurs amis ou parents décédés, ils décrivent leur physionomie, leur allure, ainsi que certains objets propres à les identifier. Bien des saints ont donné des consultations semblables ; les prédictions, ou plutôt les prémonitions, les visions symboliques le parler en langue étrangère sont des merveilles qui confondent notre ignorance, mais qui se rencontrent à parts égales, chez les médiums et chez les saints.

Les visions on apparitions du fantôme des morts sont des faits communs à toutes les religions et que le Spiritisme aura eu l'avantage de faire entrer dans la science moderne. C'est lui qui a forcé le témoignage de nombreux savants. Citons cette déclaration de l'électricien Varley, elle contient l'affirmation capitale que les phénomènes de morts sont les mêmes que les manifestations des vivants. – « Je crois, dit-il, je crois fermement que nous ne sommes pas limités au corps. Nous existons aussi bien après qu'avant la mort du corps et, dans certaines conditions, nous conservons la faculté de communiquer avec ceux qui sont encore sur la terre, et je crois aussi que beaucoup de phénomènes sont souvent causés par les esprits des personnes vivantes. »

Voilà l'importance des faits d'animisme ; les facultés psychiques appartiennent à l'être invisible qui est en nous et l'être extériorisé ne diffère pas essentiellement de celui qui est privé de son corps. L'étude métapsychique éclaire la science mystique ; car, en matière de révélation, si l'on voulait comparer la littérature mystique avec ce qu'on a souvent obtenu dans les milieux spirites, l'avantage ne resterait pas toujours à la première.

Les autorités ont souvent l'air de croire que tout ce qu'on laisse publier en ce genre doit avoir force de dogme, c'est absurde. Tout ce qu'on obtient sous cette forme doit être considéré comme une expérience dont il faut apprécier les résultats. La grande faute de l'Eglise aura été d'avoir tenu à mettre son estampille sur des faits plus ou moins étrangers à la religion.

Elle a condamné ce qui était bon et déclaré divin ce qui était médiocre. Elle s'est tellement compromise, dans le passé, qu'elle n'use plus de son autorité que pour dissimuler les faits ; elle n'ose plus juger. C'est ainsi qu'elle s'est comportée dans les affaires de Tilly-sur-Seulles, d'Alzone et de la Loublande ; elle a raison d'être prudente mais elle a tort de mettre la lumière sous le boisseau, de garder pour elle les documents.

L'appréciation de ces faits relève de l'étude des Sciences psychiques auxquelles l'Eglise pourrait collaborer mais, tant que le théologien posera en principe que les créatures ne peuvent pas franchir leurs enceintes respectives et qu'aucun être créé n'est capable de se communiquer à distance, il sera contredit par les faits. Ribet refuse ce pouvoir même aux puissances célestes[34]. Nous serions donc forcé d'attribuer à l'action directe du Saint-Esprit toute révélation des saints qui deviendraient ainsi les phonographes de Dieu. Nous verrons, par la suite, où cela nous conduirait. Ce n'est pas de notre faute si les théologiens compromettent l'autorité du Saint-Esprit.

Nous laissons à l'Eglise la connaissance du miracle divin. Le Spiritisme ne le nie pas, mais il ne s'élève pas jusque-là, le miracle de troisième classe lui suffit, et il a au moins le mérite de ne pas compromettre l'autorité divine. Pour lui les faits les plus absurdes portent en eux leurs enseignements, ils sont révélateurs de lois qui ne sont pas encore arrivées à notre connaissance et dont l'interprétation peut changer, personne n'est détenteur de la vérité absolue.

La mystique naturelle et divine, de même que le spiritisme commencent précisément là où finissent les pouvoirs de l'animisme automatique c'est-à-dire là où commence l'intervention d'une intelligence extérieure. D'où la nécessité de bien reconnaître les différentes sources capables de mettre en mouvement les organes inférieurs. Il faut connaître aussi toutes les régions où peuvent puiser la télépathie et la clairvoyance.

La multitude des phénomènes télépathiques, suffirait à elle seule, s'il en était besoin, à réhabiliter la mystique, elle prouve les rapports extra-sensoriels, c'est-à-dire la possibilité de communiquer avec les âmes, donc, la communion des saints. La pensée d'un vivant sur un autre vivant nous fait comprendre l'action effective de la prière qui peut produire le miracle, non seulement en attirant la puissance invisible mais en exerçant une influence directe sur un sujet. Et c'est ici, en tant que nous ne dépassons pas les limites de l'observation pure, que nous sommes obligés de reconnaître l'identité des facultés supranormales chez les mystiques et chez les médiums.

La vue à distance, l'hypéresthésie, les lévitations, si fréquemment citées dans les annales de la sainteté, sont des faits aujourd'hui constatés et indépendants de la valeur morale du sujet.


CHAPITRE XIV – Chez les saints

Lorsque Moïse faisait des prodiges les magiciens faisaient la même chose. Ce souvenir biblique, encore gravé dans les mémoires, exerce une suggestion sur l'esprit des fidèles devant les prodiges de la psychologie moderne. Les saints ont fait des miracles et ceux qui firent la même chose, sans être canoniquement investi des pouvoirs nécessaires, devaient être suspectés. Il n'est pas étonnant que les manifestations capricieuses d'une force longtemps ignorée ait conduit au bûcher de malheureux médiums, dans un temps où Dieu et le diable se partageaient l'empire du monde.

Aujourd’hui, il devient par trop évident que la clairvoyance et la bilocation des saints relevaient du même processus phénoménal que l’extériorisation et la vue à distance observées chez les médiums. Il n'y a plus ni sorcellerie ni miracles, le merveilleux est entré dans la science. Mais il est clair que, suivant la valeur morale de l'agent qui le produit. le phénomène revêt les apparences du bien ou du mal. De là est née la fausse science des inquisiteurs, qui voyaient partout le miracle de Dieu ou le miracle du diable.

Si l'ardent désir d'une sainte soulève une hostie, celui d'une personne mal intentionnée pourra jeter une pierre, dans le premier cas l'hagiographe écrivait que la sainte avait reçu la communion de la main des anges, dans le second, que le sorcier avait fait un pacte avec le démon. Aujourd'hui encore, si la statue d'un saint s'anime dans un couvent, c'est Dieu qui a fait le miracle, si une table s'anime dans un groupe spirite c'est l'esprit des ténèbres, et pourtant c'est la même action mécanique qui produit les deux phénomènes.

Nous savons qu'un objet peut être soulevé par l'action d'un organe extériorisé qui, bien qu'invisible, peut être modifié sous la direction des ouvriers de l'au-delà en prenant toute forme utile aux effets qu'ils veulent produire. Ce genre d'ectoplasme peut être rendu visible, il peut être photographié, il peut laisser des traces de son action mécanique. Aujourd'hui que cela ne dépasse plus les limites de notre connaissance, ce n'est plus un miracle c'est un fait métapsychique.

Ne vous alarmez pas de la vulgarité du phénomène, ce mouvement de table, que vous méprisez comme une jonglerie, prouvera tout au moins l'existence de l'âme ; elle nous montre l'inertie de la matière asservie à la force qui lui dicte son mouvement. Cette arme est mortelle pour le matérialiste, ne la rendez pas inefficace parce qu'elle est entre nos mains. Les premiers chrétiens s'en sont servis pour donner la réplique aux païens se servant du même phénomène. (Voir Tertullien).

Les objets peuvent se mouvoir sans contact apparent ; et cela se produit autour des Saints comme dans les maisons hantées et comme autour des médiums. Cela n'empêche pas l'intervention des puissances célestes ; au commandement de saint Martin de Tours ou de saint Grégoire, les idoles se brisent, comme un médium brise quelquefois à distance les instruments de contrôle qui lui déplaisent. Les annales de l'Eglise, écrit l'abbé Migne, sont remplies de faits de ce genre et nous pourrions en citer un grand nombre. Saint Satyre fut décapité pour avoir renversé une idole en soufflant dessus ; une statue de Vénus tombe d'elle-même devant saint Porphyre. Les esprits sont les âmes des hommes ayant vécu sur la terre et passés dans l'au-delà, ni anges, ni démons ; ils agitent les cloches, ils ouvrent les serrures et annoncent leur présence par des coups frappés; le spiritisme se retrouve dans toute l'histoire des saints, ne récusez pas vos propres témoins !

Tous ces phénomènes psychiques qui ont édifié ou scandalisé les générations crédules ne peuvent plus tenir dans le cadre des conceptions religieuses dont la mystique de l'abbé Ribet constitue le type le plus flagrant. Il lui est impossible de citer un miracle qui n'ait, en face de lui, sa contrefaçon, et cela ne peut s'expliquer en dehors de la science nouvelle à laquelle le spiritisme a donné naissance.

Il faut reconnaître que la suggestion a joué un rôle considérable dans la vie de quelques saints. Nous ne nions pas la possibilité des rapports psychiques avec les entités célestes, mais nous constatons que ces rapports sont le plus souvent terrestres. Il est permis d'étudier ces rapports que la télépathie nous révèle, car nous pensons que ce sont toujours les moyens de la nature que les messagers de Dieu mettent en œuvre et nous étudions les apparitions jusque dans leur processus de formation substantielle.

Les âmes du purgatoire ont donné bien des preuves de leurs manifestations objectives ; c'est donc un fait admis par l'Eglise qu'une forme fantômale peut se revêtir de substance pour acquérir la visibilité. La chimie analysera cette condensation matérielle d'éléments physiologiques momentanément empruntés à la nature. Quant aux visions subjectives nous en voyons la contrepartie expérimentale dans les effets de la télépathie qui peut créer des images égales à la réalité. Nous ne craignons pas que Dieu condamne une mauvaise interprétation de ces problèmes que lui-même a posés devant nous. C'est un sujet bien digne de tenter nos efforts, car il n'est pas de vérités cachées qui ne soient appelées à être révélées.

Beaucoup de mystiques, qu'on nous présente comme des saints et des saintes, vivaient dans une suggestion continuelle ; ils objectivaient leurs rêves qui avaient, pour eux, toutes les apparences de la réalité. De même que les sujets de nos jours voient et caressent un mouton imaginaire, de même ils voyaient l'Enfant-Jésus avec conviction, et ils le caressaient avec une perfection de jeu déconcertante.

Merveilleusement suggestionnés par l'éducation, par la contagion du milieu et par les pratiques de la vie monastique, ils tombaient en catalepsie à propos de rien et à propos de tout ; au son de la cloche, à la vue du crucifix, à l'audition d'un chant d'église ; les confesseurs remplissaient auprès d'eux le rôle du magnétiseur. Il est souvent facile de reconnaître cet état de rapport qui livrait ces sujets passifs à tous les caprices d'un directeur de conscience.

La première caractéristique de ces états est l'insensibilité. Les théologiens croyaient alors que l’âme, ravie en Dieu, était si bien absorbée par cette occupation sainte qu'aucune douleur ne l'en pouvait distraire. Cette insensibilité était naturelle puisqu'elle est inhérente à tout sujet en état de catalepsie, et analogue aux faits constatés par les premiers magnétiseurs. Mais comme les incrédules sont partout les mêmes, le phénomène a donné lieu aux mêmes incidents.

Les incrédules ne voient que leurs préjugés, ils ne regardent jamais les faits. Au siècle dernier, les matérialistes eux-mêmes croyaient que le fait était miraculeux et, ne croyant pas au miracle, ils niaient l'insensibilité et c'est en toute assurance qu'aux séances du magnétiseur Lafontaine, un imbécile enfonçait de toute sa profondeur la lame de son canif dans la cuisse d'un sujet, confondant l'insensibilité avec l'invulnérabilité.

La même chose est arrivée à sainte Catherine de Sienne lorsqu'elle était à Avignon. Aux beaux jours de la croyance, cette confusion était excusable ; puisque Dieu la rendait insensible il n'était pas plus difficile à Dieu de rendre la sainte invulnérable. Ainsi raisonnait la sœur du pape Grégoire XI, qui vint, avec beaucoup de personnages de qualité, voir l'extase de Catherine de Sienne. S'imaginant qu'elle avait affaire à une simulatrice, elle feignit de se baisser, par dévotion, vers les pieds de la sainte et les perça à plusieurs reprises avec une longue épingle ; quand celle-ci eut repris l'usage de ses sens, elle en éprouva une si grande douleur qu'elle pouvait à peine marcher. « Catherine, écrit son confesseur, n'aurait pas remué, alors même qu'on lui eût coupé les pieds..., nous en avons été mille fois témoins, les membres restaient immobiles et raides et il eût été plus facile de les rompre que de les changer de place. »

Il est impossible de nier que les discours prononcés dans cet état ne différaient pas de la médiumnité parlante ; nous en retrouvons tous les caractères, l'exubérance du sentiment religieux, le parler en langues non apprises, et la faculté, dans la transe suivante, de reprendre la suite du discours commencé. A défaut de rapports scientifiques les narrations suffisent à nous édifier ; le confesseur de Catherine nous dit que ce n'est que pendant ses extases qu'elle dictait ses lettres et son livre ; ce qu'il y avait de merveilleux, dit-il, c'est qu'obligée d'interrompre pendant plusieurs jours ces dictées, elle reprenait sans hésitation à l'endroit où elle en était restée.

Des crises semblables se manifestaient chez quelques prédicateurs, citons, au hasard, Thomas de Villeneuve qui tombait en catalepsie lorsqu'il montait en chaire ; il faisait alors des discours admirables, il parlait comme un ange du ciel, disaient les témoins. Un jour qu'il récitait le bréviaire avec son chapelain, il fut ravi depuis six heures du matin jusqu'à cinq heures du soir, il n'avait aucune conscience du temps écoulé et demanda simplement où on en était resté.

Saint Joseph de Copertino tombait en transe si souvent que sa messe était toujours interrompue ; on finit par le confiner dans sa cellule. Dans cet état, écrit l'abbé Migne, on avait beau le traîner par terre, le piquer avec des aiguilles, lui disloquer les doigts, lui brûler les membres avec des cierges allumés, lui enfoncer le bout du doigt dans les yeux ou des aiguilles sous les ongles, il ne sentait rien. Aucun souffle ne sortait de sa bouche et la pupille était cachée sous la paupière supérieure.

Les paroles proférées ou écrites durant ces crises nous ont été présentées comme des révélations. Pour les prédications extatiques de Jeanne de la Croix on en a publié 783 feuilles in-folio, mais il ne faut pas trop examiner toute cette littérature ; qu'il nous suffise de citer le pieu confesseur de Catherine de Sienne, Raymond de Capoue. Voici quelques-unes de celles qu'il trouve les plus sublimes : sainte Catherine voyait Notre Seigneur introduire son âme dans la plaie de son côté. La Sainte Vierge la nourrissait de son lait. Sainte Madeleine venait lui raconter les communications qu'elle recevait sept fois par jour dans le désert. Saint Paul, saint Jean, saint Dominique, saint Thomas d'Aquin venaient tour à tour la visiter. Un jour Jésus-Christ, venant à elle, portait son cœur à la main, il s'approcha, ouvrit son côté gauche, y plaça le cœur qu'il avait apporté et lui dit : « Ma fille bien-aimée, j'ai pris l'autre jour ton cœur, aujourd'hui je te donne le mien et c'est lui qui te servira désormais. » La sainte continua à vivre dans cette idée fixe ; Jésus avait refermé sa poitrine en y laissant une cicatrice qu'elle montrait à ses compagnes.

Malgré un luxe vraiment excessif d'approbations canoniques, les révélations de Marie d'Agréda ne sont pas toujours édifiantes, ou plutôt elles le sont trop. Que Marie, mère de Jésus, soit apparue à saint Jacques en Espagne, cela est admissible, mais ce qui l'est moins c'est la substance même de la révélation écrite. La vierge Marie, encore vivante à Jérusalem, parle d'elle-même comme on parle aujourd'hui de la Reine du Ciel ; elle est accompagnée, en se montrant à saint Jacques, d'anges qui chantent l'Ave Maria et tous les chants liturgiques qui ne furent composés que beaucoup plus tard et, pour comble d'invraisemblance elle ordonne à Jacques de lui construire une église, telle est l'origine révélée de la fondation de N.-D. del Pilar, plus tard rebâtie par les fidèles, mais il reste un apport qui date du premier siècle, c'est une statuette de la Sainte Vierge, formée par les mains des anges, longtemps avant sa mort. Citons un passage de cette révélation : « Les anges portaient une petite colonne de marbre ou de jaspe et ayant formé d'une autre matière différente une image, qui n'était par fort grande, de la Reine du Ciel, ils la portaient avec beaucoup de vénération et ils avaient préparé tout cela cette même nuit, avec l'activité et la promptitude qui leur est naturelle quand Dieu leur donne le pouvoir d'agir sur quelque chose[35]. Il s'agit là d'une petite statuette en bois fort grossière qui se voit encore, je crois, en l'église de N.-D. del Pilar, à Saragosse.

Bien entendu, nous ne nions pas la sainteté, ni les phénomènes de Marie d'Agréda, elle avait une médiumnité extraordinaire, mais comme tous les médiums qui font abdication de leur volonté et de leur jugement elle a été mystifiée et, avec elle, l'ont été les examinateurs et qualificateurs du Saint Office, les professeurs en théologie, le Provincial, le Père Général ainsi que l'inquisiteur ordinaire qui avec une unanimité touchante, et à l'aide d'arguments qui ne manquent pas de saveur, nous assurent que la révélation porte l'empreinte de l'inspiration divine.

Aujourd'hui on comprendrait bien mieux l'explication spirite, en disant que tout cela est du à l'inspiration des âmes pieuses encore tout imprégnées de suggestions post-mortem, et croyant bien faire en donnant des communications édifiantes.

Tous ces mystiques qui menaient la vie du couvent étaient ainsi dominés par une idée fixe qui ne les quittaient pas tout de suite dans l'au-delà. Ce genre de suggestion variait avec les tempéraments. En examinant les dossiers, on est contraint d'avouer que les apparitions de la Vierge se trouvent d'une fréquence invraisemblable du côté des hommes, tandis que, du côté des saintes, c'est toujours le Christ ou l'enfant Jésus qui apparaît. De plus, la révélation se traduit, pour les uns, en effusion d'amour parfois scandaleuses, tellement elles ressemblent aux épanchements humains, et pour les autres, en ordres impitoyables qui les poussent à la pénitence et à des mortifications si cruelles qu'elles provoquent le dégoût. Les effets varient avec la suggestion qui pousse les uns vers la contemplation des joies célestes, les autres vers les visions de l'enfer et de ses supplices.

Mais où la responsabilité de l'Eglise me paraît effrayante c'est dans la pression qu'elle a toujours exercée sur les consciences faibles. L'état de rapport magnétique existe évidemment entre le confesseur et sa victime.

Cette passivité dans l'état de rapport a toujours été exploitée comme une marque de l'approbation divine. Dans sa soif de domination l'esprit clérical a toujours exalté comme une vertu cette obnubilation de la volonté contre laquelle Jésus nous met en garde. Cette exploitation a été surtout remarquable autour des extatiques du XIXe siècle ; c'était la sainte vertu d'obéissance qui servait à prouver la sainteté des stigmatisés du Tyrol. L'état d'extase de Marie de Moerl étant devenu habituel, son confesseur, en 1 832, entreprit de régler cet état en vertu de la sainte obéissance. Effectivement, disent les rapports, l'extase ne cessa jamais que par l'ordre de son confesseur..., cette obéissance est la marque assurée de la sainteté de son état. On lui a parfois intimé l'ordre sans aucun bruit de paroles et, même d'une chambre voisine, voulant par là s'assurer qu'elle n'était en proie à aucune illusion mensongère, mais qu'elle était réellement conduite par l'esprit de Dieu.

Cette interprétation est constante dans la littérature pieuse, l'abbé Migne l'explique ainsi. Les extatiques sont toujours en union avec l'Eglise, ils lui sont donc attachés par les liens de l'obéissance ; ils doivent donc obéir à ceux qui ont le droit de commander en son nom.

Joseph de Copertino était constamment en catalepsie ; un jour on ne put lui arracher des mains le calice, qu'il tenait serré contre sa poitrine, jusqu'à ce que son supérieur lui eut commandé : Père Joseph, lâchez-le au nom de l'obéissance. Ainsi il demeurait en extase jusqu'à ce que l'esprit le quittât, ou que le commandement de ses supérieurs l'en fit sortir. Il disait qu'il n'entendait point leurs paroles, mais que c'était Dieu qui, à cause de l'obéissance, le rappelait à lui.

Sous prétexte de montrer à ses compagnons les merveilles de la sainte vertu d'obéissance, le prieur d'un couvent ordonnait à saint Dominique de Jésus-Marie, alors qu'il ne pouvait entendre sa voix, de se jeter à l'eau. Le même prieur proposait à quelques ecclésiastiques de le réveiller en son nom, mais Dominique n'obéissait pas avant que le Supérieur eût consenti mentalement. Comme on le voit, les miracles d'autrefois se répètent encore de nos jours, ils sont devenus l'hypnotisme, nous voyons, dit l'abbé Migne, la vertu sublime de l'obéissance s'étendre jusqu'à mourir par l'ordre et au moment indiqué par le supérieur.

Toutefois il conseille la prudence parce que le commandement, dans ce cas, s'adresse à Dieu et, s'il était accompagné du plus léger sentiment d'orgueil, ou de curiosité, il pourrait trouver facilement de la résistance. Autrement dit : si le commandement est bien envoyé, Dieu lui-même s'empresse d'obéir.

Là, encore, c'est la suggestion qui agit. Un jésuite endurant de grandes souffrances dit à son supérieur : Mais je mourrai quand vous voudrez, vous n'avez qu'à le commander et j'obéirai. Le supérieur lui dit alors : Je vous ordonne de mourir ! Et il mourut.

Dans son petit chef-d'œuvre intitulé, l'Etre subconscient, le Dr Geley a fort bien démontré qu'il fallait faire une distinction capitale entre les phénomènes d'ordre inférieurs, relevant de l'automatisme cérébral, et les phénomènes d'ordre supérieurs qui demeurent inexpliquée. Chacune de ces deux catégories se rencontre dans la mystique, et tout en laissant à la seconde les révélations de Sainte Thérèse et les vrais miracles, nous devons bravement rejeter dans la seconde catégorie des faits qui ont cessé d'être miraculeux.

Mais nous ne rejetons pas pour cela l'intervention de l'invisible, les théologiens nous ont présenté comme manifestation divine des faits spirites, tombons d'accord pour en déterminer la source, mais il faut reconnaître la similitude des faits attribués à Dieu et au démon. Christine l'admirable était très liée avec les sœurs de Sainte Catherine. « Un jour qu'étant assise avec elles elle parlait de Notre Seigneur, elle fut, tout à coup et sans s'y attendre, saisie par l'esprit. Son corps se mit à tourner en rond comme une toupie agitée par des enfants, avec une telle rapidité qu'on ne pouvait plus distinguer la forme de ses membres..., quand elle eut repris son calme elle se mit à crier : « Amenez-moi toutes les sœurs afin qu'elles louent avec moi le Seigneur... Toutes accoururent... Elle se mit alors à entonner le Te deum..., elle chantait en latin d'une voix si ravissante que ce semblait être plutôt le chant d'un ange que celui d'un mortel...[36].

Il n'y a pas lieu de classer ce phénomène dans une autre catégorie que celle des faits similaires obtenus par Home et Stainton Mosès dans des séances de spiritisme. L'état de transe, chez Home, bien qu'il ait été jugé durement par certains religieux, n'a jamais atteint ce degré de trivialité. Les phénomènes n'en restent pas moins valables, mais les spirites en attribuant leurs communications aux désincarnés ne nient pas pour cela, l'action divine, tandis que les théologiens, recourant à l'action directe et personnelle de Dieu, n'admettent pas volontiers l'autre source ; les premiers peuvent donc sans danger pour leur hypothèse rencontrer des communications de valeur inégale, mais les seconds, s'ils n'admettent qu'une intervention surnaturelle, n'ont plus le droit de nous présenter des révélations médiocres.

La position du Spiritisme est donc beaucoup meilleure, il peut rejeter dans la catégorie des phénomènes inférieurs tout ce qui est décevant, et même attribuer, à des êtres inférieurs des manifestations grossières, tandis que l'Eglise s'appuyant sur de faux miracles qu'elle a depuis longtemps couvert de son estampille, n'accordant l'imprimatur qu'après examen, certificats et approbation de ses représentants, ou même de l'autorité papale, est mal qualifiée pour juger maintenant des faits qui diffèrent si peu de ceux qu'elle attribuait à Dieu. D'ailleurs les théologiens n'ont pu sortir de cette difficulté qu'en attribuant au démon un pouvoir égal à celui de Dieu. Nous retrouvons sans peine dans la vie des saints de quoi reconstituer, au complet, le dossier de la phénoménologie spirite. Les coups frappés, le bris des objets sans contact, les messages automatiques, les automatismes, les communications écrites, visuelles ou auditives apparaissent à chaque page de leur histoire, et ils apparaissent identiques à ceux que le Spiritisme s'efforce de faire reconnaître par la Science.

Comment les catholiques pourraient-ils contester des faits qu'ils n'ont jamais niés lorsqu'ils étaient attestés par des personnes pieuses ? Comment pourraient-il nous empêcher de publier des faits analogues à ceux que leurs historiens racontent d'après des témoignages dignes de foi ?

L'abbé Migne reconnaît que Catherine Emmerich entendait souvent des coups frappés par les âmes de ceux pour qui elle priait. Lorsqu'on retirait du couvent d'Albe le corps de sainte Thérèse, toutes les religieuses entendirent distinctement, et à plusieurs reprises, des coups frappés avec force dans l'endroit où elle était déposée.

Ces coups extraordinaires, si bien étudiés avec Eusapia, peuvent être produits par une main presque toujours invisible, cependant il m'a été donné de la voir, de la sentir flatter mon épaule ou faire, sur moi, un signe de croix.

Mais elle peut aussi vous envoyer autre chose que des caresses, quelques sceptiques de marque en ont fait la dure expérience et cette particularité se retrouve chez les saints médiums.

Sainte Brigitte écrivant ses révélations se faisait aider par le sous prieur du monastère d'Alvastre, mais celui-ci manquait de convictions. « Un jour qu'il persistait opiniâtrement dans le doute il se sentit frappé avec tant de violence qu'il en demeura comme privé de tout sentiment. Les religieux le transportèrent dans sa cellule où il resta à demi-mort pendant une grande partie de la nuit[37]. »

Les automatismes sont fréquents dans la prédication, c'est sous cette forme qu'apparaissait le don des langues, mais les états d'hypnose vulgaire étaient sans doute plus fréquents.

Ainsi, dit Gœrres, Madeleine de Pazzi parlait par manière de dialogue, tantôt avec le Père Eternel, tantôt avec le Verbe incarné, tantôt avec le Saint Esprit, la Sainte Vierge et d'autres saints, faisant les demandes et les réponses en leur nom ou en son nom propre, suivant les circonstances, et elle changeait de voix à chaque fois.

Dans ses états d'extase elle ne s'arrêtait pas de coudre, de découper ou de peindre des images et l'obscurité ne troublait point ces occupations. Elle rêvait que la grâce lui était enlevée, alors elle se voyait assaillie par les démons, elle entendait les rugissements des bêtes féroces ; enfin elle avait des visions du purgatoire où l'auto suggestion jouait un rôle évident.

Jeanne de la Croix parlait le latin, le grec, l'arabe..., etc., quoique, hors de l'extase, elle ne comprit aucune de ces langues. Le cas de la fille du juge Edmund qui fit grand bruit aux débuts du spiritisme était encore plus remarquable.

Pour l'écriture automatique nous pouvons citer le cas de sainte Hildegarde qui, complètement illettrée, se mit à écrire à l'âge de 42 ans. Il lui fallait recourir à un moine pour déchiffrer son griffonnage parce que dans l'impossibilité où elle était de séparer les mots, toutes les syllabes se trouvaient confondues. Le fait paraissait tellement miraculeux à cette époque que le pape Eugène vient à Trêves, avec dix-huit cardinaux, pour s'en rendre compte. Après examen ces révélations furent canoniquement approuvées, en 1148, par le concile et par le pape. La sainte avait alors cinquante ans.

L'écriture miraculeuse de Catherine de Sienne est ainsi expliquée dans une lettre écrite à son confesseur ; ne sachant ni lire ni écrire elle s'exprime ainsi : « J'ai écrit moi-même cette lettre et celles que je vous ai déjà envoyées, car Dieu m'a donné la facilité d'écrire afin qu'en sortant d'extase je puisse décharger mon cœur et, comme le maître qui instruit l'élève lui montre le modèle qu'il doit copier, il a mis devant les yeux de mon esprit le modèle des choses que je vous écris. »

Nous sommes bien obligés d'exclure du domaine surnaturel certaines de ces révélations écrites ou entendues que nous rapportent les hagiographes. Qu'est-ce qu'un message qui comme celui de la Bienheureuse Marguerite-Marie appelle Louis XIV : le fils aîné de son Sacré-Cœur..., et qui lui fait écrire que sa naissance temporelle a été obtenue par la dévotion aux mérites de sa Sainte Enfance... ? Est-ce Dieu qui s'exprime ainsi ? Ne voit-on pas qu'il n'y a là que le reflet de la mentalité bizarre d'une dévote en l'an de grâce 1689. L'Eglise a couvert ce message de son autorité, il a été l'origine d'un culte approuvé par le Pape Léon XIII, le 25 mai 1899.

Par contre l'Eglise a mal interprété la médiumnité auditive de notre Sainte Jeanne d'Arc. Plus de dix ans après sa mort elle était encore traitée d'hérétique, de sorcière et de relaps par toute la chrétienté qui, en cela, s'appuyait sur le jugement de l'Eglise, puisque Rome avait engagé sa responsabilité en faisant figurer le légat du pape au procès de Rouen.

A côté de cela on peut regretter que l'approbation canonique ait été accordée à certaines mystifications pieuses ; on me répondra que les prédicateurs en chaire en citent de tout à fait réjouissantes qu'ils mettent à l'actif du Spiritisme ; oui, mais ils ne peuvent pas les authentifier parce qu'aucune autorité ne les couvre, le Spiritisme enseigne qu'aucun phénomène ne peut être accepté avant d'avoir été scientifiquement contrôlé et qu'une communication n'a d'autre valeur intrinsèque que celle des preuves qu'elle peut fournir de son origine et dans la mesure où elle peut satisfaire la raison.

La vérité est que Mysticisme et Spiritisme sont également dangereux et peuvent conduire aux mêmes abîmes ; il n'y a de sécurité que sous l'égide de la science seule capable désormais d'abriter notre foi.


CHAPITRE XV - Autour des morts

Les morts seuls peuvent être en mesure de nous prouver la survie ; mais pouvons-nous invoquer leur témoignage ?

Il n'y a pas le moindre doute à cet égard, l'Eglise ancienne approuvait l'évocation des morts ; d'ailleurs la prière n'est pas autre chose qu'une évocation et, si les saints ont pu répondre à notre appel par des effets sensibles, soit en apparaissant, soit en donnant des communications écrites, verbales ou auditives, ou bien encore en produisant des mouvements et des modifications dans la matière, nous avons là l'équivalent des phénomènes spirites dont les annales hagiographiques nous ont conservé tant d'exemples.

Dès les premiers siècles les communications s'établissent entre les fidèles et les saints. Saint Paul écrivait. Vous pouvez tous prophétiser l'un après l'autre. Saint Jean Chrysostome se vantait d'un commerce journalier avec les saints et les apôtres, et il mettait ces rapports en parallèle avec ceux du prince et de ses courtisans, pour établir la supériorité de la vie monastique[38].

Dans le huis clos de sa cellule, saint Martin s'entretenait avec Agnès, Thècle et Marie, matérialisées ; et le même saint, qui fut un médium puissant, allait évoquer les morts sur leurs tombeaux, les interrogeait sur leur état, et en recevait des réponses. On a même vu des conciles associer la manifestation spirite à leurs décisions ; c'est ainsi que deux pieux évêques Chrysanthus et Mysonius, étant mort avant la fin d'un concile, furent priés d'approuver les décisions cachetées que l'on déposa dans leur tombeau.

Après toute une nuit passée en prière, on brisa les sceaux et on trouva, avec les signatures des défunts, au bas du manuscrit, les lignes suivantes en écriture directe : « Nous Chrysanthus et Mysonius, qui avons consenti avec tous les pères au premier et saint Concile Œcuménique, quoique à présent dépouillés de nos corps, nous avons pourtant souscrit, de notre propre main, à leur décision. » L'Eglise, ajoute Nicéphore qui raconte le fait après Grégoire de Césarée, considéra cette manifestation comme un triomphe remarquable et positif sur ses ennemis.

Le pape saint Léon déposa dans le tombeau de saint Pierre une lettre qu’il adressait à Flavien évêque de Constantinople, puis il se mit à prier et à Jeûner pendant quatre jours ; après quoi le prince des Apôtres lui dit : « J'ai lu et corrigé. » On ouvrit le tombeau et on trouva, en effet, la lettre corrigée[39].

Ces choses seraient incroyables si des faits analogues ne s'étaient pas produits de nos jours devant témoins.

Le baron de Guldenstubbé qui, après avoir consacré toute sa vie à la démonstration de l'immortalité de l'âme, obtint, devant plusieurs témoins, de nombreux spécimens d'écriture directe, a publié le résultat de ses expériences[40]. Et nous dirons avec lui : « Il n'y a pas un seul chrétien qui refuserait de recevoir une preuve matérielle et morale à la fois de l'existence de l'âme dans un monde meilleur, tel que le phénomène de l'écriture directe des esprits. »

Le baron de Guldenstubbé obtenait ce phénomène par la prière et cela ne diffère en rien de ce que nous rapporte, par exemple, le P.Giry (t. I, p. 62I). Saint Jean l'aumônier était mort sans avoir pu rendre, à une pauvre femme, la confession écrite qu'elle lui avait confiée, d'où anxiété de la femme qui se relira vers son tombeau et persévéra durant trois jours et trois nuits dans la prière, jusqu'à ce que le mort lui rendit son billet scellé. La femme l'ayant décacheté y trouva son péché effacé et, à la place, étaient écrites ces paroles : Par le mérite de mon serviteur Jean, ton péché est effacé. Voici donc une femme, qui n'était pas une sainte, qui obtint un apport et de l'écriture directe.

Un autre exemple d'apport avec écriture directe se trouve dans la vie de saint Ouen, archevêque de Rouen[41].

Celui-ci voulant emporter, comme relique, le chef de saint Marcoul en reçut l'avis de prendre un autre membre, mais de laisser la tête. Cet avis, spécifie le P. Giry, ne vint point d'une voix articulée mais d'une lettre écrite qui lui tomba miraculeusement entre les mains.

On ne comprend pas, après tant d'exemples, comment le P. Mainage a pu affirmer que l'Eglise, de tout temps, a prohibé les communications d'outre-tombe, tout, au contraire, tend à prouver que les premiers chrétiens connurent toutes les formes de la médiumnité et, si un pape a pu consulter saint Pierre dans son tombeau, c'est qu'il y avait eu, déjà, des antécédents connus.

Les Spirites ne font pas autre chose que de demander ce que les esprits veulent bien, ou peuvent communiquer ; et ils ont toujours enseigné que le phénomène ne dépend pas de leur volonté. Nous n'avons pas la prétention de faire quoique ce soit sans la permission de Dieu, le prêtre au contraire semble, quelquefois, mettre ses pouvoirs magiques au-dessus des jugements de Dieu, par exemple, lorsqu'il ressuscite un mort pour lui donner le baptême, pour le confirmer, ou pour le confesser. Qu'en pense le père Mainage qui prétend que la mort fixe notre sort irrévocablement ? L'Eglise cependant nous assure qu'il y a des privilégiés rappelés à la vie, non pour réparer leurs fautes, mais pour être arrachés à l'enfer par le geste magique du prêtre.

On nous objecte que les esprits, peuvent être bons ou mauvais, mais il en est de même des hommes qui nous entourent, qui exercent sur nous leur influence et dont on se défie bien moins que d'un message de l'au-delà qui n'a, pour nous, aucune valeur dogmatique et que son origine même nous indique toujours comme suspect jusqu'à ce que nous l'ayons soumis à une analyse sévère.

Si, l'ingéniosité des hommes, incarnés ou désincarnés, a pu surmonter l'obstacle organique qui s'oppose à la correspondance occulte, c'est que Dieu nous permet de faire usage de l'intelligence qu'il met en nous. Si la clairvoyance est une faculté de l'âme j'en fais hommage à Dieu plutôt qu'au démon, D'ailleurs j'apprends par l'abbé Migne qu'une leçon de l'ancienne liturgie célèbre en ces termes les communications de l'au-delà : O indissoluble charité des citoyens célestes ! O admirable magnificence du Christ qui procure à ses saints, séparés corporellement mais unis déjà par une mutuelle charité, la joie de s'entretenir ensemble dans une vision spirituelle. Un soldat émérite couronné dans les cieux adresse la parole à celui qui se trouve encore posté sur le champ de bataille de cette vie trompeuse !... Eh mon Dieu ! Si l'on remplace les mots, « séparés corporellement » par celui de « désincarnés » nous verrons, là, la pure théorie spirite. Qu'on n'objecte pas que nos communicants ne sont pas des saints, d'abord parce qu'il ne faut juger personne et ensuite parce que les saints ont communiqué eux-mêmes avec les âmes souffrantes et avec les damnés. Que l'Eglise s'occupe de juger les morts si bon lui semble ! Nous nous réservons de juger les raisons de croire à leur identité. Un être inférieur, une âme souffrante, peut indiquer son état civil et ce sont là des indications précieuses ; mais des esprits cultivés font mieux, ils collaborent à nos efforts. Les membres décédés de la Société d'Etudes pour les Recherches psychiques font des efforts visibles, dans l'au-delà, pour prêter de temps à autre leur concours à leurs anciens collaborateurs. Le fils de sir Olivier Lodge a prouvé son identité, le fils de Conan Doyle a prouvé son identité, et combien de livres sérieux ont été consacrés à l'étude de preuves semblables.

A la modalité des phénomènes on objecte l'impossibilité pour l'âme de mouvoir un corps. Mais cette action n'est pas nécessaire ; il ne faut pas dire que le médium opère par la vertu de son corps astral extériorisé, mais par la communion télépathique qui unit toutes les âmes entre elles, ou qui crée une possibilité d'union. C'est-à-dire que si je suis dans un certain état de rapport avec une personne éloignée je puis provoquer, en elle, certains automatismes. Cette personne écrira sous ma dictée si elle est sensitive et automatique ; si elle est médium de table ma pensée s'exprimera par ses activités propres ; il n'y aura, là, qu'un certain état de rapport entre deux âmes dont l'une est active et l'autre passive.

Est-ce à dire que les êtres spirituels ne peuvent pas faire la même chose ? Dieu n'a-t-il pas des messagers capables d'agir sur la matière ? Il serait absurde de le nier. Ce n'est pas Dieu en personne qui sonne les cloches, qui ouvre les serrures, qui fait tomber les liens de saint Pierre ; nous croyons plutôt que les anges interviennent sous des formes qui excèdent les pouvoirs de l'homme, mais qui n'excèdent en rien les possibilités de la Nature. La télépathie agit à distance, elle peut inspirer des cerveaux, elle peut déclencher des automatismes et c'est par des expériences de vivants à vivants que nous pouvons acquérir la certitude absolue de l'activité d'une force étrangère dans la manifestation de la médiumnité.

A quoi on objecte que si l'on peut vérifier l'action d'une force étrangère d'agent à percipient, cela sera toujours invérifiable entre vivants et désincarnés. A cela nous répondons que le contenu du message peut y suffire ; c'est lorsqu'il révèle ce que le médium n'a pas pu connaître. Et comme il n'y a pas de réponse possible on va chercher l'invérifiable hypothèse du subconscient omniscient, omniprésent et omnipotent, qui fouillerait dans le passé dans le présent et dans l'avenir, ce qui lui permettrait de jouer la comédie, non plus d'une personnalité fictive mais d'une personne réelle, dont elle copie la signature, dont elle utilise les souvenirs et les connaissances et le père Mainage lui-même ne recule pas devant la nécessité de recourir à un argument dont il ne croit pas un mot. – « Avons-nous oublié, dit-il, que, dans la doctrine du spiritisme, ce corps astral actuellement réincarné a vécu des centaines d'existences antérieures ? Il a pu être, suivant les époques, mage d'Orient, philosophe de haut lignage, roi, empereur... Au cours de ses innombrables avatars, il a pu lui aussi, autant que n'importe quel esprit de l'espace, emmagasiner un trésor de connaissances[42]. » Il est piquant de voir l'auteur, qui ne croit pas un mot de la doctrine réincarnationiste, s'appuyer sur elle. Si l'argument a quelque valeur, contre les spirites, il n'en a aucune pour lui-même, car donner et retenir ne vaut. Accordons cependant que le raisonnement ait de la valeur ; il est en effet très difficile d'établir une preuve d'identité, l'absolu n'étant pas de ce monde. Mais le clergé n'a jamais pensé à invoquer cet argument contre l'identité des âmes du purgatoire qui se manifestent si souvent, il n'a donc pas le droit de se montrer si exigeant. Nous allons donc chercher dans la littérature pieuse et, laissant de côté le spiritisme contesté par le père Maillage, nous allons nous appuyer sur les faits spirites les plus orthodoxes. A nous sainte Philomène.

Sainte Philomène est une entité de l'au-delà entièrement ignorée avant le XIXe siècle. On en a fait une sainte parce quelle a produit, dans l'ordre physique, ce genre de manifestations que l'on croit miraculeuses et dont il serait impossible de contester le caractère spirite. Le pape Grégoire XVI en autorisa le culte public en 1837.

Il s'agissait, là, d'une manifestation très rare et très supérieure aux petits phénomènes qui n'ont qu'une valeur expérimentale, mais le processus est toujours le même ; il a fallu que l'entité inconnue puisât. d'abord, dans le plan éthérique les éléments du corps astral qui lui était nécessaire pour se manifester. Il lui fallait, ensuite, l'anonymat, car une personnalité quelconque, telle que celle d'un apôtre, ou d'un grand saint, n'aurait jamais pu se faire accepter.

La puissance en question saisit donc l'occasion de la mise au jour d'une pierre tombale de sainte Philomène, trouvée au cours des fouilles faites à Rome dans les catacombes desainte Priscille, pour se manifester. Ce furent d'abord de petits phénomènes lumineux qu'on remarqua, se dégageant du sang desséché dans une ampoule, et qui donnaient l'impression de l'or, du rubis, de l'émeraude..., etc. Le transfert du corps dans une châsse fut l'occasion d'un second phénomène spirite, celui d'objets rendus lourds et légers. La châsse immobilisée sous les efforts de plusieurs hommes réunis devenait ensuite légère comme une plume.

Arrivée à destination les miracles continuèrent ; le corps était déplacé dans la châsse, on constatait des apports et des modifications de la matière, une statuette enfermée dans une caisse qui avait huit palmes de largeur, passait sans encombre par un recoin qui n'en mesurait que trois, et sans que les porteurs s'en aperçussent... Mais l'analogie, avec les phénomènes spirites, est plus frappante encore dans les apports et les apparitions. La foule des spectateurs était ravie en admiration devant les transfigurations de la maquette de cire qui représentait la sainte ; et pour me servir d'un terme nouveau un véritable ectoplasme se formait au-devant de la figure de cire, s'animait, composait un visage d'une beauté céleste passant, selon les circonstances, par les expressions de la bienveillance ou de la sévérité. On la voyait ouvrir ou fermer les yeux, phénomène bien connu des spirites, ou encore une lumière extérieure éclairait son visage dans l'obscurité. Ses petites images se détachaient des murs où elles étaient accrochées, elles se soutenaient d'elles-mêmes dans une position d'équilibre.

Ces simples manifestations ne pouvaient avoir pour but que de frapper les imaginations et l'enthousiasme soulevé par ces moyens mettait à la disposition de la sainte les forces médiumniques des fidèles qui étaient présents et dont les éléments plastiques (corps éthérique) pouvaient fournir la substance. Mais on pense bien que la sainte n'était pas venue pour amuser le public par ces jeux dignes des spirites amateurs. Elle avait une mission beaucoup plus haute, mais il fallait commencer par se faire connaître.

A huis clos, elle affirma son identité à trois personnes différentes (correspondances croisées), elle se fit connaître aussi au curé d'Ars et à bien d'autres, mais, de son œuvre occulte nous ne dirons pas un mot, ne voulant pas nous engager du côté de la mystique.

La première petite fille baptisée du nom de Philomène fut visitée par elle et, chaque nuit, le voile qui enveloppait l'enfant était trouvé, au matin, enlevé et soigneusement plié[43]. Quand on renouvela la châsse, le corps de la sainte grandissait, au point que les cheveux, par suite d'un changement de posture, laissaient paraître un vide disgracieux ; une abondante multiplication des cheveux de soie combla cette lacune. On cite, d'elle, plusieurs apparitions pour lesquelles elle semble s'être montrée en vision corporelle (matérialisation).

Mais le plus merveilleux phénomène spirite, et le plus authentique, à moins d'une imposture consciente de la part des témoins, fut le phénomène d'apports par la multiplication des livres et des images.

Don Francesco qui s'était fait l'apôtre le plus zélé de la sainte ne pouvant donner, à l'évêque de Lucera, le nombre d'images demandées, assure que sainte Philomène en apporta trois cents plus belles que l'original.

Mais la multiplication des livres s'est opérée presque toujours entre les mains de don François lui-même[44]. Après la deuxième édition de la Relation Historique on expédiait des livres sans que la pile diminuât. Pour suivre le phénomène de plus près, don François ferma la porte à clef et, au retour, il trouva le plancher couvert de livres au nombre de soixante-deux. Il referma de nouveau et ayant entendu un grand bruit il put constater une multiplication nouvelle. Cette fois les livres avaient été déposés, avec intention, debout sur le plancher, la tranche ouverte, d'autres exemplaires se tenaient horizontalement sur le dossier des chaises, d'autres sur les barreaux. On laissa les choses en l'état durant plusieurs semaines pour qu'une foule de personnes puisse les contempler. A Naples, d'autres possesseurs d'exemplaires obtinrent le même phénomène. Enfin le miracle se répéta avec la troisième édition, don François constata, un jour, un apport de 236 volumes, et, pendant plus d'une année entière, son dépôt parut inépuisable.

Serait-ce, là, du spiritisme sans esprits ? Que deviendrait, alors, l'autorité ecclésiastique qui a approuvé ces faits.

On peut me dire que cette approbation du culte n'entraîne pas, nécessairement, la croyance à tous les faits. Mais la question n'est pas là. Il faut répondre aux théologiens qui plaident l'impossibilité scientifique et l'absurdité théologique des actions de l'âme sur la matière ; et je leur réponds que, si c'était, là, une absurdité théologique, les auteurs pieux ne nous parleraient pas de ces choses avec l'approbation du pape Grégoire XVI. Sainte Philomène est morte il y a quinze cents ans ; elle s'est fait connaître, à nous, par le processus connu de nous. Elle a reproduit la série complète des phénomènes spirites, c'est là le côté accessoire et secondaire de sa mission, mais c'est un argument ad hominem contre ceux qui nient la possibilité de ces choses.

Pour nous, nous croyons à sainte Philomène pour d'autres raisons ; mais nous savons par l'expérience des maisons hantées que des apports considérables peuvent être faits par des esprits, et même nous entrevoyons une explication possible de cette action de l'âme sur la matière.

Le monde primordial étant d'essence spirituelle tout vient de l'âme et tout aboutit à la matière. La conscience de sainte Philomène réside sur le plan spirituel, elle s'est manifestée dans un corps astral qu'elle a dû revêtir momentanément pour agir sur des projections éthériques. Le corps éthérique est la partie mobile et extériorisable de l'organisme humain qui est susceptible de prendre toutes les formes et de s'adapter aux effets que l'on veut produire sur le plan physique, ces formes sont invisibles mais peuvent acquérir une certaine visibilité. Elles sont visibles dans les matérialisations partielles que nous retrouvons chez les saints Martin, Catherine de Sienne, Rose de Lima, sainte Philomène, etc., ne regardez pas les manifestations spirites d'un œil sévère sous prétexte qu'elles seraient moins belles, ceci explique cela.

Aujourd'hui sainte Philomène n'existe plus sur le plan physique, parce que, quoiqu'en dise le père Mainage, l'Ame n'est pas indissolublement unie au corps astral. Le spiritisme honore ces âmes lointaines, mais ce n'est qu'auprès de morts récentes qu'il cherche et recueille des manifestations, et ce n'est guère que sur leur tombe que les saints eux-mêmes se manifestent par des miracles d'ordre physique.

L'histoire des saints est une mine de documents, le spiritisme est un moyen d'expérimentation ; qu'on nous laisse étudier ces manifestations extérieures ; elles ne peuvent être le monopole de l'Eglise qui n'y a jamais rien compris. La preuve en est dans la façon dont elle interpréta les voix de Jeanne d'Arc ; elle reconnaît aujourd'hui son erreur et nous ne lui reprochons pas les choses du passé, mais nous réclamons son indulgence. Sainte Jeanne d'Arc et sainte Philomène sont des esprits de l'au-delà que les spirites prendront pour patronnes, elles sont fort capables de faire l'union sacrée, de concilier le point de vue scientifique et le point de vue religieux, à la condition que messieurs les théologiens ne viennent pas, avec leur casuistique, inventer des obstacles imaginaires.


CONCLUSION

La Religion, la Science et tous les observateurs sérieux sont enfin d'accord pour accepter la réalité d'un ordre de faits qui étaient ridiculisés autrefois, mais qui ne sont plus niables aujourd'hui. Nous avons voulu démontrer que quels que soient les préjugés répandus une première conclusion s'impose : les faits merveilleux attribués à Dieu, aux prophètes, aux saints et aux médiums ne portent, en eux-mêmes, aucuns caractères distinctifs de leur origine ; soyons donc unanimes à affirmer qu'ils sont réels ; il n'est pas seulement utile de faire cet accord, il est de toute nécessité que les masses indifférentes entendent cette affirmation et qu'elles n'aient plus de doute à cet égard.

Un travail synthétique, que je n'ai fait qu'ébaucher, permettra de se prononcer sur le véritable caractère de ces phénomènes, toujours identiques dans leur apparence extérieure, quels que soient l'état d'esprit, les opinions et les croyances des observateurs et des témoins.

Attirer l'attention du clergé sur l'étude scientifique du miracle, sur les avantages de ce mouvement spirite qui contient en lui un nouvel élément de foi et d'espérance, avec la charité pour dogme, est-ce une entreprise chimérique ou téméraire ?

Nous ne nous dissimulons pas les obstacles. Le Spiritisme se heurte aux sentiments de ceux à qui il est antipathique parce qu'il porte sur ses épaules le poids de près d'un siècle de railleries et de mensonges. Un scrupule irréfléchi retient encore ceux qui s'attachent désespérément au passé et qui croient tenir tout de la tradition. Mais la révélation n'est pas une chose qui s'est trouvée à l'origine du monde et qui nous a été transmise de père en fils à travers la nuit des âges ; elle est l'expression intuitive des meilleures intelligences et de la sainteté de tous les temps, et ceux qui ont su prendre sur les peuples l'ascendant qui s'attache à toute supériorité morale ont répandu leurs lumières sur le monde.

Il y a dans l'Eglise, des prêtres à la hauteur de toutes les sciences, des astronomes et des mathématiciens distingués, pourquoi n'y aurait-il pas des prêtres psychistes, métapsychistes et même spirites. Il y en a, nous en connaissons, qui prêtent à ces problèmes toute l'attention qu'ils méritent, mais ils ne peuvent pas travailler au grand jour.

Il ne faudrait pourtant pas subir une défaite morale en niant ce qui sera prouvé demain ; il faut se tenir à la hauteur des progrès qui vont se faire dans la science de l'âme ; ne croyez pas que tout sera perdu parce qu'il y aura quelque chose de changé à des formes de langage par trop anciennes, cela ne touche pas à l'essence de la religion. Rendez à l'âme ce qui appartient à l'âme et à la matière ce qui appartient à la matière ; laissez-nous étudier le corps de l'âme en ce qui touche à la physiologie. Laissez-nous étudier le Périsprit[45].

Que voulez-vous, l'âme ne peut pas survivre sans cet organe. Cela ne lui enlève rien de son prestige divin. Nous ne pouvons connaître Dieu que dans ses œuvres, la nature est son langage qu'il nous faut déchiffrer lentement. Nous n'aurons jamais d'autre certitude que celle acquise par nous-mêmes. Telle est la valeur des faits qu'aux premiers temps du christianisme ils convertissaient les païens, ce sont des faits qui, de nos jours, convertissent les savants en leur faisant toucher du doigt le néant de leurs théories biologiques. C'est nous, spirites, qui jetons à bas de leur piédestal les idoles du jour, réfléchissez à ce que vous faites en combattant contre nous.

Les faits scientifiquement constatés dans le domaine du Spiritisme, les mouvements d'objets sans contact, les lévitations, les manifestations multiformes de musique transcendantale, d'écriture automatique, d'actions sur la matière sont identiques à ce qu'on appelait autrefois le miracle, et ils ont la même valeur pratique. Ils n'ont pas, pour vous, la même apparence parce que les faits historiques, ceux de la Bible et ceux de la vie des Saints, ont été magnifiés dans des œuvres d'art qui s'imposent à vos imaginations ; mais la réalité était plus prosaïque, Dieu ne se manifeste pas en dehors de ses propres lois, elles suffisent à tout et nous devons travailler à les mieux connaître. Elles sont ignorées des hommes parce qu'elles restent cachées dans le mécanisme du monde, mais ce sont elles qui déterminent les courants psychiques, qui se révèlent à nous par l'intermédiaire des forces angéliques, humaines, ou animales ; ce sont elles qui s'étendent jusqu'à la matière, où elles provoquent le mouvement et la vie. en attendant que l'être individualisé, que l'âme ainsi créée monte, en passant par des formes successives, jusqu'au point où la conscience s'éveille, qu'elle progresse dans sa liberté pour atteindre un état d'identification toujours plus proche avec la divinité.

Ce que la religion n'a pas pu nous montrer avec certitude, la science de l'évolution nous l'enseignera; il faut apprendre aux hommes ce mouvement ascensionnel des êtres, que la doctrine spirite fait apparaître avec tant de logique et d'évidence.

D'ailleurs, nous aussi, nous nous appuyons sur l'évangile ; et nous voyons que le christianisme tire son prestige d'un magnifique passé de phénomènes auxquels on avait cessé de croire et que nous réhabilitons aujourd'hui.

Jésus ne s'est jamais manifesté en dehors des lois, puisqu'il a dit que, ce qu’il faisait, nous pourrions le faire nous-mêmes.

Pour son œuvre de rédemption il a suivi la loi du développement et de la progression organique ; il s'est incorporé et il a séjourné neuf mois dans le sein d'une femme, et nous voyons qu'il est mort, comme nous, par l'action lente du dégagement périsprital.

Tout cela ressort clairement de l'examen des textes. Trois jours après sa mort il dit à Marie-Madeleine qu'il n'est pas encore monté vers son Père. Celle-ci ne le voit qu'en vision probablement subjective ; c'est parce qu'il n'est pas encore matérialisé qu'il l'avertit de ne pas le toucher (Jean, XX, 17). Cependant Mathieu suppose que les deux Marie lui embrassèrent les pieds (ch. XVIII, 9). D'après saint Marc, il apparut aux disciples sous une autre forme (ch. XVI, 12), cette forme nouvelle indique évidemment une adaptation aux contingences du moment, à l'opportunité des lieux et des tempéraments. Aux onze il reproche leur scepticisme ; et c'est en cette circonstance que nous voyons que les apôtres connaissaient bien les phénomènes de vision et d'apparition car, au moment même où ils viennent de proclamer leur foi en la résurrection, Jésus leur apparaît ; et ils doutent en disant : Non, ce n'est qu'un esprit. – Mais Jésus est bien matérialisé : Un esprit n'a ni chair, ni os, comme vous voyez que j'ai. Et, malgré cela, ils ne crurent pas encore (Luc, ch. XXIV, 39). Voilà qui rappelle d'une manière frappante le scepticisme de nos docteurs en Sorbonne et l'incrédulité de nos théologiens en présence de nos matérialisations.

Ces témoignages, de la Bible, s'accordent à nous prouver que le phénomène n'était pas toujours d'une visibilité parfaite, ses modalités changent, Jésus passe à travers les portes fermées le onzième jour après sa mort (Jean, XX, 19, 26), avec les disciples d'Emmaüs la visibilité est si parfaite que ceux-ci n'ont même pas l'idée d'une apparition ; ils ne la constatent que lorsqu'elle s'évanouit.

Eh bien voilà ! Toutes proportions gardées, le genre de phénomène que le spiritisme s'efforce d'accréditer. Nous prétendons faire admettre par l'Académie des Sciences la possibilité des matérialisations, des extériorisations et des bilocations de l'être humain, ainsi que le fait du passage de la matière à travers la matière ; c'est d'une prodigieuse audace, mais ce sera une affaire de temps et de persévérance. Nous prétendons agir, sur le scepticisme de notre époque, autrement qu'avec des sermons. De cette façon-là, nous n'empiétons en rien sur le domaine des prédicateurs, nous leur amenons l'incrédulité désarmée, c'est à eux d'exercer leur ministère comme ils l'entendront.

Il faut renoncer aux miracles fantastiques qui n'édifient plus nos contemporains et qui n'ont aucune prise sur le scepticisme. Que ces messieurs du clergé nous excusent, mais nous pouvons leur prédire à coup sûr que, s'ils n'acceptent pas le miracle moderne, ils ne parviendront pas à réhabiliter le miracle ancien. Le merveilleux scientifique fera comprendre le dynamisme du miracle, et celui-ci gagnera en certitude ce qu'il perd en grandeur légendaire.

Aux premiers temps de l'Église cette preuve directe était universellement admise ; les morts sortaient du ciel, du purgatoire et de l'enfer ; ils répondaient aux évocations des évêques et des conciles ou, même, ils ressuscitaient à leur appel. La question, ici, n'est plus de savoir si des miracles énormes, admis aux procès de canonisation doivent être acceptés aveuglément, elle est de savoir si l'Eglise osera déclarer scandaleux, et impossibles en eux-mêmes, des faits qu'elle acceptait à l'origine.

Nous n'avons plus, sur ce passé, que des témoignages affaiblis qu'il est permis de croire exagérés et embellis. Il est impossible de les défendre contre la critique, mais quelle nouvelle lumière et quelle belle espérance si nous pouvons soutenir à la face de tous, expérimentalement contrôlés, scientifiquement et moralement certains, des phénomènes de même nature que ceux qui sont à la base de ces pieuses légendes. Les matérialistes qui ont vu et touché en sont ébranlés, leur mentalité en est toute changée, sauf les cas où ils sont aveuglés par leur orgueil et leur suffisance. Dans ce cas l'obstination confine à la mauvaise foi et nous avons le droit de nous étonner lorsque nous voyons des membres du clergé, dos orateurs de talent, s’appuyer sur eux pour nous combattre et venir, au nom d'une orthodoxie douteuse, renforcer le matérialisme dans son œuvre de négation.

TABLE DES MATIÈRES

Préface de la nouvelle édition. 2

Introduction. 8

CHAPITRE PREMIER – L’heure trouble. 10

CHAPITRE II – Dans le passé. 15

CHAPITRE III – Le nouveau spiritualisme. 20

CHAPITRE IV – Les esprits agissent sur la matière. 25

CHAPITRE V – On peut communiquer avec l’au-delà. 30

CHAPITRE VI – Le purgatoire. 36

CHAPITRE VII – Les méfaits de la suggestion. 41

CHAPITRE VIII – Les hantises. 47

CHAPITRE IX – la médiumnité. 51

CHAPITRE X – La réincarnation. 56

CHAPITRE XI – Le périsprit 62

CHAPITRE XII – Chez les théologiens. 68

CHAPITRE XIII – Chez les spirites. 75

CHAPITRE XIV – Chez les saints. 80

CHAPITRE XV - Autour des morts. 87

CONCLUSION.. 92


[1] Gougenot des Mousseaux, la Magie au xixe p. 181.

[2] Traité de Métapsychique, Ch. Richet. Alcan, 1922.

[3] La Mort et son Mystère, trois volumes, Ern. Flammarion, éditeur

[4] Voir. J. Ribet, chanoine honoraire, la Mystique divine Poussielgue, édit. Paris, 1902, vol. III, 60 à 73. Dans l’impossibilité d’établir un signe distinctif du miracle, il revient toujours à la conclusion qu’un fait surnaturel peut et doit être regardé comme divin, s’il est réalisé par des amis de Dieu, etc. L’Obéissance est la garantie la plus sûre, p. 66.

[5] Ce qu’on a fait de l’Eglise, p. 226. Alcan, éditeur.

[6] Voyez : La Religion Spirite, p. 16, par le P. Mainage, prof. à l'Institut Catholique (Revue des Jeunes, 3, rue de Luynes, Paris VIIe).

[7] La Religion Spirite, p. 74.

[8] Proceedings of the S. F. P. R., t. VI, année 1889.

[9] Nul ne doit aborder ces études sans s'être pénétré du livre d'un maître, Recherches sur la médiumnité, par Gabriel Delanne. Librairie des Sc. Psychiques, 42, rue Saint-Jacques.

[10] Nouvelles expériences sur la Force Psychique, 167. Leymarie, 42, rue Saint-Jacques.

[11] La Mystique divine, tom. ii, p. 123. Poussielgue. 1861.

[12] Abbé Migne. Dictionnaire de Mystique Chrétienne, p. 628, 1 867.

[13] Traité de l'amour de Dieu, 1. 7, ch. 4.

[14] Delanne, Recherches sur la Médiumnité, p. 421.

[15] Gabriel Delanne, Recherches sur la Médiumnité, p. 426.

[16] Revue Spirite, 42, rue Saint-Jacques, janv. 1 921.

[17] Abbé Migne, Dictionnaire mystique, p. 155.

[18] Vie de N.-S. Jésus-Christ, édition Castermann, 1 860, tome V, p. 400.

[19] Ces points, ainsi que ceux qui précèdent représentent 25 lignes, omises par le théologien, mais qui, dans l'ouvrage de M. Home, expliquent l'incident, comme une merveilleuse preuve d'identité donnée à un des assistants.

[20] Cités par le P. Pailloux et tiré du livre de Home, Révélations sur ma vie surnaturelle.

[21] Le bon théologien oublie, ici, les deux becs de gaz allumés.

[22] Le Magnétisme, le Spiritisme, par le Père Xavier Pailloux, p. 211, 212.

[23] Dictionnaire de Mystique Chrétienne, abbé Migne, voir p. 122.

[24] Mystique Divine de Gorres, t. II, p. 184 -344, t. III, p. 520.

[25] L'abbé Ribet, La mystique divine, t. IV, p. 241 et suiv.

[26] Gabriel Delanne. Revue Scientifique et Morale du Spiritisme. p. 237, août 1 921.

[27] La Mort et son Mystère.

[28] Voyez : La Mystique de Gœrres, t. III, p. 314.

[29] Voir Ribet, IV, p. 116-116.

[30] Vie de N. S. Jésus-Christ, édition H. Casterman, 1860, p. XCIII-XCV.

[31] Annales des Sciences Psychiques. Année 1910, p. 291.

[32] Il faut remarquer, ici, que le magnétiseur inconscient attend que le sujet extatique soit en état de rapport. La première épreuve étant négative un état d'hypnose plus profond amène le sujet à l'état de clairvoyance.

[33] G. Delanne, Recherches sur la médiumnité, librairie des Sciences psychiques, 42, rue Saint-Jacques.

[34] Mystique, vol. III, p, 37.

[35] La Cité Mystique de Dieu, par Marie d'Agréda, liv. VII, p. 174. Bruxelles, 1715.

[36] La Mystique de Gœrres, t. II, p. 184.

[37] Abbé Migne, la Mystique, p. 178.

[38] Voir Dictionnaire de la Mystique, Abbé Migne.

[39] Voyez Léon Denis, Christianisme et Spiritisme, p. 433.

[40] La Réalité des Esprits, par le baron de Guldenstubbé. Paris, 1857.

[41] V. Père Giry, Vie des Saints, t. III, p. 462.

[42] Th. Mainage, la Religion spirite, p. 103.

[43] Abbé Migne, Dictionnaire de Mystique Chrétienne, p. 397.

[44] Abbé Migne, id., p. 956.

[45] . Le Périsprit, écrit Gabriel Delanne, n'est pas une conception philosophique imaginée pour rendre compte des faits, c'est un organe indispensable à la vie physique que l'expérience a fait connaître (Evolution animique, p. 58).